Notre préliminaire : En 2008, PlaneteAfrique a initié le thème de « La place de la femme dans les processus religieux » pour marque la Journée internationale de la femme. Nous avons recueilli le point de vue de Michèle Rokotoson.
Michèle Rakotoson
Ce titre renvoie à un concept qui a la vie dure: "La femme gardienne du foyer, gardienne de la tradition, celle qui éduque et transmet les valeurs." Et dans ce cadre, il est difficile de sortir les valeurs du carcan de la religion, car c'est celle-ci qui en est la garante. Car toutes les ambiguités sont présentes dans le concept et la mise en oeuvre du concept. Si on regarde de près la place de la femme dans la tradition orale à Madagascar, c'est le Dieu qui vit au Ciel, un homme donc, Andriananahary, qui crée la vie et les valeurs qui l'accompagne. La femme comme "Ranoro", la belle, est sa fille et fait en sorte que les hommes qui vivent sur terre, époux ou fils ne dérogent pas aux ordres et aux valeurs du Père Celeste. Il n'y a pas d'équivalent féminin de Dieu le Père, dans le Panthéon de la tradition malgache, au mieux, il y a l'épouse, comme Rasoabemanana qui a pu mettre un homme au monde, en passant par toute une série de cycles initiatiques, mais elle n'est pas l'égale de Dieu, elle est l'épouse de Dieu, et par surcroit une épouse qui au commencement était stérile et qui a dû se battre pour donner vie.
Ce concept profond dans l'inconscient collectif est omniprésent dans la littérature féminine malgache contemporaine. Je prends deux exemples: celui de Lucie Razafintsalama Rabenjamina et Clarisse Ratsifandriamanana, toutes deux nées dans les années 1920 : la première ayant écrit des livres pour enfants et la deuxième des romans majeurs en malgache.
Dans les livres pour enfants qu'a écrit Lucie Rabenjamina, on voit de manière très forte l'influence de la religion chrétienne et notamment l'idée force du martyr de la femme (veuve, jamais célibataire ou parent unique) et qui souffre terriblement de l'absence du Père. Pour survivre, elle a le secours de la religion.
Plus militants, voire combattants, sont les romans de Clarisse Ratsifandriamanana, qui dès 1966 écrit un roman ("ny zanako, mon enfant") mettant en scène une jeune femme mère-célibataire, ses malheurs et sa révolte, révolte contre le statut attribué aux femmes que l'on voit sous-jacent dans toute l'oeuvre de cet écrivain. Mais Dieu le Père est toujours présent et même les révoltes se font sous son regard protecteur.
La première qui pose la révolte de la femme contre Dieu le Père est sans doute Charlotte Rafenomanjato, (née en 1936) dans son roman "Pétale Ecarlate", publié en 1990 et republié sous le titre Felana, aux éditions Cavalier bleu, à Paris. La thèse de l'auteur est celle-ci: A chaque être est réservé par Dieu le Père un Vintana, un destin, qui n'est pas une fatalité, mais une potentialité. Félana, née sous un destin terrible et soumise à une Volonté Supérieure, veut vaincre les obstacles. Elle ne se soumet pas pieds et poings liés aux diktats d'une existence fixée une fois pour toutes et essaie de développer toutes ses potentialités et se construire autre.
C'est peut-être, sans jamais le nommer, le premier ouvrage féminin qui réfute le respect dû par les femmes à un Dieu patriarche et aux valeurs que celui-ci impose. Mais il faut noter que les livres de Charlotte Rafenomanjato sont écrits en français, qui est une langue de travail et non la langue maternelle. La question se pose de savoir si l'auteur aurait pu dire sa révolte en malgache, qui est aussi notre langue de religion, notre langue "sacrée".
Personnellement, quoique étant profondément loin de toute religion, en tant qu'écrivain, même si dans deux oeuvres que je considère majeures dans ma production; "Henoy " et "Lalana", les héros vivent dans un univers où Dieu est absent, je n'aurais pu le faire, il y a des révoltes contre des interdits que je ne peux dire en malgache. Certes, dans Lalana, je prends Dieu à partie. Mais mon héros est u
Article publié le vendredi 7 mars 2008