:Dans sa déclaration de candidature du 15 septembre 2004, Paul Biya qui sollicitait un nouveau bail à Etoudi était pourtant formel sur la santé du Cameroun. “ Nous avons atteint nos objectifs : la démocratie est effective ; nous avons renoué avec la croissance ; les équipements publics ont été multipliés ; le rayonnement international du Cameroun est une réalité ; la paix, l’unité et la stabilité ont été préservées… ”. Certains esprits malins n’ont pas manqué de se demander ce que pouvait encore apporter l’homme du 6 novembre 1982 au peuple camerounais après avoir atteint ses objectifs. Au vu de la pertinence de cette interrogation, Paul Biya et les siens ne pouvaient que l’éluder en endormant le peuple avec une formule du genre : “ En mettant votre bulletin dans l’urne (le 11 octobre 2004, Ndlr), non seulement vous accomplirez votre devoir civique mais vous manifesterez aussi votre volonté de voir le Cameroun se fixer de grandes ambitions ”.
Le Cameroun des grandes ambitions. L’appât magique était alors trouvé. Celui que l’équipe de campagne du candidat Biya mettra sur tous les hameçons pour pêcher et prêcher les Camerounais, même les plus sceptiques qui, en 22 ans de règne de Paul Biya n’ont vu aucune réalisation qui éloigne le peuple de la pauvreté. Avant l’élection présidentielle du 11 octobre dernier, Paul Biya avait les mêmes ambitions : rendre le pays moderne et dynamique à travers la modernisation de la démocratie, l’impulsion d’un nouvel élan économique, la construction d’une société plus juste et solidaire, le maintien de la paix et de la sécurité, la valorisation de l’image du Cameroun à l’étranger. Un lamentable aveu d’échec pour le régime du Renouveau dont le chef de file, à Monatélé le 5 octobre, jurait devant les hommes et devant Dieu : “ Croyez-moi, les choses vont changer ”.
Cette promesse avait alors été applaudie un peu comme si au détour d’une phrase, le successeur constitutionnel de Ahmadou Ahidjo avait changé dans sa manière d’être et de paraître, de penser et de panser le Cameroun. Le doute persista tant et si bien qu’il se sentit comme obligé par la bonne conscience de faire une autre promesse plus forte le 3 novembre dernier lors de sa prestation de serment : “ J’assumerai pleinement… ”. Pour la majorité des Camerounais, enfin les retombées de nombreuses ressources naturelles dont regorge le pays allaient être judicieusement mises à contribution pour promouvoir l’élévation de leur vie. Mais très peu avaient alors compris que le Renouveau était resté dans les Accords trentenaires signés par André Marie Mbida en 1957, protégés par Ahmadou Ahidjo, qui veulent que le cacao, le café, la bauxite, le pétrole... soient la chasse gardée des lobbies incontrôlés. Une fois de plus, le peuple n’a pas compris son chef qui lui a toujours demandé de serrer la ceinture et de retrousser les manches, si bien que de nombreux Camerounais les ont retroussées au point de déchirer complètement leurs habits. Il n’y a qu’à voir le nombre de fous à travers les différentes artères de nos villes.
Y a-t-il donc à s’étonner que les premiers fruits des grandes ambitions que Paul Biya annonées à grand renfort de publicité soient la flambée des prix sur le marché ? Dans tous les cas, ce n’est que le début du commencement d’un autre mandat sabbatique de 7 ans que “ le peuple ” lui a donné en chantant, dansant, mangeant du maquereau et en buvant de la bière. Les Camerounais appelés aujourd’hui à souffrir le martyr auraient-ils ainsi consommé en 15 jours, le temps de la campagne électorale, ce qu’ils auraient dû consommer en 7 ans ? Tout le laisse croire, surtout que cette asphyxie qui ne dit pas son nom se fait sans que le peuple gémisse et/ou hurle. Le Cameroun, c’est vraiment le Cameroun ; pas très différent du peuple de Aimé Césaire qui, empruntant au stoïcisme que Alfred de Vigny exprime dans Les Destinées fait énergiquement sa longue et lourde tâche ; dans la voie où le sort a bien voulu l’appeler ; puis, après… souffre et meur
Article publié le lundi 10 janvier 2005
1478 lectures