« Je me souviens, quand j’étais petite on entendait les noms de tous les cinéas-tes nigériens à la radio. Mais c’est surtout Zalika Souley qui m’intriguait. Elle se faisait insulter par tout le monde, y compris sa famille et ses propres parents et elle continuait malgré tout à être actrice. Elle portait des jupes et des Jeans dans un pays où il y a beaucoup de retenue et de pudeur. C’était la première actrice africaine de cinéma en dehors de l’Egypte. Le Niger a été le premier pays à créer une industrie du cinéma sur le continent africain en dehors de l’Egypte. Je me demande comment elle faisait pour vivre dans ce monde de fous et je voulais comprendre comment le cinéma est arrivé chez nous. On était dans les années 60 qui sont des années de revendication d’indépendance par rapport à l’occident et à l’ancien colonisateur. Zalika Souley est considérée comme une collaboratrice car s’habillait comme les blancs, s’affichait avec les blancs… Je voulais raconter l’histoire de Zalika Souley. J’ai pris son histoire qui est la colonne vertébrale du film pour raconter l’histoire du cinéma nigérien». Tels sont les propos tenus par Rahmatou Keïta au cours d’un point de presse animé mercredi 17 décembre 2003 à l’auditorium du Centre culturel Franco-nigérien de Niamey, à l’occasion de la sortie de son dernier film « Allèèssi, une actrice africaine ». Allèèssi signifie en Djerma un destin. A travers ce film il s’agit du destin de Zalika Souley à qui la réalisatrice rend hommage mais aussi le destin du cinéma nigérien à travers son histoire incarnée par ses grandes figures : Moustapha Alhassane, Oumarou Ganda, Maman Bakabé, James Kelly, Djingarey Maïga…
La vie de Zalika se confond à la pé-riode faste du cinéma nigérien en particulier et africain en général. Elle est la pre-mière actrice africaine professionnelle. Elle a joué dans de nombreux films et tra-vaillé avec les plus grands metteurs en scène nigériens et avec des réalisateurs d’autres pays. S’il y a trente ans elle était une star du grand écran, plus personne ne se souvient d’elle aujourd’hui. Ce film évoque et relate avec Zalika Souley son glorieux passé cinématographique, ses différents films, ses relations avec les réa-lisateurs et les autres acteurs.
Allèèssi se présente aussi comme une métaphore en ce sens qu’il fait le procès de la production cinématographique nigé-rienne qui du statut de cinéma leader en Afrique sombre dans la léthargie. « C’est sans doute au Niger que s’est dévelop-pée la 1ère mini-industrie du cinéma au sud du Sahara. Le 1erYennega du 1er FESPACO a été attribué à Oumarou Ganda pour son film Kabaskabo. C’est dire à quel point notre cinéma était rayonnant. Aujourd’hui Djingarey Maïga est le seul à faire des films » a ajouté Rahmatou Keïta qui affirme qu’une des raisons de cette léthar-gie incombe non seulement à l’ORTN qui refuse toute idée de coproduction avec les cinéastes nigériens mais aussi à un manque de volonté politique : «il y a un manque de dynamisme et de volonté politique de la part du gouvernement nigérien. L’Etat nigérien pense qu’il y a d’autres priorités telles que l’alimentation, la santé, l’édu-cation. Mais ce que l’Etat semble ignorer c’est qu’on ne peut pas vivre sans culture. La télévision nigérienne a refusé de faire une coproduction avec moi. J’ai renouvelé ma demande de coproduction pendant quatre ans à trois directeurs généraux dif-férents. Je ne demande pas de soutien financier à mon pays, je demande juste une coproduction, c’est-à-dire juste une signature, une promesse de diffusion du film, qui est indispensable pour trouver des financements auprès des structures de soutien de la création dans les pays du sud. Finalement c’est un ministre burki-nabé de la culture qui m’a tendu la main pour co-produire le film et j’ai pu avoir des fonds pour financer le film » a déclaré la réalisatrice. Le film a été projeté au centre culturel Franco-nigérien de Niamey le 17 décembre à 21 heures en soirée de gala, en présence de la réalisatrice e
Article publié le samedi 22 janvier 2005
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