: Un lock-out silencieux des transporteurs suite à une note du Ministère de l’intérieur fixant les tarifs des transports en commun en date du 9 septembre 2024. Au parking de Musaga, au parking du marché dit Cotebu, c’était une journée inédite. Des parkings déserts, des chauffeurs exaspérés, une situation traduisant un mécontentement face à la nouvelle politique tarifaire.
Ce lundi 16 septembre 2024, vers midi, au parking de Musaga, en commune Muha au sud de la ville de Bujumbura, une scène inhabituelle : le parking est désert. Depuis le matin, seul un véhicule avait réussi à quitter ce parking pour l’intérieur du pays, comme l’indique un des passagers qui attendait un autre bus en vain.
« Toutes les mesures prises ou qui vont être prises et ne visant pas l’amélioration de la situation, ne produisent aucun effet, nous sommes en train de souffrir parce que nous ne pouvons pas faire nos affaires comme il faut. Nous travaillons au ralenti. Moi, j’avais une réunion à Mwaro à 10 h, mais voilà, il est midi et je suis là », se désole un passager qui attendait un bus.
Cette situation est une conséquence directe de la récente décision du ministère de l’Intérieur de plafonner les tarifs des transports en commun et d’imposer une amende exorbitante pour tout contrevenant. Un chauffeur raconte sous anonymat qu’il travaille à perte tavec ces prix fixés unilatéralement par le gouvernement sans consultation.
« Imaginez une Probox transportant quatre passagers jusqu’à Mwaro pour un montant de 6 500 BIF par personne, soit 26 000 BIF au total. Aller-retour, cela représente 48 000 BIF. Or, une Probox consomme environ 12 litres d’essence pour ce trajet, ce qui revient à 50 000 BIF. Il est donc évident que nous travaillons à perte ».
Il ajoute : « Certains chauffeurs préfèrent arrêter complètement leurs activités plutôt que de continuer à subir de telles pertes. De plus, plusieurs d’entre nous ont été incarcérés, et les véhicules, notamment dans la province de Mwaro, sont de plus en plus visés ».
Un autre chauffeur s’interroge sur cette décision du ministère, alors que les coûts d’entretien des véhicules ne cessent de grimper. « Par exemple, une plaquette de frein, qui coûtait auparavant 15 000 BIF, s’achète désormais plus de 45 000 BIF. Un pneu coûte plus de 400 000 BIF, sans oublier les assurances, qui s’élèvent à 500 000 BIF. Avec de tels prix, totalement déconnectés de la réalité et de la cherté de la vie, des pertes sont inévitables ».
L’agence Buragane de Musaga a, quant à elle, décidé de cesser ses activités par crainte de voir ses véhicules saisis par la police. Un agent de cette agence explique : « Nous ne pouvons pas travailler avec ces nouveaux tarifs imposés par le gouvernement, sinon c’est travailler à perte. Il vaut mieux arrêter complètement que de risquer des amendes. Depuis ce matin, aucun véhicule n’a quitté Musaga en direction de Makamba, car les policiers contrôlent rigoureusement les routes. Même les lignes Mabanda-Makamba sont à l’arrêt. Seuls les motocyclistes assurent encore le transport ».
Sur le parking du marché dit Cotebu, si la circulation des véhicules était plus fluide, le mécontentement des chauffeurs n’en était pas moins palpable. « On nous demande de travailler à perte », confie un chauffeur de Probox.
« Avec un véhicule qui coûte plus de 37 millions et des frais d’entretien en constante augmentation, les marges bénéficiaires se réduisent comme peau de chagrin. Les nouveaux tarifs imposés par le gouvernement, loin de soulager la profession, ne font qu’exacerber les difficultés », ajoute-il.
Le malheur des uns fait le bonheur des autres.
La population se réjouit de la décision prise par le ministère de l’Intérieur. Pour la plupart de gens rencontrés sur le terrain, le prix fixé par le gouvernement devrait être respecté.
Marc rencontré sur le parking du marché dit Cotebu explique qu’il avait arrêté de visiter sa famille habitant à Gitega de peur des frais de transport. « Lorsque j’ai appris la mesure du ministère de l’Intérieur, j’ai sauté de joie. Je me suis dit qu’enfin, je vais rendre visite à ma famille. Imaginez monter vers Gitega à 30 000 BIF, c’était terrible avec cette cherté de la vie. 9 300 BIF jusqu’à Gitega, c’est mieux ».
Jean Niyonzima n’est pas loin des propos de Marc : pour lui, le seul problème qui reste est que les propriétaires des bus qui font le transport vers le sud du pays ont garé leur véhicule. « Pour moi, cette mesure est très bonne parce qu’il y a des transporteurs qui abusent ou profitent de la pénurie du carburant. Mais le seul problème qui reste est que les propriétaires des véhicules ont garé leurs bus. Par exemple, ici à Musaga, je suis là depuis 7 h du matin, mais maintenant nous sommes 12 h, un seul bus est parti. C’est un parking fantôme », ajoute-t-il.
Rappelons que les coûts des nouveaux tarifs de déplacement tels qu’ils ont été fixés par le gouvernement le 9 septembre reliant Bujumbura aux principales villes du pays restent les mêmes. Pour les destinations situées au nord et au centre, les tarifs sont les suivants : Bujumbura-Gitega, c’est 9300 FBU, Bujumbura-Bugarama, le prix fixé est de 4 650 BIF, Bujumbura-Bukeye et Bujumbura-Muramvya, c’est 5 600 BIF, Bujumbura-Kayanza, le tarif est de 9 300 BIF, et Bujumbura-Ngozi, il faut débourser 11 600 BIF. Les voyageurs souhaitant se rendre à Kirundo devront payer 16 300 BIF.
Dans le sud, les trajets Bujumbura-Nyanza-Lac, Bujumbura-Rutana, et Bujumbura-Makamba coûtent respectivement 11 600 BIF, 12 550 BIF, et 14 900 BIF, tandis que pour Bujumbura-Mwaro et Bujumbura-Matana les tarifs sont fixés à 6 500 et 9 300 BIF.
Enfin, pour l’ouest du pays, les déplacements vers Cibitoke et Gihanga coûtent respectivement 5 600 BIF et 3 700 BIF, alors que Bujumbura-Bubanza, il faut payer 9 300 BIF.
Article publié le mardi 17 septembre 2024
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