: C’est ce vendredi 16 août, au coucher du soleil, que la journaliste Floriane Irangabiye de la radio en ligne ’’Igicaniro’’ basée au Rwanda, condamnée à une peine de 10 ans de prison pour ’’atteinte à l’intégrité du territoire national’’, est sortie de la prison de Bubanza suite à une grâce présidentielle. Un moment de fortes émotions.
Le soleil commence à décliner laissant entrevoir ses quelques rayons rouges à travers les palmiers et le mirador ouest de la prison de Bubanza quand, soudain, un brouhaha monte de cet établissement pénitentiaire. Un cliquetis des clés et un crissement du vieux portail aux multiples cadenas séparant cet autre univers du monde libre.
Cette porte faite de barres de fer, à double battant, s’ouvre. Une silhouette apparaît : « C’est la journaliste ! », s’écrient les quelques prisonniers et les policiers postés à l’entrée de la prison.
C’est une Floriane toute rayonnante, le make-up irréprochable, portant des hauts talons, arborant une longue tenue en tissu-pagne aux couleurs vives qui franchit ce portail. Elle est tellement pressée de partir, de quitter cet endroit qu’elle oublie même de signer dans un registre de sortie. Elle est vite rappelée, elle revient, réclame un stylo et signe dans quelques secondes dans ce registre bleu.
Elle a hâte d’embrasser tout un monde venu l’accueillir : ses parents, sa petite sœur, ses proches, ses avocats, et quelques officiels présents.
Des étreintes interminables pleines d’émotions, la maman de Floriane entonnera même un chant religieux pour remercier le ciel pour ce moment : « Satan est en déroute ! », lancera-t-elle en serrant très fort sa fille. Floriane ne parvient pas à retenir ses larmes, elles dégoulinent sur ses joues quand elle serre très fort sa petite sœur, Déborah.
Un moment qui fait vite oublier les deux heures passées à attendre l’arrivée du directeur de la prison de Bubanza pour la signature du billet d’élargissement de Floriane.
Cet administratif qui se met un peu à l’écart fait signe aux avocats et rappelle qu’il y a d’autres papiers que cette journaliste doit signer avant de partir.
Me Éric Ntibandetse amène vite sa cliente dans un des bureaux pour cette formalité. La nuit tombe, les trois journalistes présents rappellent aussi qu’il y a la presse.
Éloquente, Floriane répond aux questions avec brio : « Je suis très heureuse parce que je viens de retrouver ma famille, je viens de sortir de la prison de Bubanza où je venais de passer quelques mois mais après une année et plus de 9 mois d’emprisonnement ».
Elle ne marque pas de pause, elle enchaîne : « C’est un grand soulagement pour ma famille, mes enfants, mes proches. Je n’oublierai jamais cette date du 16 août 2024 avec la grâce présidentielle que je viens de bénéficier de la part du chef de l’Etat, c’est un geste louable, noble de sa part en tant que Père de la Nation ».
S’il a pu faire cela pour moi, s’il a pensé à moi, reconnaît-elle, je lui revaudrai cela toute ma vie, c’est une page de ma vie qui s’écrit, certainement que ne je n’oublierai jamais.
« La prison, n’est pas à souhaiter même pour ton ennemi »
Floriane embrassant sa maman juste à sa sortie de prison « Je remercie tous ceux qui ont lancé un appel vibrant, en particulier l’UE, elle n’a cessé de me soutenir, elle a peut-être tout fait pour que ce jour ait lieu, je remercie l’ensemble des organisations de défense des droits humains, je remercie ma radio, ’’Igicaniro’’, elle a tout fait pour que je ne tombe pas dans les oubliettes », souligne-t-elle avant de poursuivre. « Je tiens à remercier les organisations internationales, comme RSF, Tournons la Page et en particulier Amnesty International ».
Floriane aura un mot pour les activistes des droits de l’Homme : « Je remercie tous ceux qui défendent les droits humains parce que la prison est un lieu où tu ne souhaiterais que même ton ennemi ait à passer un moment, qu’il soit petit ou long. C’est un endroit où l’on apprend ».
La prison, reconnaît cette journaliste, c’est une maison de correction. Et d’avouer qu’elle fera des efforts pour être une bonne citoyenne prête à ’’apporter sa pierre à l’édifice pour construire un Burundi meilleur auquel chaque citoyen aspire’’ : « Au président, j’y reviens encore, je lui souhaite la paix, qu’il s’attèle au développement de ce pays, que l’économie de ce pays retrouve sa vitesse, pour que ce pays parvienne à se démarquer et j’espère en faire partie ».
Une question : comptez-vous reprendre votre métier de journaliste ? Étonnée, surprise par cette question, Floriane marque une pause, elle écarquille les yeux, visiblement, elle ne s’attend pas à cette question. Après un petit moment d’hésitation et une bouffée d’air, elle lâche : « Euh, le métier de journaliste ? Oui, mais peut-être de façon différente de la manière d’avant, parce qu’il y aurait eu quelque chose qui a dérapé de mon côté. Je pourrais faire autre chose, j’ai un diplôme et j’avais d’autres occupations auparavant », confiera-t-elle avant de prendre place dans le véhicule qui l’attend : « Il faut que je retrouve vite ma fille Chloé et mon fils Evan ».
Le Président invité à désengorger les prisons »
Le président de la CNIDH, la Commission nationale indépendante des droits de l’Homme, a tenu à être présent sur les lieux, c’est lui qui a amené le directeur de la prison de Bubanza à bord de son véhicule double cabine. Il était très attendu.
Sixte Vigny Nimuraba appelle le chef de l’Etat à tout faire pour que la population carcérale puisse diminuer.
La défense de la journaliste Floriane Irangabiye a tenu à saluer la décision du chef de l’Etat : « C’est une décision juste et légale, elle vient à point nommé parce que la santé de notre cliente était menacée, l’exécution de la peine prononcée de 1o ans risquait de mettre en danger sa vie. Nous tenons à remercier le chef de l’Etat et lui demandons de faire de même pour les autres prisonniers parce que la condition de vie des condamnés dans différentes prisons du pays est précaire », a fait savoir Me Éric Ntibandetse.
C’était après une longue accolade avec sa cliente, la journaliste Floriane Irangabiye de la radio en ligne ’’Igicaniro’’ basée au Rwanda, condamnée à une peine de 10 ans de prison pour ’’atteinte à l’intégrité du territoire national’’ suite à ses émissions critiques envers le régime burundais.
Article publié le dimanche 18 août 2024
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