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. Comment le Chef de l’Etat a piégé ses opposants ?
mercredi 12 août 2009
par JMK AHOUSSOU
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Les dessous de la nomination de Paul Yao N’dré
Depuis le week-end dernier, par un décret signé du Président Laurent Gbagbo, le Pr. Paul Yao N’dré a été nommé Président du Conseil Constitutionnel en remplacement du magistrat Yanon Yapo Germain, dont le mandat arrive, dit-on, à expiration. Cette désignation du Pr. Yao N’dré, reconnu comme un militant FPI pur sucre, pur lait, défraie la chronique tant les positions partisanes de l’homme politique sont connues. D’abord en tant que Secrétaire National à l’Enseignement Supérieur au sein du Secrétariat général du FPI, et ensuite en tant que député FPI de Divo. L’on retient surtout de son passage à la présidence de la Commission des Affaires générales et institutionnelles de l’Assemblée Nationale, l’image du défenseur acariâtre de son parti et de casseur patenté des propositions de l’opposition politique. C’est d’ailleurs cette image d’homme politique intransigeant qui effraie, qui fait que sa nomination fait tant jaser, surtout à presque 120 jours de la présidentielle. Mais à la vérité, cette nomination étale toute la malice politique du Chef de l’Etat et montre le gros piège dans lequel, en sa qualité de candidat de la mouvance présidentielle à cette élection du dimanche 29 novembre prochain, il est en train de pousser insidieusement ses opposants et autres adversaires électoraux. En effet, selon certaines sources, le Président Laurent Gbagbo n’avait pas meilleur profil à proposer que celui du Pr. Paul Yao N’dré pour la mission qu’il veut assigner au Conseil Constitutionnel à la présidentielle prochaine. En effet et sans que beaucoup y prêtent véritablement attention, le Conseil Constitutionnel, selon le Titre VI de la Constitution de 2000, est l’organe stratégique de ces élections, au moment où tout le monde a les yeux rivés sur la Commission Electorale Indépendante (CEI). Le Conseil Constitutionnel est chargé de 3 grandes missions. Premièrement, « statuer sur l’éligibilité des candidats aux élections présidentielles et Législatives ». Deuxièmement, « statuer sur les contestations relatives à l’élection du Président de la République et des députés ». Troisièmement, « proclamer les résultats définitifs de l’élection présidentielle ». Trois domaines de compétences plus que stratégiques qui font de cette institution judicaire, la plus sensible en cette période électorale. En nommant le Pr. Paul Yao N’dré, plus proche parmi ses plus proches et apparatchik parmi les apparatchiks du FPI, le Président Gbagbo a lancé un message très clair à ses opposants : Il ne se laissera pas faire. « Si des gens dans l’opposition pensent que les élections vont être une partie de plaisir, ou quand la communauté internationale va hausser le ton, le camp présidentiel va rentrer dans sa coquille, il est temps que ces gens-là se détrompent », nous fait remarquer un observateur averti qui précise que, de la même manière qu’en politique on ne donne pas un tabouret à son adversaire pour le faire asseoir, le Chef de l’Etat fait comprendre à ses opposants et à leurs alliés tapis dans l’ombre qu’il ne lâchera pas un pouce de son fauteuil présidentiel.
GBAGBO SUR LES TRACES D’HOUPHOUET ET DE BEDIE ?
Pour ce faire, le candidat de la mouvance présidentielle verrouille déjà les accès à son fauteuil. « Que ce soit en amont avec la recevabilité des candidatures par l’analyse de leur éligibilité, ou en aval avec la proclamation des résultats définitifs des élections, le Président Laurent Gbagbo fait comprendre clairement qu’il sera à toutes les étapes du processus et que rien ne lui échappera. En termes clairs, qu’il ne perdra pas les élections », précise le même analyste pour qui ce fait, c’est-à-dire la nomination d’un plus proche parmi les plus proches du Chef de l’Etat en fonction à ce poste stratégique de Président de Cour Suprême ou de Conseil Constitutionnel n’est pas un fait politique nouveau en Côte d’Ivoire. « Déjà en 1990, à la tête de la Cour suprême se trouvait feu Lanzéni Namogo Poto Coulibaly, préféré de feu Félix houphouët-Boigny. Malgré toutes les dénégations de l’opposition, les contestations du vote électoral, il a proclamé sans état d’âme les résultats définitifs de la présidentielle de 1990 en faveur du Vieux, son papa, à plus de 82%. Plus près de nous en 1995, c’est le magistrat Noël Nemin que le Président Henri Konan Bédié a placé à la tête du Conseil Constitutionnel dans sa 1ère nouvelle formule. Savez-vous pourquoi ? Parce que c’était un proche parmi les plus proches de N’zuéba », nous fait-il remarquer. En effet, nommé Directeur du cabinet présidentiel dès l’accession au pouvoir du Président Bédié, le 07 décembre 1993 au soir, le magistrat Nemin Noël deviendra Président du Conseil Constitutionnel pour le compte de la campagne électorale de 1995. En lice face au Chef de l’Etat d’alors, il faut le préciser, se trouvait un certain Alassane Dramane Ouattara, unique Premier ministre de feu Houphouët-Boigny et n°2 du PDCI-RDA passé dans la dissidence au congrès extraordinaire d’avril 1994, qui était allé « créer » le RDR. La travail de verrou autour du fauteuil présidentiel, le Président du Conseil Constitutionnel d’alors le fera efficacement, appuyé en cela par le « Code Electoral Bombet » de 1994. Pour cette mission si importante d’ailleurs, on surnommera le Président Nemin Noël le « Cadenas Constitutionnel ». La suite, on la connaît, même en le traitant « d’inique et de cynique », le mentor du RDR se retirera de la Présidentielle de 1995 devant le « masque » de Nemin Noël et face au « Code Electoral Bombet » de 1994. « Pourquoi croyez-vous que quand il est élu Président du PDCI-RDA au congrès d’avril 2002, c’est au Conseil de Discipline que le Président Bédié nomme encore Nemin Noël ? Parce qu’il y a des postes où on ne peut que nommer que ceux en qui on a confiance. Pas plus... », conclura notre observateur. En 2000, faut-il rappeler, le même travail de verrou aujourd’hui suspecté avec la nomination du Pr. Paul Yao N’dré, a été confié au magistrat hors hiérarchie Tia Koné. Il écartera sans sourciller les candidats Bédié et Ouattara à la Présidentielle de 2000. Autre moment, autre homme mais pour la même mission, en 2009. Paul Yao N’dré est là pour être le nouveau « Cadenas Constitutionnel ».
Article publié le mardi 8 décembre 2009
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