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Le professeur Joseph Paré passe du gouvernement à l’ambassade du Burkina Faso en France (1/2)

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 : La nomination de Luc Tiao, voici quelques mois, au poste de premier ministre du Burkina Faso avait, du même coup, rendu disponible le job d’ambassadeur en France. Un bon job. Même si ceux qui l’ont exercé ces dernières années (avant Tiao il y avait Filippe Savadogo) ont placé la barre des exigences suffisamment haute pour que les « usagers » du 159 boulevard Haussmann puissent penser que la tâche du nouveau venu ne sera pas des plus faciles : disponibilité, efficacité, ouverture… l’ambassade du Burkina Faso était celle de l’Afrique tout autant que celle du « pays des hommes intègres ».


Il suffit de faire le tour des autres ambassades africaines de Paris pour s’en convaincre. Ce qui prouve qu’en la matière, on peut faire beaucoup avec peu de moyens (ce qui n’est pas, pour autant, une raison de restreindre les moyens des ambassades : il n’y a rien de pire qu’une représentation diplomatique où le laisser-aller est érigé en pratique quotidienne ; et si ce n’est pas, nécessairement, une question d’argent, c’est une question de qualité de l’encadrement : et cela aussi a un prix).

Voilà donc Tiao parti. Il avait été le treizième ambassadeur nommé dans la capitale française (je compte pour « 1 » Henri Guissou en poste en 1961-1964 et 1966-1972) ; ce qui, finalement, lui a été profitable. Son prédécesseur, Filippe Savadogo, était passé de l’ambassade au gouvernement. Son successeur fait le parcours inverse : de ministre, le voilà ambassadeur. A Paris ; ce qui n’est pas négligeable, plus encore dans le contexte actuel. D’autres noms avaient circulé et c’est sans doute le plus inattendu des candidats potentiels qui l’emporte. Mais il est vrai que le professeur Joseph Paré, s’il est un nouveau venu dans le milieu diplomatique, y compte des amis (Djibrill Bassolé, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale, Sanné Mohamed Topan, ancien directeur de cabinet du PF, actuellement ambassadeur à Bamako, Monique Ilboudo, ancien ministre, ambassadeur à Copenhague, au Danemark…).

Paré est donc prof d’université ; pas d’une quelconque matière genre histoire-géo ou maths mais d’un truc dont personne ne sait vraiment ce que c’est : la sémiotique littéraire. Autrement dit la « science des modes de production, de fonctionnement et de réception des différents systèmes de signes de communication entre individus ou collectivités ». Belle ambition dans un pays où les « taiseux » sont légion dans le milieu politique. Savoir ce que parler veut dire ? Il faudra, désormais, faire attention à ce que l’on raconte quand on ira aux « réceptions de l’Ambassadeur » !

J’avoue ne pas savoir grand-chose du professeur Paré si ce n’est qu’il a enseigné à l’Université de Ouagadougou (UO) à compter de 1988. Il y était professeur titulaire de sémiotique littéraire à l’Unité de formation et de recherche en lettres, arts et communication (UFR/LAC), dans le département de lettres modernes. Vice-président chargé de la professionnalisation et des relations université-entreprises (2000-2004) après avoir été directeur de l’administration, de l’information et de l’orientation (1998-2000), il sera nommé, le 19 novembre 2003, président de l’Université de Ouagadougou (UO), en remplacement du professeur Alfred S. Traoré (refondateur de l’UO grâce, notamment, à la mise en œuvre du système d’enseignement modulaire qui a permis d’améliorer le taux de succès).

Patron de l’UO, Paré avait mis en avant les qualités nécessaires à la bonne exécution de la tâche qui lui avait été confiée : « Lucidité, abnégation, sens élevé de la responsabilité, de l’éthique et du sacerdoce ». « La gestion des rapports, disait-il alors, doit se fonder sur le respect de la position que chacun occupe sur l’échiquier universitaire. Le respect de chacun selon la place qu’il occupe dans notre système universitaire nous permettra, sans aucun doute, d’éviter un certain nombre d’écueils préjudiciables ». Il soulignera à cette occasion que l’université est, « par essence, un lieu d’acquisition du savoir mais, aussi, celui des débats d’idées susceptibles de faire progresser la société toute entière à travers la formation de citoyens aptes à se mettre au service de la nation ». Beau discours. Il est vrai qu’en la matière, Paré est imbattable. Mais son parcours intellectuel l’y prédisposait.

Né le 17 février 1957 à Bouaké, en Côte d’Ivoire, Paré fera ses études à l’Université de Ouagadougou - licence (1980) et maîtrise (1981) en lettres modernes - puis à l’Université Paris III, Sorbonne nouvelle - DEA en poétique comparée (1983) - avant de rejoindre l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) - ex-Langues O - à Paris pour y décrocher un doctorat de troisième cycle en poétique comparée (1986) avec une thèse intitulée « Etude des procès de figurativisation dans la poésie de Tchicaya U Tam’si » (Tchicaya est un auteur majeur du Congo-Brazza). Ce sera ensuite la préparation d’un Ph. D à l’université Laval de Montréal où il va rédiger sa thèse sur « L’espace discursif du roman africain francophone post-colonial » avec Alain Rocher comme directeur et Fernando Lambert comme co-directeur. Nous sommes en 1995. Deux ans plus tard, en 1997, il la fera éditer aux éditions Kraal, à Ouagadougou, sous le titre : « Ecritures et discours dans le roman africain francophone post-colonial » avec une préface de Lambert. Lambert, professeur titulaire de littératures africaines à l’université Laval de Montréal, a été pendant une quinzaine d’années enseignant en Afrique ; c’est notamment un spécialiste de Léopold-Sédar Senghor et du pays Sérère au Sénégal.

En 2001, Paré publiera au Québec « La francophonie en Afrique subsaharienne », un ouvrage rédigé avec Pierre-Fabien Nkot, un Bassa du Cameroun, professeur de droit constitutionnel et de sociologie politique du droit à l’université de Yaoundé II qui a, également, soutenu sa thèse de doctorat (« Perversion politique du droit et construction de l’Etat unitaire au Cameroun ») à l’université Laval ; une thèse qui mérite lecture aujourd’hui encore plus qu’hier puisqu’elle vise à montrer « que les dépositaires de pouvoir imaginent et élaborent un ensemble de techniques de tricheries juridiques qu’ils mobilisent progressivement et systématiquement pour atteindre des objectifs politiques qu’ils se sont préalablement fixés ». Par la suite, dans « Usages politiques du droit en Afrique. Le cas du Cameroun », Nkot se fixera pour mission de démontrer les « manœuvres des dirigeants politiques africains, notamment camerounais, pour rendre inapplicables nombre de textes juridiques, faisant ainsi de ceux-ci une fiction et un décor » (à noter que Paré a une réelle connaissance - sans doute du fait de sa proximité avec Nkot - des intellectuels et penseurs camerounais ; il aime à citer Ambroise Kom, Mongo Béti…).

Ambassadeur à Paris (mais également auprès de l’Unesco, ce qui ne saurait étonner ; il en maîtrise d’ailleurs, parfaitement, les arcanes), Paré sera en charge de la francophonie. Il en a une vision que je qualifierais de « militante ». Il veut la « réajuster » pour qu’elle « serve les intérêts de la grande majorité », considère qu’elle est inégalitaire (« Les membres de l’organisation francophone partagent une maison commune, mais font chambre à part ») dès lors que le poids de l’Afrique est insignifiant dans la prise des décisions au plan institutionnel. Il la veut plus « solidaire » que « culturelle » ; et, surtout, réappropriée par les Africains afin qu’elle serve à promouvoir « des stratégies de développement propres à leurs réalités ».

On pourrait penser que Paré est un intellectuel quelque peu égaré dans la diplomatie et qu’il n’a pas grand-chose à faire à Paris, sauf à briller en société. Ce serait oublier qu’il a été, aussi, ministre et donc un homme de terrain. Mais c’est une autre affaire.

A suivre

Jean-Pierre BEJOT La Dépêche Diplomatique







P.-S.Lire aussi : Le Pr. Joseph Paré : « Les membres de la Francophonie partagent une maison commune, mais font chambre à part »














Article publié le dimanche 31 juillet 2011
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