« A cette époque, l’Islam était à ses débuts dans notre pays, les populations étaient animistes et étaient souvent confondus avec les fétichistes malgré le fait qu’elles ne considéraient pas tel arbre ou tel endroit comme une divinité. Il y avait deux sortes d’animismes dans notre Sahel : le Sahel du nord et le Sahel du sud.
Au sud du Burkina Faso, du Benin, du Mali, de la Guinée ou encore du Sénégal on trouve surtout des masques sur lesquels étaient basé le rituel religieux, ceci est par exemple très connu chez les dogons. Par contre au nord, il n’y avait pas de masque. Les divinités s’incarnaient sur les personnes, on parlait alors de possession. Par exemple au Niger il y avait le hollèye, le haouka et le bori.
Le hollèye était basé sur une cosmogonie songaï-zarma avec des divinités ancestrales dénommées les tôrou : Dandou Oufama, Zâbéri, Harakoye, Kireye, Moussa Niaouri, Manda Haoussakoye, Dongo et Farambarou Koda. A côté de ces divinités il y avait les gandji kouareye et les gandji bi.
Dans la culture ancienne zarma-sonraï il est dit qu’avant, les génies ne s’incarnaient pas dans les hommes, ils parlaient directement au prêtre qui s’occupait de la communication entre eux et les hommes.
Dans la culture haoussa, chez les kourfayawa, les arawa, les adrawa, les gobirawa et les katsinawa, il y avait des génies femelles appelés dogouwa. Chaque famille avait son génie. C’était également le prêtre familial ou du village qui servait d’intermédiaire entre les génies et les hommes. Dans la région de Maradi, de culture haoussa, les dogouwa étaient connues sous le nom d’Inna.
Bien plus tard les génies ont commencé à s’incarner à travers les hommes et des phénomènes de possessions ont commencé à être observés.
Chaque zone avait son panthéon (ensemble de divinités) qui coïncidait plus ou moins avec les panthéons des autres zones tels que l’aréwa et l’ader car chaque zone avait sa particularité, qu’elle soit climatique, sociale ou autre.
Avec la colonisation où des gens ont été massacrée et battus d’autres divinités sont arrivées. C’étaient des divinités qui représentaient l’occupation coloniale et sa violence appelées haouka. Les haouka ont été introduit dans le panthéon par les dogouwa qui les considéraient comme « leurs étrangers ». C’est grâce aux dogouwa qu’ils ont été acceptés par les anciennes divinités. C’est ainsi que les haouka ont intégré les deux mondes à savoir le monde des zarma-sonraï et celui des haoussas, Fillingué étant le lieu de contact entre les deux cultures.
C’était au génie de choisir son cheval c'est-à-dire la personne qu’il voulait posséder, mais le cheval (la personne), lui, ne pouvait choisir son génie. Lorsque la possession se manifestait le possédé perdait son état normal. Il y avait aussi des formules adaptées que les gens récitaient pour que ces génies se manifestent afin de résoudre un problème familial ou villageois. On organisait alors une danse de possession qui réunissait les possédés et ensuite on faisait appel aux génies auxquels on voulait faire recours. La possession pouvait également se manifester lorsque le possédé était en danger ou quand il était effrayé, le génie lui apportait alors son secours. Par exemple dans les régions de l’Aréwa, de Kourfeye et de l’Ader les gens prenaient des engagements auprès des génies contre leur protection.
A l’arrivée de l’Islam, beaucoup de divinités sont parties pour laisser place à la nouvelle religion mais la croyance à certaines divinités anciennes et leur influence n’a pas totalement disparu, que ce soit chez les marabouts, chez les zima ou boka (féticheurs). Dans les sociétés anciennes zarma-sonraï et haoussa, personne n’osait jurer au nom d’un génie sur un mensonge. Si quelqu’un mentait et qu’il jurait au nom de ces génies, son compte serait réglé sur le champ. Mais aujourd’hui avec l’arrivée de la nouvelle religion tout le monde retrouve ou semble retrouver la liberté. Ils mentent, ils font ce qu’ils veulent et pourtant l’Islam condamne le mensonge et bien d’autres.
Entretien réalisé par Walter Issaka (FofoMag.com)
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