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Gabon : “la politique de sanctions systématiques des médias a créé un climat de défiance” selon RSF | RSF
“La Hache” a encore frappé. La Haute Autorité de la Communication (HAC) a décidé de suspendre Gabon Media Time, l’un des sites d'information les plus consultés du pays, pour trois mois à compter du 29 avril. Les responsables du média sont accusés de ne pas s’être présenté à une convocation dans le cadre d’une procédure pour diffamation pour laquelle l’organe de régulation avait été saisi. La plaignante, la secrétaire exécutive de l’Agence de régulation du transport ferroviaire, poursuit le journal pour des propos jugés “insultants, répugnants, nourris de mensonges et qui mettent à mal son intégrité”. En cause : un article publié en mars dernier, intitulé : ”Gabon : Karine Arissani ou la réprobatrice de fortune”.“Il n’est pas étonnant que les responsables des médias gabonais, lassés des suspensions arbitraires à répétition, ne se présentent même plus aux convocations d’un organe de régulation dont la politique de sanctions systématiques est en grande partie responsable de la chute du Gabon au Classement mondial de la liberté de la presse ces dernières années, estime Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. La multiplication des suspensions arbitraires ou disproportionnées a créé un climat de défiance. Deux ans après l’entrée en fonction de la HAC, le constat est sans appel : cette politique, qui n’a d’autre but que de mettre les médias indépendants et critiques au pas, est un échec. Une réforme en profondeur du régulateur est indispensable pour que les journalistes et médias gabonais puissent à nouveau travailler sans crainte de représailles.”
Ce n’est pas la première fois que Gabon Media Time est dans le viseur de la HAC. Le site avait écopé d’une suspension d’un mois en juillet dernier pour avoir critiqué dans un article la gestion financière de certaines institutions hospitalières du pays.
Au mois de mars, le site Gabonews.com, pionnier de la presse en ligne au Gabon, avait également été suspendu pour un mois par la HAC pour avoir diffusé une déclaration d’un opposant critiquant le pouvoir.
Face à ce constat, l’Organisation patronale des médias gabonais (OPAM) a également invité la HAC à engager un profond “ressaisissement” et à œuvrer pour une presse libre et indépendante, plutôt que de recourir systématiquement aux sanctions qui sont “bien souvent contestables ou injustifiées”.
Depuis la création de la HAC en février 2018, RSF a recensé une quinzaine de suspensions arbitraires de médias au Gabon. Ces sanctions font souvent suite à des articles critiques sur le président, son entourage, sur la gestion du pays ou même sur la HAC elle-même qui n’hésite pas à s’auto-saisir pour régler ses comptes avec la presse indépendante ou proche de l’opposition.
Cette politique explique notamment la chute de six places du Gabon au Classement mondial de la liberté de la presse 2020 que vient de publier RSF. Le pays occupe aujourd’hui la 121e place sur 180.
Article publié le vendredi 1 mai 2020