Reportage : Hamado Moumouni. - Photos : Serge Bodjrenou
Boubon, c'est ce vieux village du canton de Karma situé au bord du fleuve Niger, à 25 Km à l'ouest de la capitale nigérienne, Niamey. Ce qui fait la renommée de Boubon, c'est certainement sa poterie féminine.
Légende des photos : 01. Une fois modelés et décorés, les canaris... 02. ...sont acheminés vers le lieu de cuisson. 03 - 04. Cette fumée et ce feu indiquent le stade final de production de la poterie. 05-06. Les canaris sont extraits du feu après cuisson. 07-08-09. Après 12 heures de cuisson, les canaris sont prudemment déplacés vers un dépôt.
En ce mercredi, jour de marché à Boubon, l'animation est à son comble : les gens viennent des villages environnants en voiture, à pied, à dos d'âne, de chameau, en charrette âsine et surtout en pirogue, moyen de transport le plus prisé (75 FCFA. la traversée). "Des jours comme aujourd'hui, c'est chargement plein pour moi", lance un piroguier satisfait. Boubon, pays de poterie, depuis toujours, et depuis toujours féminine. Pendant longtemps, cette activité fut ré-servée traditionnellement aux femmes de l'ethnie bouzoue, qui partageaient la science du feu avec leurs maris forgerons. Avec le temps, les femmes zarma se sont jointes à elles. Il faut dire qu'il ne manque ni l'eau, abondante dans le fleuve, ni l'argile, matériau de base de la poterie. Il suffit de se baisser. Chacune peut tenter sa chance. Les articles les plus en vue sont les gargoulettes, les pots de fleur et les canaris.
La boue est puisée au bord du fleuve, séchée et humidifiée dans un bassin d'eau. Elle est ensuite malaxée et modelée. L'objet mis en forme est séché, puis décoré. Vient enfin la cuisson, qui commence le mardi soir à la tombée du soleil : de grands trous sont creusés et équipés de tiges de mil sur lesquelles on dépose les canaris et gargoulettes. On les recouvre de paille de riz et de balles de mil. Le bûcher enfin embrasé brûle pendant douze heures au moins. Cette étape est nécessaire pour rendre résistants les objets fabriqués. A Boubon, le processus de fabrication dure quarante-huit heures. "J'ai appris la poterie depuis ma tendre enfance et c'est une affaire d'héritage pour moi", explique Khadija. Avec 3000 à 4000 FCFA par semaine de bénéfices, elle contribue modestement au budget de la famille, qui dépend pour l'essentiel de l'agriculture.
La clientèle
Outre les touristes, la clientèle des potières de Boubon est constituée de quelques détaillants du village et de commerçantes en gros du petit marché de Niamey. Ces dernières se plaignent de la mévente. Comme Hadjia Hamsatou : "Cela fait cinq ans que je suis dans ce commerce. C'est à peine si je m'en sors. Il m'arrive même de ne pas me ravitailler pendant deux à trois semaines ". La poterie à Boubon ne date pas d'aujourd'hui mais les techniques n'ont guère évolué. Monica Galeigra, une po-tière suisse qui s'est installée au village il y a douze ans, en atteste : "les femmes d'ici sont vraiment intelligentes et il faut les laisser à leurs techniques. L'évolution viendra avec le temps et le besoin. "
Sa profession, c'est la poterie moderne qu'elle a apprise en Californie, aux Etats-Unis. "Je préfère Boubon à Niamey parce qu'il y a ici tous les matériaux nécessaires à la production", explique Monica. A son actif, elle compte tout de même plusieurs réalisations : l'initiation d'une dizaine de femmes au canari à tuyau, les foyers améliorés. Les bénéficiaires en sont très contentes. Elle a aussi for-mé l'enfant de son mari, le jeune Boubey, devenu céra-miste au village artisanal de Niamey. Boubey, engagé à fond dans son art, annonce-t-il une nouvelle génération de potiers nigériens ? Non plus des artisans, répétant les mêmes gestes et les mêmes objets utilitaires, mais des artistes, capables de créer des formes nouvelles ? Les potières de Boubon ne se posent pas encore ces questions. Elles vendent seulement leurs canaris sur le mar-ché, pour une poignée de francs CFA.
Parole d’arché
Article publié le vendredi 14 janvier 2005
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