:Leader nationaliste précurseur des indépendances en Afrique francophone, Ruben Um Nyobè avait dès la fin des années 1940, formulé au sein du parti dont il était le fondateur, la mythique «Union des Populations du Cameroun», UPC, une plateforme de revendications fortes parmi lesquelles figuraient l’impératif de l’union nationale, l’indépendance et la déconnexion d’avec le colonialisme français. En sus de la formidable vision émancipatrice qu’il développa avec méthode et passion, il mit explicitement en garde les politiques de son temps contre les dangers du tribalisme… Avertissement qui resta lettre morte, y compris dans les rangs de ses continuateurs.
L’homme que les troupes françaises assassinent le 13 septembre 1958 succombe à la barbarie coloniale et à l’impossibilité pour celle-ci d’entreprendre, de supporter une vision du monde et un rapport à la colonie marqué du sceau de l’égalité. Um Nyobè qui avait fondé l’UPC en 1948, avait commencé à écrire l’histoire de l’émancipation des peuples africains, en exigeant en 1949 lors de la visite d’une mission de l’ONU au Cameroun, la fin du régime de tutelle française et la fixation d’un délai pour des indépendances démocratiques.
Cette précocité est digne du plus grand intérêt car il apparaît aujourd’hui que le secrétaire général de l’UPC devançait de plusieurs années les leaders indépendantistes d’Afrique francophone qui ne reprendraient des revendications proprement indépendantistes qu’à la fin des années cinquante. Pas tous d’ailleurs, un certain Senghor irait jusqu’à affirmer que les Africains ne voulaient pas l’indépendance mais l’interdépendance dans le cadre de l’Eurafrique [Europe-Afrique ???] … Le même Sédar Senghor porta témoignage à l’ONU de l’absence de discriminations raciales dans le territoire du Cameroun et notamment au sein des instances judiciaires où autochtones et français étaient, soutint-il, équitablement représentés, trompant à dessein ses auditeurs des Nations Unies.
Entre 1952 et 1954, le leader indépendantiste fit trois interventions à l’ONU pour y expliquer la situation du Kamerun et les revendications nationalistes, tout en continuant une inlassable œuvre d’éducation politique des masses, de correspondances internes et externes au parti qu’il dirigeait, privilégiant la conquête pacifique du pouvoir par des élections démocratiques, les vertus du dialogue et du combat politique.
En 1955 le gouverneur colonial Roland Pré inaugure un cycle de mise au pas des insoumis d’une brutalité sans limite. Il accentue la politique répressive et sanglante de la France générant des manifestations suivies des pires violences de l’autorité coloniale. Les dirigeants de l’UPC entrent en clandestinité, Félix Moumié, Ernest Ouandié et Abel Kingué regagnent le Cameroun sous tutelle britannique d’où ils seront déportés à Khartoum au Soudan, Um Nyobè se replie quand à lui dans son village à Bumnyébel. C’est la période dite du Maquis, de nombreux paysans entrent en clandestinité, le travail politique d’explication, de formation et de pédagogie de Um Nyobè continue cependant.
Le 13 juillet 1957, Um Nyobè écrit une lettre mémorable au premier ministre André-Marie M’bida, depuis son Maquis, cette lettre anticipe avec une vision prophétique sur les dangers de la manipulation politicienne de l’ethnicité par les forces en confrontation politique :
« Le tribalisme est l’un des champs les plus fertiles des oppositions africaines. Nous ne sommes pas des « détribaliseurs », comme d’aucuns le prétendent. Nous reconnaissons la valeur historique des ethnies de notre peuple. C’est la source même d’où jaillira la modernisation de la culture nationale. Mais nous n’avons pas le droit de nous servir de l’existence des ethnies comme moyens de luttes politiques ou de conflits de personnes.
Nous sommes des hommes politiques camerounais. A des degrés divers nous assumons des responsabilités devant l’histoire de notre peuple. Dans le grand bouillonnement que cela provo
Article publié le mardi 11 janvier 2005
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