Par Ghislaine Sathoud
Après plusieurs années de communication virtuelle, j’ai enfin fait la connaissance de l’artiste peintre Rhode Makoumbou. Notre rencontre s’est passée le 15 avril à Montréal, ma ville de résidence, dans les locaux du Centre culturel chinois de Montréal, où elle est venue dans cadre d’une exposition. Nous étions donc en plein cœur du Quartier chinois.
En arrivant sur les lieux, l’exposition n’avait pas encore commencé. Jointe au téléphone, Espérancia Tchiss-Loe-Pembeth, l’organisatrice de l’événement, me confirma que l’activité avait bel et bien lieu avant de me passer la sculpteuse congolaise.
Alors, j’attendais patiemment, en compagnie de deux autres dames originaires de la République démocratique du Congo et du Tchad, des participantes à l’exposition. Elles sont membres d’une coopérative, Styl’Afrique, laquelle regroupe des individus entreprenants qui apportent, chacun à sa manière, leur contribution pour la valorisation de l’Afrique.
Nous avions longuement parlé du stress généré par les cruelles réalités du parcours migratoire, notamment le chômage et la non-reconnaissance des diplômes obtenus à l’étranger, des sujets incontournables lorsque des immigrants se retrouvent…
Une autre compatriote, Nona Matouala, habitante de Pointe-Noire comme moi, avec qui j’ai eu de fructueux échanges virtuels et téléphoniques se joignait à nous. Elle est fondatrice d’une association dénommée Les Enfants du Phare. J’ai étudié avec sa sœur aînée au collège Jean-Félix Tchicaya, un établissement d’enseignement situé dans la capitale économique du Congo-Brazzaville, notre pays.
Nona me bombarde régulièrement des courriels, je pressentais que c’est une femme pleine d’énergie. Mes soupçons se sont avérés exacts. Son mari arriva un peu plus tard. Pour discuter calmement nous avions décidé de nous offrir une « escapade culinaire ».
Des buffets de toutes sortes pullulent dans la Quartier chinois. Une amie de Nona, Nancy Poirier, notre conseillère pour la circonstance, venait de casser la croûte dans un restaurant et elle nous suggérait fortement d’y aller. Il fallait juste traverser la rue car le restaurant en question se trouve juste en face du lieu de l’exposition. C’est ainsi qu’on a pu voir arriver Rhode Makoumbou et Marc Somville, son manager et mari.
La causerie était très animée, le mari de Nona, qui vivait également à Pointe-Noire, me replongeais dans l’ambiance de la ville portuaire en demandant des précisions sur mon quartier. Après le repas, nous avions retraversé la rue, dans le sens inverse cette fois-ci, pour repartir voir l’exposition.
Dès mon apparition dans la salle, Rhode se dirigea vers moi avec un grand sourire. Notre accolade dura quelques instants lorsque je réalisais que son manager se tenait debout à nos côtés. Je me retournais vers lui pour me présenter. En s’adressant à l’artiste, il précisa que cela fait bien longtemps que j’ai un contact virtuel avec eux.
Pendant que le manager installait les statuettes, je discutais avec Rhode, de temps en temps Espérancia venait me parler, avec elle nous discutons souvent en Munukubuta, une des langues nationales du Congo-Brazzaville. Nostalgie du pays d’origine diraient certains. Peut-être…
À vrai dire, je pense que ce n’est pas tout à fait faux. Même si je constatais que mes échanges avec Espérencia faisaient réagir Rhode, signe qu’elle saisissait la teneur du message, je prenais quand même le soin de m’assurer que cette « déclinaison en ondes courtes » ne déstabilisait pas mon interlocutrice, sait-on jamais…
Alors je m’adressais à cette dernière « en Munukutuba » pour lui poser la question de savoir si elle comprenait la langue que nous parlions. Elle me rassura que nous étions sur la même longueur d’ondes, et la preuve était faite pendant la suite de notre conversation durant laquelle il y avait une alternance entre le français et le Munukutuba.
Toutefois, dès que les autres personnes présentes dans la salle s’approchaient de nous, nous changions de « séquences » pour nous mettre au même diapason. En tout cas, ces moments sont inoubliables.
Je m’approchais d’un petit garçon assis dans la salle, l’un des trois enfants d’Espérencia. Plus d’une fois j’ai déjà rencontré ce gosse en compagnie de sa mère. Crystal Racine, propriétaire de la Galerie du même nom, où une autre exposition de l’artiste peinte congolaise était prévue, occupait le môme en dessinant sur des feuilles…
J’ai également rencontré Cécile Ngo Holl, une écrivaine camerounaise, une enseignante retraitée qui profite de ses moments libres pour s’adonner à l’écriture.
La propriétaire du salon de coiffure « Chez Doris », une ancienne élève du collège Jean-Felix Tchicaya exposait des vêtements et d’autres articles. Elle me confia que les rencontres avec de « vieilles » connaissances procurent un certain apaisement, un bien-être psychologique.
Et les œuvres de Rhode Makoumbou dans tout ça ?
Elles sont impressionnantes ! Je les touchais, les contemplais et les retournais dans tous les sens, histoire de mieux les apprécier. J’ai aimé les couleurs et la minutie avec laquelle les détails sont travaillés. Par exemple, les coiffures des statuettes sont réalisées avec le plus grand soin.
Cette artiste aux multiples talents présente l’Afrique dans toute sa splendeur, il n’y a aucun doute là-dessus. Dans un environnement où les ressortissants de ce continent ne sont pas toujours appréciés à leur juste valeur, c’est important de montrer un autre pan des réalités africaines.
Quant à moi, mes tâches quotidiennes de mère immigrante me rattrapaient : les enfants étaient rentrés de l’école, il fallait rejoindre. C’est le cœur serré que je quittais cette ambiance agréable et divertissante.
Autre chose : je n’ai malheureusement pas pu participer au gala prévu le 16 avril.
Pour en savoir davantage sur Rhode Makoumbou : www.rhodemakoumbou.eu/
Article publié le dimanche 24 avril 2011