: Dans une interview qu’il a bien voulu nous accorder à trois semaines du match Mali-Cap Vert décisif pour la qualification à la prochaine CAN, le milieu de terrain du Barça explique les raisons de son absence lors des derniers matches des Aigles et réitère son attachement à la sélection nationale
-L’Essor : La saison a bien commencé pour le Barça avec la victoire en Supercoupe d’Espagne contre le Réal. Peut-on dire que l’équipe est déjà au point ?
Seydou Keïta : C’est toujours bien de gagner surtout quand il s’agit du Réal Madrid. Ces deux matches avaient valeur de test pour nous pour la simple raison que l’équipe n’a pas eu suffisamment de temps de préparation. Mais malgré ce handicap, nous avons réussi à battre le Réal sur les deux rencontres et remporter notre premier trophée de la saison. C’est un bon départ, mais il faut garder les pieds sur terre parce que la saison ne fait que commencer et les défis sont encore nombreux cette année.
-L’Essor : Quels commentaires vous inspirent les incidents qui ont émaillé ce premier Clasico de la saison et l’expulsion de deux joueurs du Réal par l’arbitre ?
Seydou Keïta : Dans ce genre de matches il y a souvent beaucoup de tensions. Les incidents sont toujours déplorables sur le terrain parce que le football reste avant tout un jeu. Mais personnellement, je n’aime pas parler du comportement d’un joueur ou d’un entraîneur adverse. Cela ne signifie pas que je suis indifférent aux incidents qui se produisent sur le terrain, loin s’en faut.
L’Essor : Le coach du Barça, Pep Guardiola aime dire que vous avez des qualités qu’il ne retrouve chez aucun joueur et que vous êtes un élément important de son dispositif. Mais ne pensez-vous pas que l’arrivée de Cesc Fabregas peut changer la donne et rendre la concurrence encore plus difficile cette année ?
Seydou Keïta : C’est clair que la concurrence sera encore rude cette saison. Pour moi, cela n’est pas une nouveauté. Quand on veut aller de l’avant et quand on veut s’imposer dans une équipe comme le Barça, on doit être prêt pour la concurrence. C’est à moi de me battre et de continuer à mériter la confiance de Pep Guardiola. Si j’ai accepté de quitter le FC Séville où j’étais titulaire à part entière, c’est parce que j’ai envie de progresser, d’aller plus haut. Si je n’avais pas envie d’aller de l’avant, je serai resté au FC Séville avec la certitude de jouer les 38 matches du championnat chaque année. La concurrence me permet de m’améliorer, c’est une source de motivation supplémentaire. En 2009, j’ai joué pratiquement tous les matches du championnat. L’année dernière, j’ai été moins sollicité par le coach Pep Guardiola, mais je sais qu’il me fait confiance et qu’il compte sur moi au sein du groupe. Aussi, je n’ai jamais douté de ma capacité à apporter un plus à l’équipe. C’est ça le plus important.
-L’Essor : L’année dernière, le Barça a réalisé le doublé Liga-Ligue des champions d’Europe. Pensez-vous que l’équipe peut rééditer un tel exploit cette saison ?
Seydou Keïta : Tout est possible. Notre objectif, c’est le triplé Coupe-Liga-Ligue des champions. Nous avons les potentialités suffisantes pour atteindre un tel objectif. Toutefois, il ne faut pas oublier que chaque saison a ses réalités, qu’il y a plusieurs équipes qui peuvent prétendre au sacre et que le déroulement de la saison sera également un facteur important. Personne ne sait ce qui peut se passer dans une saison, mais il ne fait guère de doute que tout le monde nous attend au tournant pour cette nouvelle campagne.
L’Essor : Sur un plan personnel, quelles sont vos ambitions pour la saison ?
Seydou Keïta : Mon ambition est de disputer plus de matches que l’année dernière. Pour ce faire, je dois être à mon meilleur niveau. Je travaille pour ça, tout en ayant à l’esprit que le plus important n’est pas la performance individuelle de Seydou Keïta, mais l’intérêt de l’équipe. Si j’arrive à marquer au moins une demi-douzaine de buts et à faire des passes décisives comme en 2009, je serai satisfait de ma saison. Mais je le répète encore, le plus important, c’est l’intérêt du groupe et non la prestation de tel ou tel joueur. Chacun doit se mettre au service du collectif pour faire avancer l’équipe. En clair, seuls comptent les résultats de l’équipe.
-L’Essor : Parlons à présent des Aigles. Dans trois semaines notre pays recevra le Cap Vert pour un match décisif dans la course à la qualification de la CAN 2012. Êtes-vous prêts à participer à cette rencontre ?
Seydou Keïta : La question ne se pose pas si je suis prêt ou pas à revenir en sélection. J’aime mon pays et c’est toujours un honneur et une fierté pour moi de défendre les couleurs nationales. Mais comme vous le savez, depuis la CAN 2010 en Angola, l’Équipe nationale est confrontée à une grave crise qui a poussé certains joueurs à prendre du recul. À mon avis, après le fiasco de la dernière CAN et la décision de certains joueurs de se retirer provisoirement de l’Équipe nationale, il était nécessaire que tous les acteurs du football de notre pays se retrouvent pour faire une évaluation. À défaut, on aurait dû chercher à comprendre au moins les raisons qui ont poussé certains cadres à renoncer provisoirement à la sélection. Je ne voudrai pas citer de noms, mais pour ce qui me concerne personnellement, j’ai décidé de prendre du recul tout simplement parce que la situation était devenue invivable au sein de la sélection. L’autocritique et la remise en cause s’imposaient pour espérer repartir sur de bonnes bases. Aujourd’hui, le problème des Aigles ne se trouve pas sur le terrain. Il est ailleurs et se traduit notamment par des querelles de personne. Il faut qu’on accepte de se dire certaines vérités en face si l’on veut que notre football reprenne la bonne direction de marche. Au lieu de chercher à rassembler les gens, à faire l’union sacrée autour de la sélection, certains responsables font tout pour diviser les acteurs. La pratique ne date pas de la dernière CAN, elle a commencé en 2003 lors des éliminatoires de la CAN 2004.
-L’Essor : Le sélectionneur national, Alain Giresse vous a convoqué pour le match Tunisie-Mali, mais vous avez décliné la convocation.
Seydou Keïta : Je voudrai d’abord préciser qu’il n’existe pas de problème Giresse-Seydou ou encore de problème Seydou-Fédération. Je ne suis pas venu pour le dernier match des Aigles tout simplement parce que les conditions n’étaient pas remplies. Seydou Keïta n’abandonnera jamais la sélection à cause d’un entraîneur ou d’un responsable sportif de quel que niveau que ce soit. Le football, c’est ma vie et aussi longtemps que je continuerai à jouer, je défendrai toujours les couleurs de mon pays. Seulement, je voudrai que les gens comprennent que toute bonne collaboration doit être sous-tendue par une confiance réciproque. On ne peut pas travailler avec quelqu’un qui ne vous respecte pas, qui ne vous fait pas confiance. Il y a toujours des problèmes, mais mon souhait est de retrouver l’équipe nationale le plus rapidement possible.
-L’Essor : Est-ce à dire que Seydou Keïta sera encore absent lors du prochain match des Aigles contre le Cap Vert ?
Seydou Keïta : Il faut regarder les choses en face. Après la CAN 2010, mon souhait était de faire une évaluation pour mieux aborder cette nouvelle campagne. Cela n’a pas été fait, mais malgré tout j’ai décidé de revenir en sélection. J’ai même appelé le sélectionneur national pour lui confirmer ma disponibilité. C’est lui qui a décidé de ne pas m’appeler. J’ai été très surpris par cette décision mais ce qui m’a encore déçu, ce sont les propos tenus par Giresse. J’ai été très choqué d’entendre le sélectionneur dire que c’est moi qui ai refusé de venir. Aura-t-il le courage de dire aux Maliens ce qui s’est réellement passé la veille du match Zimbabwe-Mali ? Les supporters doivent connaître la vérité sur mon absence en Équipe nationale, même si je sais qu’ils ne doutent pas de ma bonne foi.
-L’Essor : Avec ou sans Seydou Keïta, pensez-vous que les Aigles ont les moyens de se qualifier pour la phase finale de la CAN 2012 ?
Seydou Keïta : Je n’ai aucun doute sur les chances de qualification de notre pays. Pour moi, quel que soit le résultat du match contre le Cap Vert, le Mali va se qualifier pour la CAN. La question ne devrait même pas se poser vu les potentialités dont dispose notre pays. Mais le plus important n’est pas la qualification, c’est la prestation de l’équipe à la phase finale. Le Mali ne doit et ne peut continuer à se contenter de la qualification à la phase finale. Nos compatriotes ont trop souffert et méritent mieux que les résultats actuels des Aigles.
Propos recueillis par S. TOUNKARA
Article publié le mardi 23 août 2011
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