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Compression du portefeuille, réduction des repas, ... La bataille des Ivoiriens contre la misère

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 :Cherté de la vie, chute du pouvoir d'achat… Assaillis et assommés par la galère, les ménages ivoiriens sont désormais contraints à des acrobaties pour réaliser un repas quotidien.
Submergés par les difficultés, les ménages ivoiriens sont engagés dans une gymnastique quotidienne pour survivre. On s'adapte comme on peut pour assurer le minimum quotidien. Et dans ce sauve-qui-peut du ventre, les familles nombreuses sont les plus vulnérables. Ce vendredi 26 février, Mme Ekra Christine, enseignante, après plusieurs hésitations entre les étals de légumes et autres denrées exposées au marché d'Abobo, s'arrête enfin. Epuisée, visage dégoulinant de sueur, elle explique que cette rotation s'inscrit dans une nouvelle tactique. Elle en use pour se faire une idée des prix avant de se déterminer. «La situation est pénible pour nous. La vie est devenue extrêmement chère. Je suis obligée de faire de sérieux calculs en venant au marché. Le montant de la popote n'a pas augmenté et le salaire de mon époux n'a pas également connu de hausse.


En quête du moins cher
Nous avons décidé de réduire certains produits dans notre consommation journalière pour faire face à la crise», explique-t-elle. Elle doit nourrir 11 enfants (dont 5 sont de son sein). Elle a payé quelques légumes après un marchandage serré avec la vendeuse. Avant de s'orienter vers les bouchers où elle a pris trois kilos de viande à 5.400 Fcfa. «C'est ce que nous allons manger pour toute la semaine. La viande est devenue trop chère. Au lieu d'un kilo par jour par le passé, nous prenons maintenant un demi-kilo pour toute la famille», souligne Mme Ekra. Au déjeuner, chaque membre de la famille a droit à un seul morceau de viande. Mais, pour le dîner, elle sacrifie les plus grands au profit des petits. «Le soir, je préfère donner un morceau de viande aux petits qui ont plus besoin de protéines pour leur croissance. Ceux qui sont plus grands se débrouillent. En tant que mère de famille, cela me gêne et mes enfants s'en plaignent. Mais, que faire, si on veut survivre», s'interroge l'enseignante, la voix nouée ? Elle se dit contrainte d'accepter certaines situations contre son gré. C'est le cas du riz brisure dont le kilo coûte 500 Fcfa. «Je n'affectionne pas beaucoup cette qualité de riz parce qu'elle dégoûte très vite. Mais, sur ordre de mon époux, c'est ce qu'on prépare pour la famille. C'est à prendre ou à laisser. Vous comprenez qu'on ne peut plus faire les achats de façon voulue. Ce sont les astuces que nous trouvons pour terminer difficilement le mois», explique-t-elle. Ajoutant que pour le petit-déjeuner c'est systématiquement le «garba» qu'elle offre à ses enfants. «On ne peut plus s'amuser à payer le lait. La boîte de 400 g de Bonnet rouge est à 2.300 Fcfa et celle de Nido à 2.700 Fcfa. On ne peut plus s'aventurer vers ces produits. Avec 500 Fcfa, les enfants prennent en même temps du garba. La crise nous amène à être véritablement rationnels dans nos choix», renchérit-elle. A l'instar de cette enseignante, ils sont nombreux les ménages qui, du fait de la flambée des prix, cherchent chaque jour à trouver des solutions d'adaptation et de rechange afin d'éviter la famine dans leur maison. A Yopougon, nous avons rencontré Séka Félix, agent de banque à la retraite. Il attend un miracle qui viendra régulariser ses comptes. Comme pour se défendre, il précise que les effets de la crise ne frappent pas une profession particulière.

La mort subite
«Nous sommes tous touchés. J'ai 10 enfants. Jusqu'à présent, aucun d'entre eux ne travaille. Ils vont toujours à l'école. Nous ne savons par quel miracle les choses pourront se régulariser dans la vie active. Compte tenu de la forte pression que nous subissons du fait de la cherté et des effets de la crise, nous nous efforçons pour nous adapter sinon ce sera la catastrophe dans nos familles», s'alarme-t-il. Il a pris des mesures «draconiennes» avant son départ à la retraite. «Les salaires ne représentent plus rien devant les nombreuses charges auxquelles il faut faire face. Puisque je dois payer la scolarité de 5 de mes enfants qui sont dans le privé. Il faut en moyenne 400.000 Fcfa par an. Où irai-je chercher cet argent étant à la retraite ? Celui qui n'étudiera pas prendra les pots cassés. Au niveau de la popote, j'ai carrément banni la viande hormis les périodes de fêtes. C'est surtout le poisson fumé que nous consommons. Je trouve cela économique. Mon salaire ne me permettait pas de faire plus, la situation est plus complexe avec la retraite. Le matin, mes enfants ne prennent que de la bouillie de mil sans lait. C'est moins coûteux. A midi, c'est l'attiéké et le soir c'est le foutou», détaille l'ancien banquier. Le café au lait, qui était prévu uniquement les samedis, a été supprimé au grand dam des enfants.

«J'étais obligé de faire asseoir mes enfants pour leur dire la vérité et leur donner des conseils afin que chacun puisse accepter ce que j'appelle des mesures de survie. Je pense que la majorité m'a compris malgré les frustrations qu'elle subit», ajoute le père de famille. Avant de préciser que certains de ses enfants ne manquent pas de manifester leur mécontentement. La situation est presque dramatique chez Kipré Pierre, fonctionnaire et père de 12 enfants dont huit sont élèves dans des collèges privés. « C'est vraiment difficile. Ma femme va au marché avec 2.000 Fcfa pour une famille de 12 personnes, cela ne suffit pas. Je viens de l'Ouest où le riz et la banane sont des denrées qui font partie intégrante de notre consommation quotidienne. Aujourd'hui, je ne paie que le riz cassé qui est très cher. Avec 2.000 Fcfa comme popote, on est obligé de faire un repas. Désormais c'est à partir de 16 heures que ma femme commence à préparer. Toute la famille se retrouve pour manger. Il faut éviter de rater ce plat appelé “mort subite”. Autrement on dort le ventre vide», lâche, au bord des larmes, Kipré, la soixantaine marqué physiquement. Sur son visage ridé, le poids de l'âge, mais, surtout celui de la misère. «Je ne vis qu'avec la pension. Que faire réellement avec cet argent qui arrive difficilement ? Mes enfants vont à l'école le ventre vide. Or un enfant qui ne mange pas ne peut pas étudier. C'est d'ailleurs pour cela qu’il y a trop d'échecs, parce beaucoup d'enfants sont malheureusement dans cette situation. Concernant le paiement de la scolarité de mes enfants, je vais très souvent plaider auprès du fondateur qui est mon voisin de quartier. Il m'accorde certaines facilités. C'est pourquoi mes enfants continuent d'aller à l'école», soupire le sexagénaire. Avant le déclenchement de la crise, sa famille avait trois repas par jour y compris le petit déjeuner. «On ne peut plus se permettre cela. Nous souffrons parce que nous nous appauvrissons davantage. Notre situation est dramatique. Or la pension de retraite ne prend même pas en compte les enfants qui ont plus de 20 ans. Pourtant, malgré leur âge avancé, ces derniers vivent sous mon toit parce qu'ils continuent d'aller à l'école et ne travaillent pas….Cela pèse lourdement sur moi», regrette Kipré Pierre. Au niveau du logement, la misère est totale. S'il peut dormir sous un toit, c'est grâce à un de ses frères également à la retraite, mais qui réside au village. « Si je suis encore à Abidjan avec ma famille, c'est grâce à lui. Il m'a cédé une chambre dans sa cour. Je vis dans cette chambre avec ma famille. J'ai pu confier deux de mes enfants à mon premier fils qui travaille. Ma femme se débrouille avec la vente de grillades pour me venir en aide afin que nous puissions affronter la crise. Mais, la situation reste encore précaire au regard des besoins de la famille et pour lesquels nous sommes contraints de prioriser les plus essentiels. J'ai vu mes enfants prendre la banane braisée comme petit déjeuner parce que je n'ai rien d'autre à leur offrir», s'émeut-il, la voix et les mains tremblotantes. Avant de revéler qu'il prie Dieu pour éviter que ses enfants ne tombent malades.

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Article publié le lundi 2 mars 2009
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