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Sri Lanka : un photojournaliste malmené par un commissaire de police symbole des “années noires” pour les reporters | RSF
“Pourquoi tu me prends en photo ? Et qui es-tu pour faire ça ?” Alors qu’il couvrait un procès à l’extérieur de la Haute Cour de Colombo, le photojournaliste Akila Jayawardane a été violemment pris à partie, vendredi 10 juillet, par un commissaire de police, Neomal Rangajeewa, lequel a menacé le reporter et l’a traîné jusqu’au poste de police le plus proche, bien que ce dernier ait plusieurs fois montré sa carte de presse. Le policier a ensuite effacé toutes les photos du journaliste qui travaille pour le quotidien Ceylon today et l’hebdomadaire Mawbima.Ces violences ont choqué une large partie de la communauté des journalistes sri-lankais, la proximité de Neomal Rangajeewa avec l’actuel président de la République Gotabaya Rajapaksa faisant craindre qu’il jouisse d’une certaine impunité. Surnommé “Terminator”, ce dernier est considéré, de sinistre mémoire, comme le chef du “gang des camionnettes blanches”, en référence aux véhicules dans lesquels au moins 14 journalistes ont été enlevés pour être exécutés entre 2005 et 2015.
“Le comportement du commissaire Neomal Rangajeewall à l’encontre du photoreporter Akila Jayawardane est absolument intolérable, déclare Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. Il témoigne du mépris insondable qu’ont pour la presse certains membres des forces de sécurité rattachées au clan du président Rajapaksa, symbole de la ‘décennie noire’ marquée par le meurtre de nombreux journalistes. Nous demandons au gouvernement sri-lankais de réprimer toute violence exercée par les autorités à l’encontre des reporters du pays.”
“Liste de Gota”
L’officier Neomal Rangajeewa était présent devant les prémisses du tribunal vendredi 10 juillet pour comparaître en tant que principal suspect responsable du massacre de la prison de Welikada, située dans la banlieue de la capitale.
Ce massacre, qui date de novembre 2012, a eu lieu lorsque des commandos des forces d’intervention spéciale, dirigées notamment par Neomal Rangajeewa, ont été dépêchés pour “réprimer des activités illégales” au sein de la prison. Prétextant une mutinerie, leur intervention a causé 27 morts et 43 blessés. Or on apprendra, sept ans plus tard, que la plupart des personnes abattues figuraient en réalité dans une "liste de Gota", du nom du président Gotabaya Rajapaksa, qui désignait les opposants dont il voulait se débarrasser une bonne fois pour toutes.
Le Sri Lanka occupe la 127e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2020.
Article publié le mercredi 15 juillet 2020