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Un projet du BIT pour que les enfants échappent au travail forcé

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 :Robert travaillait dans les plantations de cacao d'Ekokodo, au nord de Yaoundé, depuis l'âge de 9 ans. Cinq ans plus tard, ce jeune Camerounais vient d'achever sa formation de menuisier, arraché au travail forcé grâce à un projet du Bureau international du travail (BIT).
"Ma vie était ratée", raconte l'adolescent, "je travaillais dans les champs du lever du jour au coucher du soleil pour presque rien, sans repos et sans manger à ma faim. Aujourd'hui, je me sens renaître", proclame fièrement Robert, "parce que mes activités me procurent déjà un peu d'argent".

Le parcours d'Etienne, 15 ans, est identique. Le travail dans une plantation pour rapporter un peu d'argent aux parents, les souffrances quotidiennes et, finalement, la chance d'en sortir. Inscrit dans une école, il termine son cycle primaire dans un village du sud-ouest du Cameroun.

"Cette chance pourra me permettre de devenir aussi un grand homme dans l'avenir", se réjouit-il. "Mais mon souhait est aussi que mes amis restés dans les plantations en sortent, parce que c'est vraiment de l'esclavage".

Lancé il y a trois ans pour leur venir en aide, le projet Wacap (West Africa Cocoa Commercial Project) a permis de "récupérer" 1.109 enfants. "Nous nous réjouissons du bilan de ces trois années de travail, qui ont permis de sauver ces victimes d'une des pires formes de travail", se réjouit la directrice du bureau Afrique centrale du BIT Alice Ouédraogo.

Sitôt recensées, les jeunes victimes ont été confiées à un réseau d'ONG locales qui les ont réinstallées sur les bancs de l'école ou dans des centres de formation pour apprendre la mécanique, la menuiserie ou la couture.

"Nous avons aussi voulu prendre en compte l'indigence des parents qui en arrivent à vendre leurs enfants ou à les contraindre à des tâches avilissantes", insiste la coordinatrice du programme, Béatrice Fri Bimé. "Nous avons ainsi formé 500 responsables de familles à des activités génératrices de revenus", ajoute-t-elle.

Aujourd'hui, le succès du programme Wacap fait l'unanimité. Outre le millier d'enfants "sauvés", il a révélé au grand jour que le Cameroun n'était pas qu'un pays de transit pour enfants esclaves sur la route du Gabon, comme l'ont longtemps soutenu certaines autorités.

Vendredi, le Premier ministre Ephraïm Inoni a ainsi lui-même reconnu, à l'occasion de la présentation d'un rapport du Bureau international du travail (BIT) sur le travail des enfants, que plusieurs milliers de jeunes de moins de 18 ans étaient toujours exploités dans les plantations du pays.

Mais, comme le redoutent déjà les défenseurs des enfants, ce succès risque d'être de courte durée. L'enveloppe offerte par les Etats-Unis pour le projet Wacap touche à sa fin et, malgré les appels à l'aide répétés lancés par les autorités, aucun financement de substitution n'a encore été trouvé.

"Nous n'avons prévu de financer que la première phase du projet et de nous désengager pour que le gouvernement camerounais, les ONG et d'autres prennent la relève", justifie un diplomate américain.

D'où l'inquiétude croissante des partisans du projet, qui redoutent de voir réduits à néant les efforts accomplis depuis 2003. "Les 3.500 autres enfants identifiés dans les plantations ne pourront jamais en sortir", s'emporte Maximilien Ntoné Diboti, le président de la Confédération syndicale des travailleurs du Cameroun (CSTC).

Malgré ses 14 ans, Robert a parfaitement pris la mesure de la menace. "Si nous n'avons plus d'appui, ma formation ne servira plus à rien", admet-il, "et je serai alors contraint de retourner dans les plantations".


Article publié le mardi 9 mai 2006
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