Selon l’entourage de Jacques Kyabula, son absence s’explique par un déplacement à l’étranger pour raisons de santé. L’intéressé n’a fait aucune déclaration officielle à ce sujet. Ce flou autant que le mutisme de l’exécutif national alimentent la rumeur. Il se raconte qu’à l’occasion de la commémoration du 65ème anniversaire de l’indépendance du Congo, le gouverneur aurait déclaré que « Kabila et Nangaa sont nos frères ». Une phrase jugée, à tort ou à raison, équivoque dans le contexte politique actuel. Les deux cités se pavanent dans les provinces du Kivu, sous occupation du M23/RDF/AFC.
Au moment où ces quelques lignes sont écrites, nul ne sait indiquer le statut exact du « Gouv » Kyabula. Repos médical? Suspension? Eviction? L’alinéa 2 de l’article 198 de la Constitution précise: « Le gouverneur et le vice-gouverneur sont élus pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois par les députés provinciaux au sein ou en dehors de l’Assemblée provinciale. Ils sont investis par ordonnance du Président de la République ».
Une chose est claire: pour Kinshasa, la province devait continuer à fonctionner. D’où la désignation de l’intérimaire, signée non pas par le ministre de l’Intérieur lui-même (présent à Doha), mais par le vice-ministre des Affaires coutumières, Jean-Baptiste Ndeze. Sans doute « par délégation ».
Des propos qui dérangent Jacques Kyabula Katwe Quelques jours avant sa convocation à Kinshasa, Kyabula a tenu un meeting au cours duquel il a appelé à « laver le linge sale en famille », gratifiant, au passage, Joseph Kabila et Corneille Nangaa du titre de « compatriotes », et désignant Paul Kagame comme le « vrai problème » de la RDC.
On imagine que ces propos ont été interprétés comme un aveu d’éloignement par rapport à la ligne présidentielle, marquée par une confrontation directe avec le Rwanda de Paul Kagame et une mise à l’index des figures étiquetées « kabilistes ». En désignant l’ennemi à l’extérieur et en plaidant pour une réconciliation interne, Kyabula a-t-il franchi une ligne rouge?
Des sources proches du pouvoir parlent d’une position dissonante dans le contexte politique tendu du pays. Les partisans du gouverneur estiment, pour leur part, qu’il s’agissait au contraire d’un message plein de lucidité.
Des rumeurs persistantes font état d’une enquête ouverte pour « mauvaise gestion ». Aucun acte officiel n’est venu confirmer l’existence d’un tel dossier. Mais plusieurs sources laissent entendre qu’une action serait en cours. Le timing entre la convocation du ministre, le silence prolongé du gouverneur et la désignation d’un remplaçant n’est pas anodin.
Vers une recomposition politique dans le Haut-Katanga? Le profil du gouverneur intérimaire, Martin Kazembe, étiqueté UDPS, pourrait annoncer une nouvelle phase d’alignement politique à Lubumbashi. En cas de départ définitif de Kyabula, c’est une page politique qui se tournerait. Élu en 2019 dans le cadre de l’alliance FCC-CACH, Kyabula avait progressivement rallié l’Union sacrée. Et ce jusqu’à cette « sortie de route ».
Le dossier est-il clos? L’avenir politique de Jacques Kyabula est-il définitivement compromis? Son éviction est-elle fondée sur une base légale? Des questions qui restent sans réponse. Une certitude: le gouverneur en exercice reste Jacques Kyabula Katwe. Et ce jusqu’à ce qu’il soit « destitué » par les grands électeurs que sont les députés provinciaux. Une ordonnance présidentielle ne pourrait intervenir qu’après cette procédure. Question finale: où est passé Jacques Kyabula Katwe?
Obed Vitangi Kakule
Article publié le lundi 21 juillet 2025
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