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Corridor Bamako-Dakar (2) : RIEN N’EST DONNE

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 : Les transporteurs doivent franchir une multitude d’obstacles depuis le port jusqu’à l’acheminement des marchandises à Bamako

Dans notre édition d’hier, nous proposions un article sur les avantages et les inconvénients du corridor Bamako-Dakar menant au port autonome de Dakar. Le gros des marchandises débarquées à Dakar étant transporté par la route, jamais sans doute, ce corridor n’avait connu tel trafic. Le ballet des gros porteurs est incessant. De Dakar à Diboli en passant par Kaolack, Tambacounda, Kidira, l’activité économique bat son plein. Aux postes de douanes, de police, de gendarmerie, dans les bureaux de transit, l’on ne chôme pas. Les transporteurs, les boutiquiers et les vendeuses ambulantes se frottent les mains. Nous sommes au parking malien de Rufsac situé sur la route de Rufisque (environ 20 km de Dakar) en quittant Dakar. Après le quartier de Grand Mbao, s’étend le parking des gros porteurs en partance et en provenance du Mali. Les véhicules stationnent sur une dizaine d’hectares. Les Sénégalais ont baptisé ce parking, « Petit Mali ».
C’est le rendez-vous privilégié des acteurs du corridor. Chauffeurs, convoyeurs et transitaires, commerçants s’y retrouvent quotidiennement pour faire le point. Ici, langue la plus parlée est le bambara. Les tenancières des gargotes sont essentiellement des Maliennes. Elles proposent des mets typiquement maliens. A intervalles réguliers, des gros porteurs chargés, entrent et sortent du parking en laissant derrière eux des nuages de poussière rouge du fait de la latérite qui tapisse le sol du parking. Sous un hangar de fortune, les mouvements des camions sont enregistrés. Les chauffeurs viennent prendre leur numéro de passage pour le port pour charger ou décharger leur cargaison aux Entrepôts maliens du Sénégal et consulter le calendrier des sorties de leurs véhicules.


« LE PRIX DE LA COLA ». Dans ce parking, ce sont uniquement des gros porteurs chargés de marchandises qui stationnent. Il y a également des camions citernes garés un peu à l’écart dans un espace aménagé au fond du parking. Ils attendent d’être chargés de carburant pour prendre la route vers notre pays. Ici la première contrainte réside dans le temps d’attente. Sidiki Doumbia, un chauffeur malien, explique : « Depuis décembre 2010, on vit cette situation très pénible. Ceux qui partaient d’habitude en Côte d’Ivoire, ont mis le cap maintenant sur Dakar. On poireaute ici, pendant plus de dix jours souvent.


C’est difficile mais on n’a pas le choix, on doit s’adapter à cette nouvelle situation ». A la direction des Entrepôts maliens du Sénégal, les difficultés liées au transport et au transit sur le corridor sont répertoriées. Ces problèmes ont pour noms l’autorisation préalable appliquée à l’importation des hydrocarbures, le coût élevé du passage portuaire, les barèmes de tarification portuaire élevés, l’exportation de certains produits du Sénégal, notamment le ciment, qui est soumise à une levée préalable de la TVA, contrairement aux dispositions de l’UEMOA. Pour les conteneurs, la principale difficulté est la franchise de 21 jours, insuffisante dans la pratique (10 jours au port, 11 jours aller-retour Bamako-Dakar), la caution élevée de location des conteneurs (800 000 à 1 600 000 Fcfa). S’agissant des formalités douanières, les importateurs maliens dénoncent le taux élevé d’escorte et de TS de la brigade des douanes sénégalaises (70 000 à 75 000 Fcfa), la fermeture de la frontière de 0 à 7 heures et l’application insuffisante du Trie (Transit routier Inter-Etats) des marchandises et enfin le retard dans la pose des balises de suivi électronique de la douane sur les gros porteurs. Le régime de transit routier inter-Etats (TRIE) vise à faciliter les échanges entre les différents pays de l’espace UEMOA. C’est ainsi qu’avec la levée d’un carnet unique TRIE, assorti du paiement d’une somme égale à 0,50% de la valeur affrétée, le chargeur se trouve déchargé des tracasseries et contrôles intempestifs jusqu’à l’arrivée du chargement au pays de destination. A côté de ces difficultés, l’autre plaie du corridor Bamako-Dakar réside dans les tracasseries routières. Il y a tellement de postes de contrôle fixes et mobiles sur ce corridor qu’il est impossible d’établir leur nombre exact. En accompagnant certains gros porteurs, nous en avons pu en dénombrer 23 entre Dakar et Kidira. Entre Rufisque et Kaolack distant de 192 km, 7 postes de contrôle dont 5 postes mobiles sont installés. De Kaolack à Kidira (462 km), l’on peut compter une quinzaine de postes. Ce constat tord le cou à la version officielle qui ne dénombre que 3 postes de contrôle entre Kidira (frontière Mali-Sénégal) et Dakar.


De plus à chaque poste de contrôle, il faut mettre la main à la poche pour ce qu’on appelle « Nouyoo mouride » ou « le prix de la cola ». Cette inflation des points de contrôle constitue une véritable entrave à la fluidité du trafic sur le corridor Bamako-Dakar. Moussa Diallo, chauffeur de gros porteurs, est un familier du système. Il témoigne que les perceptions illicites sur ce trajet sont nombreuses : « A chaque contrôle, on doit donner entre 2000 et 5000 Fcfa, soit plus de 30 000 Fcfa entre Dakar et Kidira (682 km). Une fois que tu donnes l’argent, on te laisse passer. Dans le cas contraire, ils sont capable de te garder pendant tout une journée ». Pourtant, le chauffeur souligne que les postes de contrôle sont en nette diminution par rapport au trimestre passé. Selon le chef de la représentation locale des douanes maliennes à Dakar, Ibrahim Coulibaly, ces problèmes ont été soumis aux plus hautes autorités du Sénégal. Celles-ci avaient apporté des solutions diligentes à l’occasion d’un conseil interministériel en décidant que le nombre de poste de contrôle sur le corridor ne devrait pas dépasser les trois points.


EN DANGER PERMANENT. Mais comme on le dit, les habitudes (surtout les mauvaises) ont la vie dure. « Pour faciliter le trafic sur ce corridor, il y a beaucoup de chose à revoir. Il faut annuler la TVA sur l’exportation de certaines marchandises, faire baisser les coûts de caution et de location des conteneurs, ouvrir la frontière 24 h sur 24 pour améliorer la rotation des véhicules », relève le douanier. Cependant, de l’autre côté de la frontière, à Diboli (côté malien), le problème principal est le manque d’aire de stationnement. Ici, plus de 200 camions arrivent quotidiennement et s’entassent le long de la route. En effet, Diboli, porte d’entrée de 75% de nos importations est chargé d’accueillir tous les gros porteurs en provenance de Dakar. Ceux-ci y remplissent les premières formalités douanières.


Or, le bureau des douanes de Diboli ne possède ni parking, ni aires de stationnement. Les camions souvent surchargés sont obligés de se ranger le long de la route, provoquant des kilomètres de file d’attente. Les douaniers sont alors obligés de parcourir plus d’une dizaine de kilomètres à pied pour établir le constat de certains véhicules. « Nous sommes en danger permanent. Les véhicules souvent trop chargés et garés sur les deux côtés de la route peuvent perdre l’équilibre à tout moment. Ce qui arrive parfois d’ailleurs.


S’il s’agit de produits alimentaires, on peut les ramasser. Mais avec les produits chimiques et les mines, il y a vraiment lieu d’avoir peur. Il faut un parking à Diboli. Avec l’hivernage qui arrivera dans deux mois, la situation va empirer », explique un douanier. Comme nous l’écrivions déjà hier le corridor Bamako-Dakar se présente aujourd’hui comme une course d’obstacles depuis le port jusqu’à l’acheminement des marchandises à Bamako. La persistance des difficultés découle en grande partie à la non application des accords conclus entre les deux pays. « Le corridor Bamako-Dakar est en train de devenir un enfer pour nous, malgré les bonnes intentions des autorités sénégalaises », estime un chauffeur qui note que nombre d’opérateurs économiques prient chaque jour pour la reprise rapide de l’activité économique en Côte d’Ivoire. On peut les comprendre.


Doussou Djiré -





Article publié le vendredi 22 avril 2011
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