Sathoud Ghislaine : Les femmes du Sahel
et la journee internationale de la femme Le 8
mars 1977 plusieurs pays futaient la Journee internationale de la femme
en se référant à une résolution des Nations Unies qui demandait
d'accorder une place de choix aux droits des femmes. Journée
extraordinaire qui permettait de dresser le bilan des progrès accomplis
en vue de promouvoir l'égalité des femmes. C'était aussi l'occasion
d'identifier les difficultés que les femmes devaient surmonter dans la
société, d'examiner les moyens à prendre pour améliorer la condition
féminine et de célébrer les gains. C'est dans ce même esprit que fut
inaugurée la 49eme session de la Commission de la condition de la femme
qui se déroule à New York du 28 février au 11mars 2005. Cette année, la
Commission se penche sur deux thèmes prioritaires : (1) l'examen de
l'application du programme d'action de Beijing et de la suite donnée aux
textes issus de la 23eme session extraordinaire de l'assemblée générale;
(2) les problèmes actuels et stratégies prospectives pour la promotion
et l'autonomisation des femmes et des filles.
Dès 'ouverture de la réunion, le secrétaire général des Nations-Unies,
Koffi Annan, a tenu à rappeler que " la promotion de l'égalité des sexes
est de la responsabilité non seulement des femmes, mais de chacun de
nous". Le ton était donné pour rappeler que la cause des femmes ne
concernent plus seulement les femmes, mais éégalement les hommes.
Bien que de nombreux progrès aient été accomplis, Rachel Mayanja,
conseillère spéciale du secrétaire général pour la parité et la
promotion de la femme, faisait le constat suivant. " Il reste encore
beaucoup à faire pour mettre en pratique le Programme d'action, en
particulier pour ce qui est de réduire la pauvreté, d'améliorer la
santé, d'offrir des possibilités de promotion économique et politique et
de réduire les violations des droits de l'homme. "
Beijing + 10 : quels sont les progrès ? La conférence de Beijing en 1995 annonçait que la question des femmes
était un axe prioritaire du développement, mais qu'en est-il dix ans
après? A cet effet, le secrétaire général des Nations-Unies s'est montré
encourageant en précisant que :" dix ans après la conférence de
Beijing, les femmes ne sont pas seulement plus conscientes de leurs
droits, elles sont également plus aptes à les exercer " rappelant
également que : " au cours de cette décennie, nous avons enregistré des
progrès tangibles sur plusieurs fronts " notamment, une amélioration des
taux d'espérance de vie et de fécondité.
Les femmes du Sahel
Conscientes de la dette historique envers celles qui se sont soulevées
pour permettre à toutes les femmes de gagner leurs droits, les femmes du
Sahel également ne sont pas restées pas en dehors des grands défis sur
la condition de la femme. C'est à juste titre que les efforts des femmes
entrepreneures au Sahel ont été loués en ces termes :
Les femmes sahéliennes, comme celles des autres pays du monde, ont
toujours contribué à l'économie de leurs pays qu'il s'agisse des
économies marchandes ou non marchandes, formelles ou informelles. Très
souvent on plaint le sort des femmes doublement exploitées tant par
rapport au contexte économique mondial qui prévaut qu'àleur milieu
culturel d'origine tout en ignorant cependant l'existence d'un rél
potentiel entreprenarial non négligeable, mais inexploité. (1)
Mais un des combats les plus urgent pour l'émancipation des femmes (dont
la lutte contre toutes formes de discrimination) est celui du droit à
l'éducation. En ce sens, le message du Secrétaire général des
Nations-Unis à l'ouverture de la 49eme session, donne de l'espoir. Il a
souligné que : " davantage de filles bénéficient d'un enseignement à
l'école primaire, tandis que les femmes sont plus nombreuses que jamais
à gagner un revenu. "
Partout dans le monde, des femmes contestent les valeurs archaïques qui
les étouffent, contribuant ainsi par leur combat pour l'égalité des
droits à l'avènement de sociétés libres et démocratiques. Et les progrès
des femmes du Sahel en sont un vibrant témoignage.
En tant qu'actrices sociales engagées dans des pratiques, les femmes
sahéliennes ont toutes une compétence de base qui leur permet d'agir et
d'interagir efficacement adéquatement dans leur monde quotidien; à cette
compétence s'ajoutent de multiples savoirs spécialisés qui sont adaptés
à leur contexte de vie et qui sont liés à leurs pratiques et à leur
position dans la société. (2)
Menant leur combat sur plusieurs fronts, les Sahéliennes s'impliquent
à
présent dans les grands dossiers, comme la protection de
l'environnement. C'est ainsi qu'elles se sont engagées dans la lutte
contre la désertification.
Pour lutter contre la désertification, le Sahel a besoin de toutes ses
forces, masculines et féminines. Elles et eux ont déà montré, ici et
là, ce dont ils sont capables, ensemble, pour sauver leur terroir
menacé. Le danger a parfois suscité des solidarités nouvelles en faisant
éclater les traditionnelles divisions du travail et de partage des
responsabilités. La lutte contre la désertification, si elle est bien
conduite, peut-étre une occasion exceptionnelle pour les femmes du Sahel
d'accéder à une véritable promotion sociale, économique et politique.
Car la désertification est un bouleversement. Sa dynamique, actuellement
négative et destructrice, est porteuse de changements radicaux dans le
domaine socio-économique. Ces mutations peuvent être mises à profit pour
construire une société différente, où les femmes auront davantage de
responsabilités- si toutefois on intervient avant que le milieu ne soit
irrémédiablement détruit et vidé de ses habitants. C'est l'espoir
unanime des femmes impliquées dans le combat contre la désertification.
Pour l'avenir de la sous-région, il ne peut, ni ne doit être trahi. (3)
Un besoin impérieux de se rassembler
Etant donné que la conjoncture mondiale sur la condition de la femme
favorise les regroupements pour essayer de trouver des solutions aux
difficultés des femmes, les femmes du Sahel ont réalisé que C'est
l'union qui donne la force et permet de réaliser des réussites.
Tous les pays sahéliens ont vu naitre leurs associations de femmes au
cours des deux dernières décennies. La reconnaissance de ce droit
fondamental est essentielle, car elle est le préalable à toute
participation des femmes à la vie politique, économique, sociale et
culturelle de leur pays. Elle est aussi conforme aux structures
traditionnelles : groupements par classes d'âge, confréries, tontines
Alors que les tentatives individuelles sont vouées à l'échec, ces
associations permettent aux femmes de défendre leur cause et de mettre
en oeuvre des projets spécifiques. Elles leur donnent aussi une audience
internationale, à travers les congrès et conférences. Elles prennent le
plus souvent la forme de structure unique, regroupant toutes les femmes
du pays. Elles représentent alors un énorme moyen de mobilisation des
masses féminines, qui n'est pas sans susciter les convoitises
politiques. Cependant, d'autres types d'organisation peuvent coexister,
comme les groupements féminins ou les coopératives. (4)
Bien évidemment, cette formidable mobilisation ajoute un nouveau souffle
et une volonté nouvelle de relever d'autres défis.
Une fois rassemblées et reconnues, les femmes d'un groupement souhaitent
entreprendre des activités nouvelles qui auront entre autres pour but
d'alimenter une caisse commune qui sera soit redistribuée
individuellement, soit gardée pour un gros investissement collectif :
avance pour le moulin, matériel agricole, achat de terrain, etc.
Services, projets et actions interviennent de préférence auprès des
groupements. En appauvrissant les familles et les femmes, la
désertification a créé des demandes et suscité des initiatives. (5)
Et C'est bien ce que confirmait Koffi Annan, lors de l'ouverture de la
Commission de la condition de la femme : " Nous avons appris que les
défis des femmes ne sont pas des problèmes sans solution. " En effet, au
fil des luttes qu'elles ont menées, les femmes de par le monde ont
compris l'extraordinaire pouvoir du regroupement et de la solidarité.
Les femmes du Sahel l'expérimentent de nos jours et les résultats nous
permettent de nourrir les plus grands espoirs.
Un peu partout dans le Sahel, les femmes ont compris que le groupement
était la planche de salut pour se faire reconnaitre et recevoir des
appuis pour la création de nouvelles activités, pour la formation, pour
la satisfaction de revendications comme le moulin ou le puits. Il rompt
l'isolement, l'ignorance et parfois la mêsentente des femmes. (6)
La situation de la femme dans le monde a beaucoup évolué, on ne le dira
jamais assez. Mais il faut toutefois souligner que de nouveaux défis
sont également apparus, à savoir le trafic des femmes et des enfants, la
progression terrifiante du VIH/sida chez les femmes, en particulier les
jeunes femmes, qui fait des ravages effrayants en Afrique. A ces défis,
les femmes du Sahel y font face également, mais avec une détermination
renforcée par les gains encourageants. Elles continuent de lutter
quotidiennement contre la désertification et se regroupent pour trouver
des solutions communes et durables aux problèmes des femmes. Il faut
donc louer les efforts de ces femmes qui s'impliquent et prennent place
aux grandes questions sur la condition de la femme. Dans le cadre de la
Journée internationale de la femme, on ne peut que féliciter les efforts
de ces femmes remarquables, les Sahéliennes.
Alors que l'ONU s'apprête
à faire le bilan de la situation des femmes
dans le monde, 'ai été honorée de participer au rendez-vous de Planète
Afrique autour de la Journee internationale de la Femme sur le thème de
la femme du Sahel. Et n'oublions pas que la liberté accordée aux femmes
est le meilleur baromètre de la réalité démocratique d'une nation.
Références : (1) Lucie Ouedraogo et Rebecca Lent : Les femmes entrepreneures au
Sahel, Série Notes et travaux n 25, février 1993, PX (2) Florence Pieon, Félicité Ringtoumba : Les savoirs des femmes du
Sahel : vers une revalorisation des compétences locales. Série Dossiers
n 23, aout 1991, Groupe de recherche femmes-Sahel, Centre Sahel de
l'université Laval, p.55 (3) Marie Monimart, Femmes du Sahel, la désertification au quotidien,
Karthala, 1989, p12 (4) Ibid. p. 219 (5) Ibid. p. 55 (6) Ibid. p. 55
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