mohand-said-oubelaid : parti, la mort dans l'âme.-(RACHID YAHOU)- |
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mohand said oubelaid, illustre chanteur kabyle, avait fini par deviner que la mort aura raison de son âme.
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mohand-said oubelaid : "j'ai peur d'être tué"
ry : qui êtes vous mohand said?
mso :mohand-said oubelaid : (...sourire). je suis ce qu'on peut appeler un semeur d'espoir, un artiste, un chanteur à qui la vie n'a pas souri.
ry : présentez vous à nos chers lecteurs. mso : je me nomme larbi mohand, suis né le 16.02.23 au village ait smail au douar el merja oumalou dans la commune de bounouh située au sein du département de boghni en grande kabylie (sud). limitée par le département kabyle de bouira, ma région n'est pas loin de frika et de ain zaouia (sud-ouest de la grande kabylie).
ry : vous paraissez bien connaître votre région.
mso : les malheurs m'ont poussé à connaître toute la kabylie.
ry : des malheurs?
mso : j'ai été obligé de sillonner les départements kabyles de tizi-ouzou, bouira, boumerdes, sétif et béjaia. celà m'a permis de rencontrer beaucoup de gens et de connaître ainsi pratiquement tous les villages de ces contrées.
ry : vos débuts dans la chanson kabyle?
mso : c'est en 1953 que j'ai enregistré mon 1er produit. dans l'une de mes chansons je recommandai aux algériens qui vivaient comme moi en france de s'éloigner des boissons alcooliques, de représenter dignement la communauté berbère qui vit en europe.
ry : vous ne buviez donc jamais?
mso : effectivement je ne buvais jamais, je voulai démontrer aux français que je faisais exception aux autres algériens qui s'adonnaient à l'alcool.
ry : quels autres algériens?
mso : ceux qui ne sont pas de notre région.
ry : et pourtant!!!
mso : et pourtant je possédai à l'époque un bar à paris. mon regretté ami slimane azem, un chanteur kabyle de confession chrétienne venait souvent me rendre visite. il y a animé beaucoup de soirées.
ry : pourquoi ne vouliez-vous pas laisser les kabyles boire?
mso : comme je l'ai dit, pour qu'ils démontrent leur spéçificité kabyle, leur noblesse en somme et aussi pour ne pas les voir sombrer dans l'ivresse par ma faute.
ry : appréhendez-vous les événements qui s'annonçaient?
mso : j'avais cette impression que le pays allait connaître des moments très difficiles. face aux humiliations quotidiennes je m'attendai à un embrasement total.
ry :dans quelle maison d'édition avez-vous produit ?
mso : j'ai été le 1er artiste africain à produire chez la la maison d'édition "philips".
ry : qu'avez vous fait ensuite?
mso : j'animai des galas pour des émigrés.les français étaient très soupçonnés à mon égard. ils n'arrivaient pas à comprendre ma langue, le kabyle contrairement à l'arabe que certains d'entre eux maitrisaient même.
ry : quand êtes vous rentré en algérie?
mso : je suis rentré en kabylie en 1962. en algérie, je l'ai été ensuite (rires...). je me suis en effet rapproché de la chaine kabyle qui avait (et qui a toujours) son siège à alger.
ry : votre avis sur la chanson algérienne?
mso : je ne peux que parler de la chanson berbère. les chaouis et les mozabites commençent à faire un excellent travail artistique. les chenouis ont commençé pour leur part très tôt. quant aux touaregs, ils demeurent à ce jour autonomes et ont de tout les temps été de grands artistes.pour reveni à l'état actuel de la chanson berbère laissez moi vous dire qu'elle connait un vide évident et pour cause! c'est la course à l'argent!
ry : votre périple en dehors de la chanson kabyle?
mso : à alger, j'allais d'un hotel à un autre. c'est dans l'un d'eux, "le royal" que des personnes mal intentionnés se sont permi de me voler ma guitare. celà m'a énormément peiné. à l'hotel "toumi" de bouira et ensuite à tazmalt, une ville de la petite kabylie, j'ai passé des moments agréables. enfin, j'ai loué une chambre d'hotel à Acif el hamam, une petite ville située également en petite kabylie. je me retrouverai en fin de compte à Yakouren, dans la maison d'accueil des personnes agées.
ry : des problèmes familiaux?
mso : en effet (larmes..). pour avoir revendiqué ma culture berbère, des "raçistes" ont osé me salir en me faisant endosser des choses que je n'ai jamais fait. j'ai onze enfants dont cinq vivent en france. j'ai aussi un enfant handicapé.
ry : vous avez été marqué par la vie n'est-ce pas?
mso : de grâce laissons de coté ma vie privée et restons dans le domaine artistique.
ry : avez vous des souvenirs? si oui lesquels?
mso : j'en garde un très mauvais. en 1975, j'ai offert une "richa" à Lounis ait menguelet, ce fameux chanteur kabyle afin qu'il grate sa guitare avec. prends là, elle fera de toi un grand chanteur j'en suis persuadé! mon souhait a été éxauçé. Lounis est aujourd'hui le meilleur chanteur kabyle. un jour, nous nous sommes donné rendez-vous dans un café à tizi-ouzou. il n'est jamais venu. j'ai ressenti ce jour qu'il me fuyait et pourtant, tout en lui pardonnant, je serai très content de le voir avant de mourir.
ry : vous avez peur de mourir?
mso : oui j'ai peur de mourir. une fois on a tenté de m'empoisonner. avant de manger, j'ai donné un bout à un petit chat qui est tombé raide mort. depuis je fais très attention.
ry : les chanteurs qui vous ont impréssionné?
mso : chérif khedam, matoub lounès, kaci abderahmane, ait menguelet, taleb rabh et beaucoup d'autres.
ry : que regrettez vous dans la chanson kabyle?
mso : on oublie vite les anciennes gloires. je constate enfin une régréssion flagrante dans les thèmes développés par nos jeunes chanteurs qui font plutôt de la chansonnette, sans recherche aucune. ils ne chantent que l'amour croyant que rien d'autre n'existe. je refuse cette bassesse regrettable à tout point de vue. j'ai pourtant proposé mes services mais personne na daigné me répondre.
ry : le mot de la fin.
mso : je vous remerçie beaucoup pour votre attention.
nota : mohand-said oubelaid sera assassiné par un jeune qu'il avait invité dans sa chambre. il est mort le 04.03.2000 à la plage d'Azefoun, une ville cotière de la grande-kabylie. cet entretien a paru dans les colonnes d'un journal algérien ("detective") qui a disparu (suspendu depuis le 18.08.2003)
rachid yahou. |
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