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PANAF 2009 - Frantz Fanon, une pensée visionnaire et libératrice

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 : La vie et l’?uvre de Frantz Fanon ont marqué plusieurs générations d’Africains, aussi bien dans le continent qu’au niveau de la diaspora. Les 7 et 8 juillet derniers, un colloque international sur la pensée et l’action de cet intellectuel martiniquais a réuni à Alger de nombreux universitaires et penseurs dans le cadre de la deuxième édition du Festival culturel panafricain.

ALGER (Algérie) - Les Algériens reconnaissent unanimement l’apport de Frantz Fanon dans le processus de libération de leur pays. Ce psychiatre et écrivain né le 20 juillet 1925 à Fort-de-France (Martinique), a participé activement aux combats qui ont jalonné le chemin de l’Algérie vers l’indépendance, le 5 juillet 1962, après cent trente deux ans de domination française. « Il était un homme authentiquement algérien et africain qui a fait le choix de l’Algérie pour y vivre et se battre et pour y être enterré », a estimé la ministre de la Culture d’Algérie, Khalida Toumi, lors de l’ouverture du colloque à la Bibliothèque nationale El Hamma.

Après avoir été terrassé par une leucémie le 6 décembre 1961 à Washington (USA), Fanon a été enterré, selon ses dernières volontés, au cimetière des Chouhadas (martyrs de la guerre), pas loin de la frontière tunisienne.

Il avait à peine eu le temps de terminer la rédaction de son livre-testament, « Les damnés de la terre », dont les dernières lignes furent écrites de son lit d’hôpital. Entre Frantz Fanon et l’Algérie, c’est une longue histoire. L’hôpital de Blida-Joinville, où il a travaillé, porte son nom et son épouse, Marie-Josèphe Dublé dit Josie, est enterrée dans ce pays, au cimetière d’El Kettar, en plein c?ur de la capitale, après sa disparition 13 juillet 1989.

Au cours du colloque consacré à leur père, deux enfants du penseur étaient d’ailleurs présents : Olivier Fanon (fonctionnaire à l’ambassade d’Algérie à Paris) et Mireille Fanon Mendès-France (épouse de Bernard, fils du célèbre homme politique français Pierre Mendès-France). Ils se sont dits très émus de cet hommage grandiose que les intellectuels africains ont rendu à Frantz Fanon.

La pensée avant-gardiste de Fanon a influencé des milliers de militants tiers-mondistes dans leur lutte pour l’émancipation, et même des mouvements comme les Black Panthers aux USA. « Il a bien mis en situation et en perspective le destin de l’homme en général, celui de l’Africain qui a subi le choc colonial, le viol colonial, et celui de l’Homme noir en particulier », a analysé le professeur Babacar Diop dit Buuba de la Faculté des Lettres de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.

Le psychiatre martiniquais, qui a rejoint le Front de libération nationale d’Algérie à Tunis, était connu pour ses brillantes analyses dans les colonnes d’El Moudjahid, l’organe central du FLN. Les Algériens lui faisaient tellement confiance qu’ils le nommèrent ambassadeur du GPRA (gouvernement provisoire de la République algérienne) au Ghana. « Sur le plan politique, Fanon avait une vision panafricaine. Il rêvait d’une grande unité du continent, d’une grande fédération des pays d’Afrique.

Il avait également mis en garde contre les corruptions, les implications de ce qu’on pourrait appeler le néo-colonialisme et les mésaventures de la conscience nationale », expliquent les experts du colloque dans leur argumentaire.

UNE HISTOIRE BRUTE, TRANCHANTE, NETTE

Dans ce combat, la culture occupait une place de choix car la pensée anticipatrice de Fanon établit un lien étroit entre libérations subjective, culturelle et politique, estime l’universitaire Cherki Alice dans sa communication.

Selon Eugénie Rokhaya Aw, directrice du Centre d’études des sciences et techniques de l’Information (CESTI, Université de Dakar), Frantz Fanon, dans son livre « Peaux noires, masques blancs » (1952), a, au-delà des Antillais, étendu sa réflexion à ces autres hommes noirs qui, même s’ils n’ont jamais connu l’esclavage, ont vécu dans leur état de colonisés, cette expérience duelle et conflictuelle de ces deux dimensions : l’un avec son congénère, l’autre avec le Blanc. Dans son intervention, un autre intellectuel, Henri Ba, a démontré que chez Fanon, la revendication des droits du damné s’effectue sur fond d’une reconnaissance des droits universels de l’Homme. Il rejoint l’analyse du professeur Dagnoko Diadié selon qui, à l’heure où de nombreux pays africains s’acheminent vers les 50 ans de leur indépendance, il est temps de s’interroger sur la pertinence des analyses « fanoniennes » et sur la signification et la portée du message de cet homme d’action doublé d’un penseur qui est considéré comme l’un des plus lucides de son époque.

En intitulant sa communication « La société métisse du Sénégal et le regard de Fanon », l’essayiste et critique d’art Sylvain Sankalé a mis l’accent sur l’apport du penseur martiniquais dans l’évolution de la réflexion sur ce qu’il appelle les sociétés de rencontre. « Cet apport et cette réflexion, en rendant à l’Histoire son rôle essentiel de matrice du monde en train de se faire et d’un monde encore à faire, autorisent une intéressante prospective sur l’action en faveur des transformations sociopolitiques et culturelles encore en cours, aussi bien en Afrique qu’au niveau d’autres régions du monde », analyse Sankalé.

Le fils de Fanon, Olivier, a dénoncé une « tentative sournoise », dans certains cercles en Occident, de récupération des grandes lignes de la pensée de son père, au nom d’une prétendue réhabilitation des minorités visibles. « Serions-nous invisibles ? », s’est-il interrogé. Selon lui, l’histoire est brute, tranchante, nette et implacable. « La travestir, l’édulcorer, la rendre insipide, incolore, inodore, c’est le travail du colonialisme, pas le nôtre. Notre mission à nous est de faciliter l’héritage ultime : la liberté », a-t-il martelé. En s’adressant aux participants au colloque international, la Ministre de la Culture, Khalida Toumi, a souhaité que la nouvelle génération d’Africains, qui ne connaît pas bien Frantz Fanon, le découvre mieux grâce aux éclairages des universitaires et penseurs venus de tous les coins du monde.




DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL MODOU MAMOUNE FAYE


Article publié le mercredi 29 juillet 2009
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