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Forcing électoral
Par Christophe Mien Zok
Le compte à rebours est lancé: plus que quatre mois et les inscriptions sur les listes électorales seront closes pour l’année en cours. En effet, conformément aux dispositions pertinentes du code électoral, les inscriptions sur les listes débutent le premier janvier de chaque année et s’achèvent le 31 août. Depuis le début de l’année, tous les partis politiques se bousculent donc au portillon. Tous les leaders, politiques, religieux, traditionnels et de la société civile sont sur le pont et mobilisés pour demander aux citoyens de s’inscrire massivement sur les listes électorales. À la bonne heure! Tous les moyens sont utilisés pour convaincre ou contraindre les Camerounais en âge de voter à s’inscrire sur les listes électorales: campagnes de sensibilisation, caravanes, sketches, blagues de mauvais goût, opérations de charme ou coups de force, etc.
De toute cette panoplie d’actions, l’opinion publique retient davantage le forcing et le chantage que les convertis de la 25ème heure exercent sur les pauvres citoyens. Tout est mis en œuvre pour donner mauvaise conscience aux électeurs et électrices qui traîneraient les pieds pour se convertir à la nouvelle religion des inscriptions sur les listes électorales. En cette année 2024, une nouvelle forme de terrorisme, de fanatisme et de radicalisme est en train de se mettre en place au Cameroun: haro sur les Camerounais qui ne veulent pas s’inscrire sur les listes électorales. Ils sont loin d’imaginer les châtiments, les sanctions et les supplices qui les attendent pour le « crime » commis, à savoir le refus de s’inscrire sur une liste électorale.
Faut-il être surpris par la tournure que prend l’opération cette année? Pas du tout! En 2025, tout le monde aspire à décrocher la lune. Le graal est à portée de main. Un petit geste suffit pour l’atteindre. Cela justifie tous les dérapages. Ceux qui installent la terreur pour obliger les citoyens à s’inscrire sont pourtant les mêmes qui ont voulu installer un candidat non élu à la présidence de la République. Les mêmes encore qui ont saccagé des ambassades du Cameroun à l’étranger. Les mêmes enfin qui organisent des raids ou des opérations de boycott pour empêcher des artistes « proches du régime » en place à Yaoundé de se produire en Europe ou aux États Unis. S’il y a lieu de se réjouir de l’unanimité et du consensus qui prévalent aujourd’hui au sein de la classe politique camerounaise sur la nécessité de s’inscrire sur les listes électorales, il convient néanmoins de s’interroger sur les méthodes utilisées par certains. Alors que le Rdpc met l’accent sur le devoir civique et la responsabilité citoyenne, d’autres ont recours à la manipulation, à l’intimidation, à la terreur et à la violence. Les citoyens-électeurs ne sont pas dupes.
L’engouement et la mobilisation constatés depuis quelques mois en matière d’inscription sur les listes électorales sont certes salutaires, mais ils ne doivent pas faire oublier que la législation en vigueur au Cameroun ne fait pas du vote un acte obligatoire. Ce débat a commencé à la Rencontre Tripartite de 1991 et se poursuit depuis plusieurs années. Le législateur camerounais a préféré laisser sa liberté au citoyen en évitant de faire du vote une obligation légale. Cette option peut être discutable ou contestable mais tant qu’elle est en vigueur, elle doit être respectée et appliquée par tous. Des inscriptions au forceps sont assurément antinomiques des élections libres et transparentes que tous les acteurs politiques réclament à cor et à cri. Cherchez l’erreur!
Article publié le jeudi 25 avril 2024
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