Ong et Associations d'afrique
Actualités-News
Ressource associée

Bélarus : RSF dénonce la criminalisation du travail des journalistes | RSF

La journaliste basée à Minsk Katsiaryna Andreyeva, qui travaille pour la chaîne biélorusse en exil Belsat, a été arrêtée le 15 novembre dans la capitale, officiellement pour avoir participé à une manifestation anti-Loukachenko. En réalité, elle filmait, depuis un appartement au 14e étage d’un immeuble, le mouvement de protestation se déroulant sur la “place des Changements”. Elle risque jusqu’à trois ans de prison. Alors que jusqu’à présent, les reporters qui couvraient les manifestations étaient relâchés au bout de 15 jours maximum, la journaliste restera détenue au moins jusqu’au 20 janvier, dans l’attente de son procès.

 

“Les poursuites contre Katsyarina Andreyeva illustrent clairement la parodie de justice dont sont victimes les journalistes au Bélarus, déplore la responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF, Jeanne Cavelier. Les lois sont détournées et les preuves fabriquées pour entraver leur travail et les réduire au silence. Katsyarina Andreyeva et les autres journalistes détenus doivent être immédiatement relâchés, et les charges contre eux abandonnées.”

 

L’arrestation de la journaliste a eu lieu à l’intérieur de l'appartement duquel elle filmait la répression de la manifestation – ce qu’a confirmé le propriétaire des lieux. Selon elle, une dizaine d’agents de sécurité ont fait irruption dans le logement après avoir défoncé la porte et l’ont embarquée.

 

Ayant d’abord écopé de sept jours de détention pour « participation à un événement non autorisé et résistance à l’autorité de l’Etat », Katsyarina Andreyeva a, cinq jours plus tard, fait l’objet de poursuites en vertu de l’article 342 du Code pénal biélorusse pour « organisation et préparation d’actions portant sérieusement atteinte à l’ordre public ou participation active à de telles actions » - un délit beaucoup plus grave, passible de trois ans d’emprisonnement. Son mari, le journaliste Ihar Ilyach, qui travaille pour le même média, a lui aussi été arrêté le 24 novembre. Selon Belsat, il n’a pas couvert les dernières manifestations.

 

Neuf journalistes poursuivis au pénal



Au total, au moins neuf journalistes sont actuellement poursuivis ou menacés de poursuites. La journaliste de Belsat Daria Tchoultsova a été arrêtée à Minsk le même jour que Katsyarina Andreyeva et, selon toute vraisemblance, risque elle aussi de faire l’objet de poursuites. Toutefois, selon l’Association biélorusse des journalistes (BAJ), son avocat aurait signé un accord de confidentialité et serait ainsi dans l’impossibilité de confirmer que des charges sont retenues contre elle et, si oui, lesquelles.

 

Trois autres collaborateurs de Belsat, le caméraman Zmitser Soltan, les journalistes Zmitser Krautchouk et Artsiom Bahaslauski, ainsi qu’un photographe de l’hebdomadaire indépendant Novy Chas, Dzmitry Dzmitrieu, avaient été arrêtés le 1er novembre dernier alors qu’ils couvraient les manifestations. Le lendemain, ils devenaient suspects dans une affaire pénale en vertu de l’article 342 (« troubles publics »). Le 13 novembre, les forces de sécurité ont perquisitionné l’appartement de Dzmitry Dzmitrieu dans le cadre de l’enquête.

 

Journaliste retenue par les services de renseignement



Une journaliste du site d’information tut.by, Katsiaryna Barysevitch, l’une des chroniqueuses judiciaires les plus connues du pays, est également  retenue dans un centre de détention de l’Agence de renseignement biélorusse (KGB) depuis le 19 novembre. Elle a été arrêtée alors qu’elle enquêtait sur la mort de Raman Bandarenka dans des circonstances inexpliquées après son arrestation, le 11 novembre. La journaliste avait cité un médecin affirmant que contrairement à ce qu’avaient déclaré les autorités, aucune trace d’alcool n’avait été trouvée dans le corps de cet homme de 31 ans. Le bureau du procureur général avait alors lancé des poursuites à son encontre pour « divulgation du secret médical » et « diffusion de fausses informations ». Katsiaryna Barysevich avait été arrêtée dans la foulée.

 

En septembre, des poursuites pénales ont été engagées contre le rédacteur en chef de l’hebdomadaire Nasha Niva, Yahor Martsinovitch, pour diffamation, après la publication d’un article dans lequel un DJ connu révélait que le vice-ministre de l’Intérieur, Aleksandr Barsoukov, lui avait donné des coups alors qu’il était en prison. L’appartement de Yahor Martsinovich a été perquisitionné le 23 septembre par la police, qui a confisqué des équipements techniques et des supports de données externes. Le journaliste a été interrogé par le comité d’enquête et détenu à l’isolement pendant trois jours.

 

Le  journaliste Sergueï Satsouk, connu pour son travail d’investigation sur le système de soin au Bélarus et rédacteur en chef du site d’information Ejednevnik, fait lui aussi face à des poursuites. Arrêté le 25 mars pour avoir critiqué la gestion de la pandémie de Covid-19 par le président Loukachenko dans un éditorial, il a été relâché dix jours plus tard à la condition qu’il se signale régulièrement aux autorités. Le journaliste a été accusé d’avoir accepté des pots-de-vin, un délit passible de dix ans de prison. Il a également été soupçonné de fraude, sans qu’aucune charge ne soit retenue contre lui.

 

Onze professionnels des médias derrière les barreaux



Selon la BAJ, pas moins de 366 professionnels des médias ont été retenus en détention depuis l’élection controversée du 9 août 2020, et 77 d’entre eux ont déjà purgé leur peine. Onze journalistes sont actuellement en prison. L’association a récemment résumé les violations les plus graves de la liberté de la presse commises au Bélarus ces derniers mois dans un rapport publié en anglais.

 

Le Bélarus occupe le 153e rang sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2020.


Article publié le lundi 30 novembre 2020