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Ghislaine Sathoud
a répondu à la question : "Quelle(s) symbolique(s) rattachez-vous à la Journée Internationale de la Femme ?"

"Tout a "réellement" commencé en 1988 avec la publication d'un recueil de poème. J'avais 18 ans à l'époque, c'est d'ailleurs pour cette raison que ce recueil s'intitule "Poèmes de ma jeunesse"

Ghislaine Sathoud :

La commémoration de la journée internationale de la femme.


En 1977, une résolution des Nations Unies demandait au pays de célébrer avec plus de faste les droits des femmes et la paix internationale en y consacrant une journée pour ses festivités. Mais pourquoi et comment cette initiative est-elle née? Pourquoi cette date est-elle devenue la journée internationale de la femme? D’où vient cette tradition? Plusieurs hypothèses ont entouré le choix de cette date. L’origine de la journée internationale de la femme a fait couler beaucoup d’encre. Loin de vouloir s’attarder sur les divergences au sujet de l’origine de la journée internationale de la femme, il serait bon de rappeler certains grands événements qui sont reliés à cette date.

Selon certains, les grèves ouvrières des travailleuses du textile du 8 mars 1857(1) seraient à l’origine de cette journée. Selon d’autres, c’est plutôt dans le Woman’s Day du 28 février 1909, organisé en faveur du droit de vote que la journée internationale de la femme puise ses racines. En effet, Clara Zetkin*, leader socialiste allemande, lors de la deuxième conférence des femmes socialistes tenue à Copenhague en 1910, aurait émis l’idée d’une journée internationale de la femme en se référant au Woman’s Day. Suite à l’adoption de cette résolution par les déléguées de 17 pays présents à cette conférence, la concrétisation de la proposition s’est faite le 19 mars 1911, avec la célébration de la première journée internationale de la femme en Autriche, au Danemark, en Allemagne et en Suisse.

Quelle que soit l’origine de cette commémoration, retenons simplement qu’elle a pour objectif de fêter les droits des femmes. Dans la société actuelle, cette journée est à mon sens l’occasion de louer les pionnières de la lutte de l’émancipation de la femme, de se réjouir de nombreux acquis des femmes et de continuer aussi la lutte. C’est par l’union à l’intérieur de groupes et d’associations que les femmes du monde entier ont commencé à faire reculer les discriminations et les violences dont elles étaient victimes. Les différentes initiatives de l’ONU en leur faveur ont permis aux femmes du monde entier de faire de grands pas, entraînant dans leur sillage la naissance de nombreuses organisations et initiatives de toutes sortes. Mais la prise en compte officielle de la journée internationale des femmes par l’ONU s’est-elle traduite par des résultats concrets?

On peut dire qu’aujourd’hui de nombreuses organisations ont adhéré au discours féministe. Faute d’espace, nous ne rappellerons ici que quelques jalons du rôle important joué par l’ONU dans la reconnaissance de la problématique des femmes. En 1970, l’assemblée générale des Nations Unies adoptait une résolution portant sur une action internationale pour l’avancement des femmes. Ainsi, l’ONU décrétait les années 1975 à 1985, première décennie des femmes. La première conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes a eu lieu en 1975 à Mexico, dans le cadre de l’année internationale de la femme. Et dans le cadre de l’année mondiale de la population, en 1994, l’ONU organisait au Caire un forum international sur le rôle des femmes dans la population et le développement concerté. C’est donc par l’union que les femmes du monde entier ont réussi à obtenir des lois internationales qui tiennent compte de l’intégration des rapports de genre. Et c’est toujours par l’union qu’elles ont constitué une force et réussi à mobiliser différents intervenants pour discuter des avenues à suivre dans la longue marche pour l’amélioration de leurs conditions de vie.
La journée internationale de la femme est la journée de la solidarité de toutes les femmes de la planète.

Le moins que l’on puisse dire c’est que la journée internationale de la femme est devenue le symbole de l’obtention des droits des femmes. Le symbole d’une union dans le combat unique pour l’émancipation de la femme. Une union où cohabitent, inter-réagissent et s’entrechoquent des cultures différentes. Malgré les divergences culturelles, ces femmes mènent un combat commun, celui de l’amélioration de leurs conditions de vie et du droit à la dignité humaine. Et ces divergences, loin de constituer un obstacle sur la route de l’émancipation féminine, au contraire, rassemblent. C’est une journée de commémoration pour se rappeler que les femmes ont fait de nombreux progrès et que la condition des femmes est meilleure qu’il y a plusieurs années. Les manifestations lors de cette journée donnent des informations sur les droits acquis au fil des ans, le chemin parcouru. On peut constater que les femmes, où qu’elles soient, luttent avec ferveur pour obtenir l’élargissement de ces droits.

La journée internationale de la femme est un merveilleux exemple de communion entre les femmes du monde entier. Une union qui va bien au-delà des diversités culturelles.

Concernant l’union des femmes dans le combat pour l’émancipation, Toni Seager affirmait dans son ouvrage :

« Le monde des femmes est fait de points communs et de différences. Les points communs sont nombreux : partout les femmes sont chargées de mettre au monde et d’élever des enfants, de constituer et d’entretenir des familles, elles sont également responsables de la contraception. Partout les femmes sont confrontées à des rôles aux exigences contraires. Riches ou pauvres, nous avons les mêmes préoccupations concernant la santé, nous sommes vulnérables à la violence, à la pornographie, à l’exploitation de notre sexualité par les médias. »(2)

Soulignons que l’Organisation des Nations Unies a joué un rôle de leader dans la promotion de la condition féminine. En 1970, l’assemblée générale de l’ONU adoptait une résolution portant sur une action internationale pour l’avancement des femmes. Lors de plusieurs conférences mondiales, l’ONU a poursuivi son engagement pour la cause des femmes. La prise de position onusienne n’a pas tardé à avoir des répercussions. De nombreuses organisations à travers le monde ont emboîté le pas sans hésitation et se sont mises à accorder une place importante à la question des femmes. L’idée principale était de s’unir et d’échanger sur les conditions souvent misérables des femmes. Ne dit-on pas que l’union fait la force? En se serrant les coudes, les femmes du monde entier constituer une force extraordinaire et efficace.

Comment concilier les objectifs de l’émancipation des femmes dans le monde avec les différentes réalités des ces dernières? Comment, par exemple, une Congolaise et une Canadienne peuvent-elles partager, dialoguer dans ce « combat commun »? Comment la Française et la Chinoise peuvent-elles se mettre au même diapason, faire fi des particularités individuelles, pour se retrouver côte à côte et parler d’une même voix? Comment trouver un consensus à partir de cette « alliance » même si les unes et les autres ne connaissent pas nécessairement les mêmes problèmes? Est-ce une chimère que de penser à un dialogue commun? Comment peut-on transcender les décalages culturels?

Une chose est certaine, on peut constater qu’indépendamment des origines, les femmes vivent des problèmes communs. Et même si ces problèmes connaissent des divergences, on constate que sur de nombreux points le combat des femmes est semblable. Le moins que l’on puisse dire est que la question des femmes se pose avec acuité. Dans tous les pays du monde, industrialisés comme en voie de développement, des voix s’élèvent pour dénoncer les injustices dont les femmes sont victimes. Quoiqu’il faille reconnaître que la condition des femmes est très hétérogène dans le monde, néanmoins, toutes ensemble, elles parviennent à trouver des points communs pour améliorer leurs conditions de vie.

Les femmes ont obtenu de nombreux acquis. En ce qui concerne le droit de vote par exemple, en France ce n’est qu’à partir de 1944 que les femmes ont pu participer au choix de leurs dirigeants politiques. En Belgique, c’est à partir de 1948, au Canada en 1950. Le Congo-Brazzaville octroyait le droit de vote aux femmes en 1963, en Côte-d'Ivoire en 1952, au Bénin en 1956, en Suisse en 1971 et enfin au Cameroun en1946.(3)

Au moment où elles obtenaient le droit de vote, les femmes ont acquis aussi celui de se présenter aux élections. Le nombre des femmes parlementaires est encore relativement faible partout dans le monde, mais les progrès se font sentir. Ainsi en 1999, le rapport mondial sur le développement humain du PNUD donnait les chiffres suivants sur la représentation des femmes au pouvoir politique: France:9.1 %, Burkina Faso:10.5 %, Laos:21.2 %, Congo-Brazzaville:12%, Gabon:9.6%, Madagascar:8%, Tunisie:7.4%, Lituanie:17.5 %, Rwanda:17.1 %, Vietnam:26.2 %, les Seychelles:23.5 %, le Canada: 23.3 % et enfin la Belgique avec 15.8% .

Effectivement, les actions menées par les femmes dans le monde, les rencontres organisées et les échanges sont autant d’éléments qui encouragent les unes et les autres à ne pas baisser les bras et à persévérer sur le chemin de l’amélioration de leurs conditions de vie. Les différences entre ces femmes apparaissent ainsi comme des éléments positifs contribuant à l’avancement de la cause commune. Il faut rappeler qu’au-delà des étiquettes, peu importe que l’on soit homme ou femme, peu importe nos origines, ce sont tous les humains qui doivent travailler ensemble à bâtir un monde meilleur. En effet, Gisèle Halimi, d’origine tunisienne, avocate, écrivain, ancienne ambassadrice de France à l’UNESCO et conseillère spéciale de la France à l’ONU, l’affirmait éloquemment :

« La femme n’est pas une catégorie, pas plus que l’homme n’en est une. La femme est une moitié et, à l’intérieur de ces deux moitiés de l’humanité, il y a toutes les catégories, les jeunes, les immigrés, les vieux, les handicapés, etc. Ce qui compte, par conséquent, c’est de faire en sorte que la différence fondamentale entre ces deux moitiés, au lieu d’être une source d’infériorisation et d’une identité réductrice, soit au contraire une source d’enrichissement des hommes et des femmes. » (4)

Le 11 juillet 2003, au cours du second sommet de l’Union africaine à Maputo au Mozambique, les femmes africaines ont obtenu une grande victoire. En effet l’Union africaine, dans le but d’adopter des politiques sur la question de genre, a adopté le protocole relatif aux droits des femmes africaines. Notons que ce protocole s'insurge contre les atteintes à l'intégrité des femmes et exige l'élimination de toute forme de discrimination et de violence à l'égard des femmes. Il recommande également la mise en place d'une politique d'égalité entre hommes et femmes. Il va sans dire que c’est un instrument pour mener à bien le combat pour l’intégration des femmes africaines dans les décisions politiques et sociales. Il s’agit là d’un véritable outil pour lutter contre la discrimination et les violences dont elles sont victimes. Soulignons qu’en Afrique, on assiste encore de nos jours, à une coexistence du droit coutumier et du droit civil. Ce dualisme n’est pas sans conséquence sur l’émancipation de la femme. Les coutumes ne favorisent généralement pas la femme et ignorent ses « intérêts ».

Malgré ces instruments juridiques, la réalité est bien différente des textes. Le droit coutumier prend vite le devant sur le droit civil pour justifier certains sévices. Pour illustrer ces contradictions entre le droit coutumier et les instruments en faveur de l’émancipation de la femme, il suffit de constater le triste sort des veuves en Afrique. En 1999, Ida Rachel Ivouba(5) correspondante de l’Agence panafricaine de l’information (PANA) écrivait un article sur les sévices dont sont victimes les veuves au Congo-Brazzaville. Les veuves sont l’objet de toutes sortes de violences de la part de la belle-famille. Elles subissent des atrocités qui sont de véritables atteintes aux droits et libertés fondamentales de la personne. Pourtant, comme le rappelait madame Ivouba, l’article 800 du Code de la famille stipule que « les rites coutumiers sont volontaires et ne peuvent être imposés au veuf ou à la veuve ». Malgré cet article du code de la famille en faveur des femmes, la belle-famille n’hésite pas de brandire le droit coutumier pour justifier le mauvais traitement qu’elle fait subir à la veuve. L’Union africaine s’est également penchée sur la question des veuves. Selon l’article 20 du protocole relatif aux droits des femmes africaines consacré aux droits de la veuve :

« Les États prennent les mesures légales appropriées pour s'assurer que la veuve jouisse de tous les droits humains, par la mise en œuvre des dispositions suivantes: a) la veuve n'est soumise à aucun traitement inhumain, humiliant ou dégradant; b) après le décès du mari, la veuve devient d'office la tutrice de ses enfants, sauf si cela est contraire aux intérêts et au bien-être de ces derniers, c) la veuve a le droit de se remarier à l'homme de son choix ». (6)

Mais toutes ces mesures réussiront-elles à libérer les veuves des griffes de la belle-famille qui les ignore d’office volontairement au nom du droit coutumier?

Le 8 mars, c’est la célébration des acquis des femmes dans le monde mais aussi l’occasion de redéfinir les actions futures pour mieux défendre leurs droits. Le 8 mars, c’est finalement une lutte de tous les jours. La journée internationale de la femme n’est pas une lutte d’un seul jour. C’est au quotidien que les femmes doivent préserver leurs acquis et lutter pour l’obtention d’autres droits. La journée internationale de la femme est une occasion de réjouissance mais aussi une occasion de faire le plein d’énergie pour se lancer dans des luttes à venir. Malgré les acquis et des avancées indéniables, la lutte des femmes est loin d'être achevée. Il y a encore beaucoup de chemin à faire. Certaines âpres revendications des femmes restent encore, hélas, lettres mortes. Quand on fait une rétrospective sur les avancées des droits de la femme, beaucoup de choses ont effectivement changé. C'est certain que la condition des femmes a beaucoup évolué, on ne peut nier les progrès notables. Mais aujourd’hui, en 2004, les femmes sont toujours victimes de plusieurs maux et injustices. On parle encore de féminisation de la pauvreté, de discriminations salariales pour ne citer que de ces problèmes. Bien que le débat sur les femmes occupe une place importante sur le plan international, il reste encore beaucoup à faire. Il va sans dire que les femmes mènent un combat aux multiples facettes. Les nombreux acquis sont menacés et souvent étouffés par certains sévices qui perdurent et constituent des obstacles sur le chemin de l’émancipation des femmes. Partout dans le monde, les femmes obtiennent des gains et dénoncent encore ce qui semble immuable. Elles continuent de se battrent vaillamment et semblent plus déterminées que jamais à poursuivre la lutte au nom de leurs droits et de ceux des générations à venir.

Merci à Planète Afrique de se joindre aux femmes pour la célébration de cette journée.

Je tiens également à remercier Planète Afrique pour cette opportunité qui m’est offerte de m’exprimer au sujet cet événement..

Pour terminer, la journée internationale de la femme, ce n’est pas seulement le 8 mars… La journée internationale de la femme, c’est tous les jours!
Il ne faut jamais abandonner nos rêves et persévérer dans ce que l’on fait.

(1) Renée Côté, Sylvie Dupont : La journée internationale de la femme : ou les vrais faits et les vraies dates mystérieuses origines du 8 mars jusqu’ici embrouilles, truquées, oubliées : la clef des énigmes, la vérité historique. Montréal : Éditions du Remue-ménage, 1984 237 p

* Clara Zetkin (1857-1933) était rédactrice en chef du journal féminin le plus diffusé, fondé en 1892, l’Égalité. Elle y exposait ses idées novatrices (et donc contestées) sur les femmes, le couple, l’éducation des enfants, l’école.

(2) Seager, Toni, Atlas des femmes dans le monde : émancipation ou oppression, un paysage contrasté, Paris, Autrement, 1998. p. 9.

(3) Monique Pontault, Femmes en Francophonie, Paris, Harmattan, 2000. p. 77.

(4) Gisèle Halimi, Droits des hommes et des femmes. Une autre démocratie, p. 37.

(5) Ida Rachel Ivouba, Le calvaire de la veuve au Congo-Brazzaville, La Semaine africaine, 20 mai 1999.

(6) Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes.

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