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Burundi : quatre journalistes d’Iwacu emprisonnés pour rien depuis un an | RSF
De mémoire de journalistes burundais, jamais des reporters du pays n’ont passé autant de temps derrière les barreaux dans l’histoire du pays. Le premier anniversaire de la détention de Christine Kamikazi, Agnès Ndirubusa, Térence Mpozenzi et Egide Harerimana relève autant de l’arbitraire que de l’inédit.Le 22 octobre 2019, les quatre reporters d’Iwacu, l’un des derniers bastions de l’information indépendante du Burundi, avaient été arrêtés après être partis couvrir l’incursion d’un groupe de rebelles burundais basé dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Cette intrusion avait donné lieu à des affrontements armés avec les forces du régime alors dirigé par Pierre Nkurunziza. Poursuivis pour “tentative de complicité d’atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat”, les journalistes ont été condamnés à deux ans et demi de prison ferme en janvier 2020, une peine confirmée en appel six mois plus tard. Les deux procès avaient pourtant été l’occasion de démontrer que les journalistes n’avaient jamais entretenu le moindre lien avec les rebelles et qu’ils avaient simplement fait leur travail en allant couvrir sur le terrain un sujet d’actualité incontournable.
La libération espérée depuis la disparition du président Pierre Nkurunziza le 8 juin 2020 et la prise de fonction quelques jours plus tard de son successeur Évariste Ndayishimiye n’a pas eu lieu. Les journalistes ont “le moral en berne” témoigne Antoine Kaburahe, leur directeur de publication qui vit en exil depuis les menaces qu’il a subies en marge de la crise traversée par le pays en 2015.
“Les journalistes ayant décidé de ne pas saisir la Cour Suprême après leur condamnation en appel, ils sont éligibles à une grâce présidentielle que nous demandons au président burundais récemment élu, déclare le responsable du bureau Afrique de RSF, Arnaud Froger. La libération de ces reporters qui n’ont absolument rien à se reprocher enverrait un message d’apaisement à l’endroit des médias et journalistes qui ont fait l’objet d’une répression très intense depuis la crise de 2015 dans ce pays. Leur maintien en détention reviendrait à assumer qu’on peut être emprisonné pour le simple fait de vouloir informer. Après cinq longues années de prédation de l'information, la poursuite de cette politique enverrait un signal terrible aux journalistes burundais qui tentent encore courageusement d’exercer leur métier.”
Depuis 2015, plusieurs radios ont été réduites en cendres et plusieurs dizaines de journalistes ont été contraints de s’exiler. Sur place, rares sont les journalistes et les médias qui osent encore exercer leur métier de manière libre et indépendante. Ceux qui adoptent cette ligne s’exposent régulièrement à la censure, aux menaces, aux intimidations et aux exactions. Pendant la campagne pour l’élection présidentielle de 2020, un député du parti au pouvoir avait menacé “d’écraser la tête” des journalistes d’Iwacu à la suite d’un article qui lui avait déplu. Le porte-parole du président les avait également qualifiés de “virus”. En plus de ces quatre journalistes arbitrairement emprisonnés, Iwacu a aussi perdu l’un de ses reporters les plus aguerris. Jean Bigirimana est porté disparu depuis près de quatre ans. Selon plusieurs témoins, il avait été aperçu aux mains des services de renseignements le jour de sa disparition le 22 juillet 2016.
La pétition #FreeIwacu lancée par RSF pour demander la libération des journalistes burundais incarcérés a recueilli plus de 7000 signatures.
Le Burundi occupe la 160e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2020.
Article publié le jeudi 22 octobre 2020