:Les pays de l’espace CEDEAO connaissent une crise depuis ces deux dernières années. La crise sécuritaire et la politique ont occasionné une vague de coups d’Etat militaires, qui sont souvent applaudis par les populations. Ce nouveau vent qui souffle rime avec des aspirations de certaines organisations de la société. Dans cette interview, Pingdwendé Boris Guissou, le responsable national de l’ONG Urgences Panafricanistes, présidée par Kemi Seba, partage son analyse sur cette crise.
Lefaso.net : Dans un entretien accordé au journal Le Point, le président Emmanuel Macron a déclaré que sans les opérations militaires françaises, « il n’y aurait, sans doute, plus de Mali, plus de Burkina Faso » voire le Niger. Comment accueillez-vous une telle déclaration ?
Boris Guissou : Vous savez, Macron, c’est un homme politique qui a été placé pour perpétuer le pillage de la France néocoloniale sur ce qu’elle considère comme pré carré. Et aussi pour une paupérisation des masses populaires françaises et quand la mission pour laquelle tu as été placé, est un échec et s’écroule comme un château de cartes grâce à une résurrection du panafricanisme d’une grande partie, engendrée par des organisations comme la nôtre et d’autres mouvements panafricanistes et anti-impérialistes, c’est naturel de perdre les pédales.
Macron qui parle d’opérations militaires françaises comme sauveur au Sahel. Elles sont vagues, quand on force nos nations à avoir une armée néocoloniale qui sera fragile et qui ne pourra pas avoir une réponse régalienne, quand derrière, l’armée française travaille avec des sécessionnistes et des islamistes qu’elle accompagne et en même temps on se place dans des zones dites de tampon comme régulateur.
Ce sont des opérations militaires aussi, un exemple l’armée malienne qui dans les années 90 était très armée, a subi un désarmement qui ne dit pas son nom. Il a fallu l’arrivée du président Assimi Goïta pour aller dans le sens du rétablissement en équipements militaires. Cette déclaration est une satisfaction à un certain niveau pour nous, cela veut dire que la déconstruction de l’impérialisme français est une réalité.
La crise au Niger divise les opinions. Il y des pro-militaires, pro-Bazoum, pour et contre l’opération militaire de la CEDEAO. De quel côté êtes-vous ?
La situation au Niger était très attendue naturellement dans notre organisation. Pour parler du coup d’État que nous saluons encore et le président Tiani, qui faisait partie du dispositif, doit travailler à se racheter. Maintenant pour ce qui concerne l’intervention, nous avons marqué notre opposition devant les locaux de la CEDEAO ici à Ouagadougou le 04 août et notre leader Kemi Seba l’a signifié aussi dès les premières heures.
Non seulement c’est inhumain et encore moins logique, un pays plongé dans un terrorisme des plus cruels et vous, vous l’attaquez encore. La différence entre la CEDEAO de Macron et les terroristes c’est quoi alors ? Quand les coups d’État, qu’ils soient militaires ou constitutionnels, sont à la faveur de l’impérialisme, il n’y a pas de problème. Les problèmes émergent quand les occidentaux perdent le contrôle des Etats.
Comme le disait d’une manière notre Thomas Sankara, ls ont joué comme dans un casino, quand ils gagnaient, il n’y avait point de problème, maintenant qu’ils ont perdu, on nous parle de crise. Non les coups d’État qui autrefois étaient la méthode pour stopper la souveraineté de nos Etats deviennent peu à peu des coups d’État pour la souveraineté. Ils ont joué, ils ont perdu ; la lutte continue.
Pire, cette intervention irréaliste risque d’être une Libye bis, qui va être une source d’amplification de l’insécurité au Sahel, donc va toucher même les pays qui sont prêts à intervenir.
Quel est votre avis par rapport au feu vert que le général Tiani a donné à ses voisins le Burkina et le Niger pour intervenir en cas d’agression de la CEDEAO ?
L’autorisation du général Tiani au Burkina Faso et au Mali d’intervertir en cas d’agression est la chose la plus normale qui soit, pendant que d’autres frères téléguidés par l’oligarchie occidentale veulent s’attaquer. S’il y a des frères qui veulent aider, c’est la bienvenue. Laurent Gbagbo n’a pas eu cette chance en 2011 mais aujourd’hui l’éveil fait que les gens commencent à comprendre.
Toute cette situation que l’Afrique de l’Ouest vit ces dernières années, pensez-vous qu’enfin le vent du panafricanisme peut souffler dans ces pays ?
Si la question même est posée, c’est qu’il y a un certain constat et je peux vous assurer que le panafricanisme est en train peu à peu d’occuper une place qu’elle devait occuper depuis belle lurette. Dire enfin n’est pas très approprié, car malgré son affaiblissement à un certain moment, il a toujours été là, disons que le vent grâce au travail fait ces dernières décennies, c’est plus un vent de petite pression mais un ouragan.
On enregistre de plus en plus des organisations dites panafricanistes. Au Burkina Faso, quelles sont vos relations avec ces organisations ? Epousez-vous la même vision ?
Nous observons aussi la multiplication des organisations avec ses avantages et ses inconvénients. Les mangues mûres attirent les enfants mais aussi les mouches. Nous avons une certaine satisfaction, car cela prouve que notre travail, autrefois incompris, est convoité. Maintenant, nous avons des relations de fraternité avec beaucoup de ces structures mais pour être sincère, si le panafricanisme est l’idéologie, il y a un problème de stratégie et de profondeur de cette idéologie entre nous.
Il y a de l’opportunisme dans le panafricanisme au Burkina Faso comme dans toutes les formes d’idéologie d’ailleurs, quand vous prenez juste un ex comme tant d’autres que je peux citer, la multipolarisation souveraine que nous avons tant réclamée qui était autrefois combattue par certains qui s’autoproclamaient ultra-multipolaristes tête baissée avec des propos comme si certains partenaires doivent être le messie des Africains. Le seul messie de l’Afrique, ce sont les Africains. Certains ont compris mais une grande partie, c’est de l’opportunisme. Il y a un certain désordre et anarchie dans la société civile dite panafricaniste.
Je crois que cela a commencé après l’éclatement de la COPA BF dont notre organisation a été membre fondateur. Les sympathisants et membres de la COPA BF qui n’avaient même pas d’organisions, qui étaient juste des individus ont voulu chacun créer une organisation souvent sans un minimum de base. Vous voyez aujourd’hui des organisations où tout le monde est leader, tout le monde est communicant, tout le monde est vidéo-activiste, tout le monde est tout à la fois, mais c’est impossible de faire long feu avec ça.
On raconte souvent que Urgences Panafricanistes est proche de la Russie. Qu’avez-vous comme réponse ?
Je dirai partenaire avec les Russes depuis un certain nombre d’années. Nous étions sur le terrain avant que les Russes émergent de cette façon. Nous avons des objectifs en commun comme la multipolarisation, un monde aux valeurs traditionnelles, des Etats souverains, mais nous comprenons souvent ceux qui veulent une panafricanité fondamentale comme le nouveau joyau de notre leader Kemi Seba « Philosophie de la panafricanité fondamentale », que je conseille d’ailleurs à des béni-oui-oui de la Russie, le Quay d’Orsay et les nègres de maison ayant pris beaucoup de coup ; qui tentent une infantilisation, Il y a une autorité d’aujourd’hui qui était dans cette lancée sur les plateaux télés, nous traitant d’agent d’ influence russe. Son premier voyage, c’était en russe. Est-il une autorité d’influence russe ? Je ne pense pas. « Ils finiront par comprendre » comme l’adage de notre ONG.
Interview réalisée par Cryspin Laoundiki Lefaso.net
Article publié le mardi 29 août 2023
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