:Il s’appelle Agana et a décidé de se faire une place dans le monde du reggae. Sa carte de visite s’appelle Rootsteady, un album où il décline son style éponyme, un reggae teinté d’électro et de rock. Bienvenue dans l’univers reggae d’Agana.
Agana, Koné Alpha Ismaël à l’état civil, est né le 30 décembre 1972 à Ouragahio, dans l’Ouest en Côte d’Ivoire. Il passe son enfance et son adolescence entre Adzopé et Abidjan, la capitale économique ivoirienne, et refuse d’aller à l’université. L’informatique l’intéresse néanmoins au point même de commencer à suivre une formation dans ce domaine. Mais la vie attend Agana ailleurs. Dans le reggae. Une musique qui a bercé le fils du célèbre Alpha Blondy. En Côte d’Ivoire, la carrière du jeune homme débute en 1995 où il produit un album The Day qui sera suivi de Massif (1997) et Patriote (1999). Agana prend ensuite, comme il le dit, « son baluchon pour courir le monde ». L’aventure musicale finit par le conduire en France. Son second album et premier album international est désormais disponible dans les bacs.
Votre premier opus international est dans les bacs en France depuis quelques jours, comment vit-on cette grande première que vous attendiez depuis longtemps ?
C’est d’abord un "ouf" de soulagement. « Quel que soit la longueur de la nuit, dit l’adage, le soleil finit toujours par se lever ». C’est le début d’une nouvelle aventure.
Quel genre de reggae fait Agana ?
Du Rootsteady. Un reggae roots mais « steady » de par ses lignes de basse, le groove.... Il a aussi cette particularité d’être un mélange d’acoustique, de rock et d’électro, illustration de sa détermination à essayer de renouveler le genre. C’est cette approche du reggae que j’aimerais faire partager à un maximum de personnes. Le Rootsteady est le rythme que j’ai trouvé pour exprimer mes pensées, mes interrogations, mes appréhensions et mes espoirs.
L’album a une forte coloration politique, il y est forcément question de la Côte d’Ivoire, votre pays d’origine. Le reggae a toujours été une musique engagée. Pensez-vous qu’un artiste ne peut qu’être engagé aujourd’hui quel que soit le type de musique qu’il fait ?
Pour nous, ressortissants de pays dit « sous-développés », nous devons contribuer à l’édification de nos nations. Il n’y a effectivement pas que les artistes reggae qui sont militants. Avant nous, des artistes comme Pierre Akendegue, Fela, les artistes zouglous (courant musical créé par les étudiants ivoiriens pour protester contre leurs conditions de vie, ndlr) en Côte d’Ivoire se sont fait l’écho des injustices sociales. Les artistes africains doivent s’engager pour aider leurs pays. La pauvreté, la misère n’est pas un style que l’on choisit d’adopter. C’est un état dont on est appelé à sortir, du moins dont on aspire à sortir. Nous avons besoin de voir nos besoins primaires satisfaits, que les richesses en Afrique soient mieux réparties, à des services publics moins corrompus et plus présents, à un secteur privé compétitif et performant... tout simplement à des lendemains meilleurs. Notre bataille est celle de tous les pays pauvres. En tant qu’artiste, je m’inscris juste dans la droite ligne de mes illustres devanciers.
Que pensez-vous du énième report des élections en Côte d’Ivoire censées mettre un terme à la crise ivoirienne, que vous évoquez dans le titre Marcoussis ?
Il faut qu’on prenne notre temps pour aller vers une élection qui ne souffrira d’aucune contestation. Je pense qu’il ne faut pas avoir peur puisque la rébellion est aujourd’hui dans le gouvernement (le Premier ministre Guillaume Soro est l’ancien secrétaire général de l’ex-rébellion des Forces Nouvelles, ndlr). Les principales parties concernées dans la crise ivoirienne sont aux affaires, alors il faut espérer qu’elles seront capables d’organiser des élections libres, transparentes et démocratiques.
Quelle histoire nous raconte ce premier opus ?
Le premier titre Rootsteady plante le décor et s’adresse à l’Homme : « il est temps de se sentir roi et non esclave ». L’Histoire me donne raison avec l’élection d’Obama. On a ensuite des titres comme Insécurité sociale, Raisons d’Etat… C’est un album centré sur l’être humain, qui l’invite à ne pas céder à la peur où qu’il soit. La peur nous paralyse et nous amène à faire d’autres bêtises. Je parle aussi bien évidemment des tourments de l’Africain. Aujourd’hui, nous, les Africains, sommes à l’origine de nos échecs parce que nos intellectuels n’ont pas réussi à appliquer ce qu’ils ont appris et en plus, ils se sont coupés de leurs racines. Ce qui nous plonge dans une situation très inconfortable. Je souhaite que nous puissions retrouver un nouvel équilibre.
Votre album est aussi très spirituel avec un titre comme Mes prières ?
Il n’est pas possible de dissocier le corps de l’esprit. Tu ne peux pas passer ton temps à te laver quand c’est ta tête qui est infectée. Cet album et ma démarche se veulent la synthèse de la réflexion et de l’action. Je dénonce des injustices dans mon album, mais je ne compte pas m’arrêter là. Je souhaite aussi agir concrètement à trouver des problèmes aux situations que je dénonce en créant, par exemple, une association.
Ce n’est pas aisé de faire du reggae ? Quel regard porte-t-il sur votre carrière naissante ?
Je me retrouve dans la même situation que Femi Kuti. Je n’en ai pas beaucoup discuté avec mon père, mais je pense qu’il doit croiser les doigts pour que ça marche. Je profite de sa présence parce que je pense qu’en Afrique, Alpha Blondy reste une bible du reggae dans laquelle chacun puise pour faire sa prédication. « Il n’y a pas match », dit-on chez moi. Je lui rends hommage. Mais une nouvelle ère s’ouvre à nous et c’est dans cette dynamique que s’inscrit le rootsteady.
(Source : Afrik.com)
Article publié le samedi 13 décembre 2008
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