Au terme d'une progression éclair au cours
des dernières semaines, et depuis l'échec d'une médiation RDC-Rwanda sous
l'égide de l'Angola mi-décembre, le M23 ("Mouvement du 23 mars"),
estimé à quelque 3.000 hommes, accompagné de 3.000 à 4.000 soldats rwandais
selon l'ONU, sont arrivés aux portes de Goma dimanche.
Dans le centre de la cité, des détonations
d'artillerie soutenues et d'intenses rafales d'armes légères ont résonné une
grande partie de la journée, selon des journalistes de l'AFP. En fin
d'après-midi, les tirs étaient moins fréquents mais toujours nourris vers
l'aéroport.
Il est difficile de déterminer
quelles parties de la ville sont tombées aux mains des M23 et soldats rwandais,
et lesquelles restent contrôlées par Kinshasa. Capitale de la province du
Nord-Kivu, Goma abrite un million d'habitants pour autant de déplacés.
Au moins 17 personnes ont été tuées et 367
blessées dans ces combats, selon les bilans de plusieurs hôpitaux obtenus par
l'AFP.
- "Afflux
massif de blessés" -
"Nos équipes chirurgicales travaillent
désormais 24h/24 pour faire face à l'afflux massif de blessés, alors que les
combats continuent", touchant majoritairement des civils, a
expliqué à l'AFP Myriam Favier, cheffe du Comité internationale de la
Croix-Rouge (CICR) au Nord-Kivu, en soutien dans plusieurs hôpitaux de la
ville.
L'est de la RDC est secoué depuis plus de
30 ans par des conflits et des relations tumultueuses exacerbées depuis le
génocide rwandais de 1994. La RDC accuse notamment le Rwanda de vouloir y faire
main basse sur ses nombreuses richesses naturelles, ce que Kigali dément.
Le gouvernement congolais a assuré vouloir
"éviter le carnage", selon son porte-parole Patrick Muyaya,
qui a posté sur X la première réaction officielle congolaise depuis l'entrée
dans la ville du M23 et ses alliés.
Le M23 avait crié victoire dès dimanche,
"jour glorieux de la libération de la ville de Goma". Mais
Goma s'est réveillé lundi dans un chaos de tirs et de détenus évadés de prison.
Certains soldats congolais sont passés du
côté rwandais, passant la frontière à quelques kilomètres, pour rendre les
armes, selon la radiotélévision rwandaise, confirmée par des sources
onusiennes.
D'autres ont pris la fuite par bateau sur
le lac Kivu. Sac au dos, armes à la main, et matelas sur l'épaule, ils ont
débarqué au port de Bukavu, sur l'autre rive du lac séparant les deux villes,
selon une vidéo consultée par l'AFP.
Dans certains quartiers, le M23 a été
accueilli par des habitants en liesse sans qu'il soit possible de déterminer si
leur réaction était nourrie par l'adhésion ou la peur.
- "Déclaré
la guerre" -
Kinshasa a accusé dimanche le Rwanda de
lui avoir "déclaré la guerre" en envoyant ce week-end de nouvelles
troupes en RDC, entre 500 et 1.000 hommes selon des sources onusiennes à l'AFP,
alors que l'ONU a appelé Kigali à retirer ses forces de la région.
Le Rwanda a répliqué qu'il conservait une
"posture défensive durable" au vu des combats représentant
"une menace sérieuse à la sécurité du Rwanda".
En début d'après-midi lundi, un
porte-parole de l'armée rwandaise a annoncé que 5 civils ont été tués, 25 personnes
grièvement blessées et d'autres plus légèrement dans une localité rwandaise
frontalière de Goma, sans plus de précisions sur les circonstances.
Plusieurs affrontements ont été signalés
le long de la frontière. Un journaliste de l'AFP à Gisenyi, côté rwandais, y a
entendu "plusieurs détonations" qui l'ont obligé à se retrancher.
Une source diplomatique a confirmé à l'AFP
des échanges de tirs dans la matinée entre troupes congolaises et rwandaises de
part et d'autre d'un poste-frontière à Goma.
L'avancée rapide du M23 vers Goma, doublée
d'une escalade diplomatique entre la RDC et le Rwanda, ont abouti à la
convocation par Nairobi d'une rencontre Tshisekedi-Kagame mercredi, a annoncé
lundi le Kenya.
Le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de
l'Union africaine tiendra pour sa part mardi à la mi-journée une "session
d'urgence" sur cette crise.
Une médiation RDC-Rwanda sous l'égide de
l'Angola avait échoué en décembre faute d'accord.
Treize soldats de la force régionale
d'Afrique australe (SAMIRDC) et la Monusco ont été tués dans des combats ces
derniers jours, selon les armées des pays impliqués.
Selon l'ONU, 400.000 personnes ont été
déplacées par les combats depuis début janvier.
Goma avait été brièvement occupée fin 2012
par le M23, né cette année-là et vaincu militairement l'année suivante.
Article publié le Tuesday, January 28, 2025