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lundi 22 juin 2009
par Irène Bath
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Les dirigeants de la filière café-cacao croupissent depuis un an à la MACA. Le moral haut, ils disent tenir le coup. Samedi 20 juin 2009, il est 13 heures lorsque le véhicule de reportage nous dépose à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (MACA), dans la commune de Yopougon. Les regards qui se posent sur nous sont interrogateurs. Les bruits qui parviennent à nos oreilles, ce sont des questions du genre, qu’est-ce qui se passe encore ici ? Sans prêter attention à toutes ces indiscrétions, nous nous dirigeons résolument vers l’apatam pour acheter un ticket qui devait nous permettre d’accéder à la prison. Munie de notre ticket, nous prenons place dans le rang destiné aux femmes, sous un ciel menaçant. Arrêtée et attendant notre tour, nous assistons à des traitements de faveur vis-à-vis de certains visiteurs qui, sans faire le rang, rentrent directement dans la prison. On apprend tout de suite que ce sont des visiteurs des barons de la filière café-cacao. Arrive enfin notre tour, après 30 minutes d’attente. Une fois à l’intérieur de la MACA, renseignement pris auprès des agents de service, on nous informe que les détenus de la filière se trouvent au greffe. Il s’agit d’une grande salle, bien aérée, munie de plusieurs bancs pour recevoir les visiteurs. Il y a également des ventilateurs pour donner plus de fraîcheur à la salle. Un coup d’?il rapide aux différents groupes qui se sont constitués ça et là et on remarque très rapidement les différents dirigeants de la filière entourés de parents, collègues, amis et connaissances. Sans trop savoir ce qui se disait dans leurs causeries, on peut imaginer aisément que ce sont des nouvelles de la ville qui sont données à ces détenus, ainsi que des paroles d’encouragement face à la situation qu’ils vivent. En effet, il ne faut pas perdre de vue que les arrestations dans la filière café-cacao ont commencé le 18 juin 2008. Aujourd’hui, 22 juin 2009, cela fait donc pratiquement un an que ces acteurs croupissent à la MACA, attendant d’être jugés pour des soupçons de malversations qui pèsent sur eux. Une année loin du cercle familial, c’est beaucoup et difficile. Et contrairement à ceux qui croient qu’on arrive très rapidement à s’habituer à une telle situation, il faut se détromper. La preuve, nous avons pu le constater dans le visage et la voix de ces détenus. Craignant au départ d’être rabrouée par ces acteurs, après avoir décliné notre identité de journaliste, nous avons été surprise de l’accueil chaleureux qu’ils nous ont réservé. D’abord Tapé Do, habillé d’un ensemble demi-boubou et pantalon pagne, qui discutait tranquillement avec une dame. Dieu, l’ultime secours de ces détenus A la question de savoir s’il tenait le coup face à cette longue incarcération, il a répondu, « Dieu est Grand, on tient le coup ». Il nous a même fait l’amitié de nous informer qu’un de nos confrères était passé par là, et qu’il venait de partir. Ensuite, Angéline Kili, habillée d’un corsage rouge, était assise en position de réunion avec plusieurs personnes. Lorsque nous nous sommes présentées, elle nous a serré la main. Le sourire aux lèvres, elle a aussi dit tenir le coup. La chaine qu’elle portait au cou avec une médaille de la croix du Christ ne pouvait qu’être interprétée comme un abandon entre les seules mains de Dieu pour recouvrer la liberté. Malgré les préjugés sur la prison, Mme Kili qui a trouvé refuge auprès du Seigneur, paraissait plus épanouie et semblait avoir pris quelques kilos. Kouamé Bernard, qui a rejoint les autres récemment, semblait un peu crispé. Habillé d’une chemise blanche manches longues et installé juste derrière Mme Kili, il s’entretenait également avec des parents et amis. Il a aussi accepté de nous recevoir et de nous traduire son état d’âme sur sa nouvelle situation. Notamment que, quoique difficile, il la vivait à sa façon. Quant à Henri Kassi Amouzou, arborant un tee-shirt blanc, il était installé dans une salle annexe au greffe avec deux visiteurs. Il s’est aussi prononcé sur la situation qui, a-t-il affirmé, se gérait tant bien que mal. Dans la grande salle baptisée le greffe, nous avons pu saluer M. Gnako Sokouri Alfred du FGCCC et Mme Obogui née Houssou Aménan Rosine du FDPCC. De loin, nous avons vu Théophile Kouassi qui s’entretenait avec des visiteurs. Ce samedi 20 juin était un jour mouvementé et les visites à ces détenus se multipliaient. Pendant que certains prenaient congé de ces acteurs de la filière, d’autres visiteurs arrivaient. L’ambiance était bonne, détendue et gaie. Certains détenus se levaient pour accompagner leurs visiteurs, tandis que d’autres avaient décidé de se balader à l’entrée de la salle. Dans la cour de la prison, une ambulance était garée. Sûrement pour transporter les cas d’urgence vers l’hôpital. C’est avec un pincement au c?ur que nous avons quitté les lieux. Vivement que le procès de ces personnes ait lieu et que les responsabilités soient situées. Faut-il le rappeler, par correspondance du 11 octobre 2007, le président de la République a demandé au procureur Tchimou Raymond de diligenter une enquête sur la filière café-cacao et les différentes sociétés acquises par les structures depuis la libéralisation de la filière et sur la circulation des ressources et des flux financiers. Au cours d’un point de presse le 12 juin 2008, le procureur a rendu les résultats de l’enquête qui incriminent les anciens dirigeants de la filière de surfacturations, non fonctionnement de certaines sociétés acquises ou non reversement des dividendes, absence d’une bonne répartition des ressources et bénéfices aux paysans.
Article publié le lundi 22 juin 2009
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