:Ce sport continue à évoluer dans l'abîme et l'indifférence malgré tous les lauriers glanés.
"Au Cameroun, il n'y a pas de sport mineur, de sport majeur ou de sport réservé". Ce fragment du discours du chef de l'Etat camerounais, prononcé en 1986, est très souvent repris par les adeptes de ces disciplines qui sont loin de jouir de la même considération que le football. Mais, au moins, elles pourraient se consoler dans la vétusté des infrastructures où elles n'ont rien à envier au sport roi. L'haltérophilie ne déroge pas à cette règle. Une salle d'entraînement de qualité n'existe pas au Cameroun, selon l'entraîneur national Maître (Me) David Matam Ndicka. Le club "Les Bulgares ", qu'il crée en 1986 et d'où viennent la plupart des champions camerounais, en est une bonne illustration. Une vieille bâtisse en bois dont une bonne partie des murs a disparu. Un sol bosselé, une salle mal éclairée et parfois étroite lorsque la plupart des athlètes se retrouvent pour s'entraîner.
La nuit venue, une seule ampoule, d'une intensité de 75 watts éclaire difficilement cette salle bariolée des photos des meilleurs haltérophiles du monde.
"Outre le problème matériel qui est commun à tous les clubs, notre souci nous vient des infrastructures inexistantes. Ici, par exemple, nous ne pouvons pas dire que nous sommes dans une salle", se plaint Me David Matam. Me Ngassa, propriétaire du club "Beckhuizen", non loin du club "Les Bulgares", au lieu dit Derrière Combattant à Yaoundé, est obligé d'emprunter le matériel de travail chez Me Matam, son ancien entraîneur qui a bénéficié d'un don de l'Etat lors d'un stage préparatoire. Les barres, les chevalets, les disques, la magnésie, les plateaux sont les instruments de travail les moins partagés dans les salles d'entraînement au Cameroun.
Et pourtant, depuis 1987, l'haltérophilie, sport essentiellement individuel, a rapporté au Cameroun plus de médailles que ne l'ont fait plusieurs disciplines réunies. En 1999, lors des Jeux africains à Johannesburg en Afrique du Sud, le Cameroun remporte 21 médailles en haltérophilie dont 9 en or. En 2002, lors des Jeux du Commonwealth disputés à Manchester en Angleterre, le Cameroun remporte neuf médailles d'or. Toutes, grâce à l'haltérophilie alors que plusieurs disciplines étaient engagées. La razzia a lieu à Kampala en Ouganda l'année dernière lors des championnats d'Afrique junior et senior. Les haltérophiles camerounais remportent 21 médailles.
Les champions d'haltérophilie se forgent à l'aune de la passion, de la rigueur et du savoir-faire de quelques techniciens formés et expérimentés. La moisson de médailles à chaque occasion, qui laisse augurer d'un ciel sans nuages, ne dissipe pourtant pas l'orage qui couve depuis pas mal d'années. Les différents dirigeants de la fédération se regardent en chien de faïence quand ils ne s'étripent pas sur la place publique. Les compétitions nationales sont sporadiques.
Passion
Elles sont d'ailleurs pratiquement inexistantes depuis que les Brasseries du Cameroun, invoquant la crise économique, ont cessé de financer l'haltérophilie.
La subvention du ministère de tutelle ne permet pas à l'actuel président, Boukar Tikire, d'organiser des activités d'une manière régulière. Comme les autres "sports mineurs", l'haltérophilie souffre d'un manque criard du minimum vital. "Quand les stages bloqués ont lieu, ils se déroulent toujours d'une manière précaire et en très peu de temps", estime David Matam, l'entraîneur national pour qui, "le jour où [il] bénéficiera d'un bon stage bloqué, les Camerounais seront champions du monde ou champions olympiques".
Me Ngassa, du club Beckhuizen, assure que les entraîneurs se convertissent même en parents d'enfants en subvenant aux besoins de leurs haltérophiles. Me Matam, le chef de la "tribu Matam", dont il est le père et dont les enfants ont remporté des médailles d'or sur le plan international, soutient avec fierté qu'il est obligé d'entretenir ses athlètes comme ses enfant
Article publié le vendredi 21 avril 2006
2328 lectures