: Hypnotisé par les chaînes d’information continue, le monde se croit sur des télés dédiées au septième art. Il assiste, bouche bée, à une superproduction ivoirienne surréaliste. Laurent Koudou Ggagbo n’est pas que l’anti-héros de ce feuilleton aux allures de fiction. Bien que politiquement fragile, il reste, au final, le grand ordonnateur du scénario. Il fait son cinéma.
Comme dans le long-métrage Un jour sans fin, des journées jumelles se succèdent, l’aube semblant effacer les effets des actes de la veille. Combien de fois a-t-on entendu que tel assaut militaire des pro-Ouattara était « l’ultime » ? Le lendemain matin, on se frotte pourtant les yeux en constatant que Gbagbo, défiant toute logique, n’a pas capitulé…
Et pourtant, l’espace vital du président sortant se réduit comme peau de chagrin. Il rejoue le thriller espagnol La habitación de Fermat où des scientifiques font face à une mort inéluctable, enfermés qu’ils sont dans une pièce qui rétrécit petit à petit…
Cabotin, le maigre Blé Goudé aurait sans doute rêvé de jouer, aux côtés du rond Gbagbo, le remake du film de Laurel et Hardy : La Bataille du siècle. Et Simone aurait certainement préféré que La femme du boulanger (surnom de son mari) ne ressemble pas au film ivoirien La Femme au couteau. Hélas, il ne reste à la clique du « prophète de Mama » que le pitch de Au nom du Christ, cet autre film made in Ivory Coast où un héros touché par la grâce tente d’imposer son pouvoir.
Bonnie and Clyde
Seule alternative pour les Bonnie and Clyde de la démocratie ivoirienne : le déni. Une méthode Coué poussée à l’extrême semble avoir plongé le Président sortant dans un monde parallèle. Lorsqu’on tue dans les rues d’Abidjan, est-il sensé, pour les conseillers « présidentiels », de déclarer que ce dernier est « serein » ? Dans ce Gbagbo au pays des merveilles, on voudrait faire endosser à Alassane Ouattara le rôle du lapin pressé ; pressé de s’asseoir sur le fauteuil présidentiel.
Comme dans le court métrage ivoirien du même nom, le Président sortant déroule ses Trois fables à l’usage des Blancs en Afrique : « J’ai gagné la présidentielle », « On veut m’assassiner » et « J’aime mon peuple ». Engagé dans un bras de fer avec l’Hexagone, il pourrait aussi modifier le scénario de cet autre film de Côte d’Ivoire : A nous deux France. Ce monde parallèle dans lequel s’est muré Gbagbo est peut-être celui de la folie. Les derniers apôtres claquemurés ressemblent aux pathétiques patients de l’hôpital psychiatrique de Vol au-dessus d’un nid de coucou.
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Article publié le samedi 9 avril 2011
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