Assurément l’origine de cette lutte - qui représente depuis des lustres le rempart des féministes – est l’expression d'un immense besoin d’émancipation, un besoin fondamental de se libérer du joug du patriarcat, d'acquérir des espaces de liberté. Si on reconnaît au féminisme le mérite d’avoir porté ce débat sur la place publique, il est tout à fait clair que, du fait des différences culturelles, les avis divergent tant sur la perception du combat des femmes que sur les priorités exprimées par les militantes.
Par contre, là où toutes les femmes du monde agissent collégialement, unissent leurs forces et démontrent leur solidarité, c’est concernant la lutte contre les discriminations. Il y a un accord de principe : aux quatre coins du globe, la détermination de tordre le cou aux injustices revient souvent comme un leitmotiv.
Mais, bien que la cause des femmes soit devenue une référence incontournable, malgré les mesures incitatives visant à encourager la participation des femmes, il reste du chemin à parcourir avant que intentions affichées deviennent des réalités tangibles.
Cela étant, les différentes revendications trouvent tout de même une résonance générale ; du moins théoriquement parlant. Mieux encore, des personnes de sexe masculin s’associent aux femmes pour réfléchir ensemble sur cette problématique qui relève d’abord et avant tout des droits humains.
C’est dans cette optique que se positionne Cikuru Batumike, qui a publié récemment l’ouvrage Femmes du Congo-Kinshasa : Défi, acquis et visibilité de genre chez L’Harmattan. L’auteur apporte son grain de sel à ce débat qui demeure une question sensible, et ce, en dépit des progrès remarquables enregistrés en matière des droits des femmes.
L’égalité des sexes ? Qu'est-ce que cela signifie au juste ?
Cikuru Batumike s’est tourné vers les causes des dissimilitudes pour répondre à ces questions :
« L’égalité c’est l’analyse, la prise de conscience et la remise en question de certaines traditions dépassées (polygamie, mariage forcé et dot exagérée : des symboles de la chosification de la femme) qui ne jouent pas en faveur de rapports d’égalité entre les sexes. » (1)
Or, bien souvent, comme le démontre si bien Batumike, pour des raisons à la fois diverses et variées, les femmes doivent continuellement lutter âprement pour acquérir des droits, pour justifier que leurs intentions sont saines. Il n’est pas facile de faire changer la direction du vent !
L’ouvrage présente la lutte des femmes au Congo-Kinshasa à différentes périodes de l’histoire de ce pays ; comme leurs congénères dans le monde, elles réclament une justice sociale. C’est la pierre d'achoppement entre les militantes féministes et les réfractaires aux changements qui brandissent les coutumes comme des principes sacrés auxquels il faut absolument obéir.
Justement en ce qui concerne la recherche de la cette justice sociale, l’ouvrage évoque un point essentiel : « Cette justice dans les rapports c’est aussi la capacité des sociétés de bousculer certains tabous et supprimer des verrouillages socio-psychologiques contre productifs (la scolarisation des filles est limitée et les morales d’interdiction sont de mise, de nos jours, au Congo-Kinshasa). » (2)
La postface intitulée Dessine-moi une femme congolaise est un portrait abrégé de la condition des femmes au Congo-Kinshasa des années 1990-2000. Aussi le lecteur découvre les différents rôles qui ont été assignés aux Congolaises au fil du temps. Par exemple, autrefois elles étaient données en mariage pour consolider des relations entre des royaumes. A chaque période de l’histoire, les Femmes ont joué un rôle : si durant la période coloniale elles subirent des discriminations», la période des indépendances africaines a été celle de « l’illusion». Certes, l’accès à la formation suscita de l’espoir, pourtant, concrètement, les femmes ne pouvaient pas accéder à certaines professions. Actuellement les femmes au Congo-Kinshasa subissent les conséquences des crises politiques.
L’auteur survol plusieurs questions qui constituent les points essentiels des revendications féministes. Non seulement il encouragement fortement les femmes de passer des discours aux actions, mais surtout cette œuvre est également un appel lancé à la gente masculine.
En effet, Cikuru Batumike décortique dans les moindres détails et sur différents angles "Les sujets qui fâchent" :
« Cette égalité tant décriée devrait se justifier plus dans les faits que dans les discours. Cela nécessite une révolution des mentalités. La plus en vue reste l’action de la femme pour combattre l’idée selon laquelle elle n’a pas de destin personnel et qu’elle doit son existence à l’homme. Ou l’idée qu’elle est considérée garante du bien-être de son mari, responsable de tâches domestiques et de l’éducation des enfants. Or donc, certains rôles devraient être partagés avec son partenaire de vie, le mari, dans le cas de couple marié. Il s’agit de tâches domestiques et de l’éducation des enfants. Cela passe par le dialogue et la mise à jour d’une stratégie relationnelle, sorte de code de conduite pour entretenir des rapports équilibrés et justes. » (3)
Bref, cet ouvrage peut être considéré comme une contribution masculine au combat des femmes.
D’ailleurs, Cikuru Batumike dédie son œuvre aux femmes :
« A toutes les femmes de Bukavu, où qu’elles se trouvent, en reconnaissance de leurs difficiles parcours. Aux femmes congolaises qui ont la lourde tâche non seulement de défier l’histoire et le pouvoir des hommes, mais également de libérer la voie pour les générations futures. » (4)
En même temps, il s’agit d’un message conciliateur lancé à toutes les parties qui se livrent un combat sans merci, tant dans la sphère publique que dans sphère privée, concernant l’intégration de nouvelles pratiques fondées sur le genre Au fond, il est important de se départir des attitudes arrogantes et des préjugés réducteurs.
Tout en nous offrant un bel éventail de la condition féminine dans son pays, l’auteur insiste sur la nécessite d’intégrer connotation locale aux luttes féministes. En d’autres mots, le féminisme doit tenir compte des réalités de la société congolaise. Sur ce point, nous appuyons l’argumentaire de l’auteur : il faut absolument l’adapter aux enjeux locaux.
Pour finir, voici l’exhortation de l’auteur :
(…) un féminisme transversal à toutes les entités où la visibilité des femmes reste souhaitée, des entités qui intègrent la dimension femme pour sortir de la marginalité. Un féminisme appelé de tous les vœux grâce auquel elle ne sera plus obligée de jouer les rôles uniquement conformes aux normes sociales de la féminité.
Notes
1) Femmes du Congo-Kinshasa : Défi, acquis et visibilité de genre, p.90
2) Idem
3) Idem
4) p. 4
5) p. 91
De nationalité suisse, Cikuru Batumike est né à Bukavu (R.D. du Congo). Diplômé en relations publiques (Lausanne, Suisse) et en journalisme (Brunoy, France), il écrit pour le compte de diverses publications (suisse et française). Adhérent à la Société des Poètes Français, il est membre de l’Union de la Presse Francophone (UPF), Paris.
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