:Le ministre de l’Education nationale, Gilbert Bleu-Lainé, a plaidé hier auprès de ses collaborateurs enseignants grévistes, afin qu’ils fassent preuve de patience. Invité sur un plateau de télévision, il leur a lancé un appel pressant. «Je demande aux enseignants la patience. Nous sommes à la recherche de financements. Ils ont une litanie de problèmes et nous apportons les solutions au fur et à mesure. Leurs revendications concernant les indemnités de correction sont justifiées. Cela fait plus d’un milliard que le gouvernement leur doit. Mon devoir est de le signaler et je l’ai fait. Vu la situation particulière que la Côte d’Ivoire vit, c’est sur tous les fronts que le gouvernement est attendu. Ce n’est pas le ministre technique que je suis qui peut leur donner cette somme. Je me bats pour eux. Mais quand pour eux, la pression c’est d’être tous les jours en grève, ils ne sont plus un élément de création de richesses, dans notre pays…», a déclaré le ministre, avant de condamner la propension à la grève de ses collaborateurs. Une attitude qui ne l’aide pas, à l’en croire, à «défendre leur position».
En ce qui concerne la rétention des notes des élèves, une pratique adoptée par les enseignants depuis le début de l’année, le ministre a affirmé «qu’il s’agit d’une faute grave». Aussi leurs salaires sont-ils mis «sous contrôle», pour leur être restitués dès qu’ils auront remis les notes.
La grève des enseignants a eu lieu du 20 au 30 janvier. Comme revendications, entre autres, la finalisation du profil de carrière, avec la fixation des indices, le paiement des primes de correction, les intendances sur les lieux de correction, le paiement des risques d’habillement, le manque du matériel didactique, etc. Le délai de fin mars proposé par le gouvernement, pour une meilleure lisibilité, a été refusé par les enseignants, qui réclament, selon le ministre, la résolution de leurs revendications «immédiatement».
Dès lors, les enseignants ont opté pour la rétention des notes. Laquelle consiste à dispenser les cours, faire les évaluations sans délivrer les notes aux élèves. La Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci) a protesté contre cette méthode en décrétant trois jours de grève pour tous les élèves de Côte d’Ivoire. Pour «interpeller l’opinion», a affirmé son secrétaire général, Mian Augustin.
Marcelline Gneproust
“Une déclaration pas convaincante”
À la suite de l’intervention du ministre de l’Education Nationale, Bleu-Lainé hier sur le plateau du journal télévisé de 13 heures, nous avons joint certains responsables syndicaux de la corporation pour obtenir leurs avis. Pour M. Gnélou Paul, du Syndicat national des enseignants du public de Côte d’Ivoire, (Synepci) «cette déclaration ne convainc pas, parce qu’elle ne répond pas à nos attentes». Et d’indiquer : «les revendications avaient été déposées depuis le 11 février, et jusqu’à ce jour, rien n’en est résulté». Pour lui, le ministre doit les rencontrer et discuter clairement de leurs problèmes au lieu de tourner autour du véritable problème qui est, dit-il, leurs primes de correction». Cet avis est partagé par le responsable du Mouvement des instituteurs pour la défense de leurs droits (Midd), Mesmin Comoé, qui regrette que les véritables concernés n’aient pas été invités sur le plateau. Selon lui, ce n’est pas la suspension des salaires des grévistes qui empêchera de revendiquer ; il faut régler les problèmes en amont. «Cette situation ne peut pas apaiser, il faut une rencontre pour avoir des discussions franches sur la question», a-t-il dit. Pour Diomandé Mamadou, du Synesci, le ministre a survolé leurs préoccupations. Qui, selon lui, sont les plus importantes. A savoir le paiement de leurs primes et la régularisation de leurs salaires.
Grace Ouattara
Tous contribuent à la négation de l’école
De même que la règle recommande d’agir pour demander la réparation de ce qu’on considère comme une injustice, et que la loi reconnaît au travailleur qui n’est pas satisfait de son sort, pendant qu’il accomplit sa tâche, de faire connaître son désir de voir sa situation s’améliorer ; de même , on peut concevoir que les bénéficiaires de cette tâche exigent d’instinct , qu’il soit exécuté. Ils font ainsi jouer, eux également, leur droit à l’éducation et à la formation, pour ce qui concerne les élèves et étudiants.
Pour une fois, on a donc tendu la perche à la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’ivoire (Fesci), dont on connaît les méthodes de revendication. Qu’on ne soit pas alors surpris, qu’elle se soit livrée à son jeu favori durant ces trois journées de grève qu’elle a, de ce fait ,décrétée, d’investir les établissements scolaires du second degré notamment, pour demander aux élèves , leurs militants en définitive , de délaisser les salles de classe.
La méthode utilisée ? On la déplore toujours certes, mais leur courroux découle, on le sait, du fait de certaines pratiques, qu’on observe de plus en plus chez leurs maîtres et qui, si elles ne relèvent pas du chantage, s’y apparentent bien. Si bien qu’aux actions de rétention des notes et autres menaces de blocage venant des maîtres, l’organe et ses membres opposent l’action dissuasive qui consiste à empêcher toute l’école de fonctionner, y compris le privé. Où les vacations et autres petits contrats se poursuivent, exécutés souvent par les mêmes maîtres, qui ne dédaignent pas d’augmenter ainsi leurs revenus. D’où cette propension des membres de la Fesci à mettre tout le monde hors des salles de classe, lorsque les enseignants débraient dans le public, mais continuent pour certains à respecter leurs engagements dans le privé.
Ainsi, méthode pour méthode, tous contribuent à la négation de l’importance de cette institution qu’est l’école et des valeurs qu’elle véhicule. Et cela est bien dommage.
La question de l’application du décret relatif à la nouvelle grille salariale et à leur profil de carrière doit constamment maintenir en éveil les catégories de fonctionnaires concernés par cette situation, et les enseignants en font partie. La bataille hautement légitime, qu’ils ont constamment menée et qui a abouti à la signature de ce décret. Mais la déviation que prend ce combat, avec les méthodes nouvelles qu’ils y introduisent plantent le décor d’un champ de bataille où tous les coups sont permis. Or, il ne s’agit pas de cela. L’enjeu, ici, est de se préoccuper du modèle de l’Ivoirien que l’on veut pour demain, surtout lorsqu’on a fait ce choix si noble de participer à ce sacerdoce.
Quelqu’un disait la semaine dernière, lorsque les médecins ont décidé de leur mouvement de grève, qu’ils ont fait le serment d’Hippocrate et non de pauvreté. De nombreux enseignants sont certainement dans cette disposition d’esprit. Mais en définitive, à quoi cela ramène de contribuer à davantage fragiliser les bases d’une société dont tous, nous sommes les garants?
Josette Barry
Article publié le lundi 2 mars 2009
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