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Crises en Guinée, en Côte d’Ivoire, en Mauritanie… : La diplomatie du silence

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 : Le temps semble bien loin où la communauté internationale et plus précisément la communauté africaine scrutaient vers le Mali quand il y avait une crise pour savoir quelle devait être la direction du vent.

En début de semaine, notre confrère Aurore publiait un article sur le mutisme de nos autorités quant à la crise qui secoue actuellement notre voisin guinéen. En s’appuyant sur les menaces qui planaient sur les Sénégalais vivant à Conakry à cause du soutien de Me Wade à Dadis, le confrère se demandait si nos autorités n’avaient raison de se taire. Peut-être bien que cette élémentaire logique de prudence qui sous-tend le silence. Peut-être. Parce que cette posture n’a évité à notre ambassadeur d’être rudoyé et dépouillé de son argent, de ses téléphones et même de sa voiture. Cette posture n’a évité à certains de nos compatriotes vivant depuis des années dans ce pays voisin, dans ce pays frère, dans ce pays siamois de subir les foudres de quelques excités. Ce n’est donc pas la peur de voir nos compatriotes bastonnés ou même tués qui est à la base du mutisme de nos autorités. Il y a que notre pays a décidé, au nom de l’abscons principe de non ingérence, de se taire. La Guinée n’est que le dernier exemple d’une longue série de silence tout aussi gênant qu’incompréhensif. Hormis la condamnation sans équivoque du président de l’Assemblée nationale de ce qui s’est passé en Guinée, aucune institution de la République du Mali n’a ouvert la bouche. Les partis politiques et les associations avaient rédigé leurs condamnations dès le lendemain de la barbarie. La junte militaire tue de manière froide et préméditée plus de 150 personnes, viole les femmes par centaines, fait plus de 1200 blessés, et notre pays se tait. Et pourtant le Sénégal dont les ressortissants étaient menacés a condamnés fermement l’assassinat en masse et le viol collectif à ciel ouvert. Les témoignages des survivants, les images qui font le tour du monde prouvent la barbarie à la limite du cannibalisme (il s’en est fallu de peu que les soldats de Dadis ne dévorent les dépouilles de leurs victimes). Notre pays aurait dû, au nom simplement des droits humains, condamner ce qui s’est passé. Laissons de côté tous les aspects liés à la démocratie, à l’Etat de droit, à notre peur. Parce que des hommes et des femmes ont lâchement tués, le Mali aurait dû se faire entendre.Avant la Guinée, il y a eu la Côte d’Ivoire avec la rébellion partie du Nord avec l’objectif de chasser Laurent Gbagbo. Les autorités maliennes s’étaient murées dans un silence de cathédrale. Mais fut presque considéré comme une circonstance aggravante, comme un aveu de culpabilité. Nos compatriotes ont été massacrés, violentés, spoliés de leurs biens (mobiliers et immobiliers). « Ta ma mènè sisi ma bo ». Nos autorités n’ont pas placé le moindre mot. Avant la Côte d’Ivoire, il y a eu le coup d’Etat en Mauritanie et le viol de la constitution au Niger.Autre temps, autres mœurs.Quand dans le concert des Nations, on ne dit rien, on ne confie rien. Toutes les crises qu’on vient d’énumérer ont été réglées ou seront réglées sans le Mali pour ne pas dire contre le Mali. Dans la crise ivoirienne (et bientôt la Guinée), le Burkina renforce sa position dans la sous région et envisage avec son voisin du sud un axe du genre l’axe germano-français qui sera la locomotive de l’espace Uemoa. Dans la crise Mauritanienne, c’est le Sénégal qui a tiré les marrons du feu.Le temps semble donc bien loin où notre pays jouait le rôle de locomotive. Dès qu’il y a changement anticonstitutionnel, le Mali était le premier à donner le ton et montrait la voie à suivre. On se rappelle que quand il y a eu le coup d’Etat de Maïnassara au Niger où la situation politique était complètement bloquée. Le Mali avait été le seul pays à condamner un coup de force que les autres interprétaient comme un soulagement. L’assassinat de Maïnassara a prouvé que le coup d’Etat n’était pas la solution et le Niger paye encore aujourd’hui ce faux pas. Quand il y a eu le coup d’Etat en Sierra Leone contre le président Ahmed Tijane Kabbah. Notre pays ne s’était pas seulement contenté de dénoncer le forfait des militaires. Mais il a souhaité et obtenu de la CEDEAO qu’elle intervienne à travers l’Ecomog pour remettre le président Kabbah au pouvoir. Avant la rébellion ivoirienne, notre pays était aux premières loges de la médiation entre les hommes politiques déchirés suite au coup d’Etat de Robert Guéï que le Mali avait condamné. On peut multiplier à l’envie les exemples. Mais on ne peut taire ce que la diplomatie malienne a fait pour la Libye. Frappé par un embargo, la Libye était isolée et peu nombreux ceux qui se rendaient chez le Frère Guide (à l’époque, c’était le Guide tout court). Le président du Mali, non content de travers le désert en voiture à parti de Tunis (aucun avion ne pouvait atterrir à Tripoli pour cause d’embargo) était parvenu une bonne partie de ses pairs à sa démarche qui visait à rompre l’isolement de la Libye. Et c’est sur son initiative qu’un groupe de Chefs d’Etat africain avaient violé l’embargo aérien en atterrissant à Tripoli, au grand dam des Américains. En ces temps là, le Mali prônait la diplomatie de l’ingérence et recommandait de rappeler à l’ordre un chef d’Etat qui violait les droits de l’homme dans son pays. En ces temps là, le Mali portait haut le flambeau de la démocratie douloureusement acquise et qu’il souhaitait pour tous les peuples africains. Le président ATT aurait pu continuer sur le même sens. C’est vrai que son tempérament est presque à l’opposé de celui de son prédécesseur. Il est vrai aussi que les périodes ne sont pas les mêmes. Mais ATT a constater les sollicitations qui pleuvaient sur lui. L’ancien médiateur dans les crises africaines notamment en Centrafrique avait sa partition à jouer. Mais année après année, notre position s’est effilochée. Plus personne ne nous écoute parce que nous avons cessé de parler. Plus personne ne nous regarde parce que nous avons cessé d’afficher nos positions et que nous nous cachons préférant nous en remettre aux décisions des organisations internationales oubliant que c’est à nous de les influencer.Bassaro Touré
Article publié le dimanche 11 octobre 2009
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