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Qu’est-ce que les syndicats ont à voir avec les droits humains ? - Amnesty International

 Qu’est-ce que les syndicats ont à voir avec les droits humains ? Les syndicats jouent un rôle décisif pour la protection et la promotion des droits humains, y compris les droits économiques, sociaux et culturels et le droit de ne pas subir de discrimination.

Tout d’abord, ils jouent un rôle central en négociant avec les employeurs et en organisant des actions collectives pour défendre les droits des travailleurs et travailleuses. Les syndicats rééquilibrent ainsi la balance du pouvoir, en garantissant aux employé·e·s une position qui leur permet de défendre leurs droits, et en obligeant les directeurs·rices d’entreprises prospères et puissantes à rendre des comptes.  

Deuxièmement, les syndicats améliorent bien plus que l’environnement de travail. Les syndicats constituent le carburant qui maintient vives les flammes de la justice sociale et du pouvoir citoyen de façon à ce que les droits des travailleurs et travailleuses soient respectés et protégés juridiquement. À travers l’histoire, les syndicats ont été le moteur grâce auquel les gouvernements et les entreprises ont pu être appelés à reconnaître et à empêcher les atteintes aux droits humains en lien avec leurs activités commerciales. Ils veillent également à l’adoption de lois et de réformes qui améliorent le respect et la protection des droits des travailleurs et des travailleuses.

Enfin, les syndicats entretiennent depuis longtemps des liens de solidarité avec d’autres mouvements mondiaux de défense des droits humains. Des grèves des années 80 contre l’apartheid en Afrique du Sud aux campagnes soutenues par les syndicats contre le génocide des Palestinien·ne·s de Gaza par Israël, leurs actions démontrent constamment le lien entre le syndicalisme et la justice sociale.

Qu’est-ce qu’un syndicat ? Les syndicats sont des organisations de travailleurs et travailleuses qui œuvrent ensemble pour protéger et améliorer leurs emplois et leurs conditions de travail. En s’associant, ils et elles peuvent plaider de manière plus efficace sur des questions telles qu’une meilleure rémunération, de meilleures conditions de travail et des pratiques plus justes en matière d’emploi.

Les syndicats ne se contentent pas de négocier des accords contraignants avec les employeurs, ils organisent aussi souvent des campagnes visant à améliorer la législation dans le but de renforcer la protection des droits humains au travail. Cela inclut les lois et normes nationales qui régissent la santé et la sécurité au travail et les congés parentaux.

Malgré les preuves étayant le fait les syndicats aident à faire progresser les droits des travailleurs et travailleuses, nombre de gouvernements ont encore des lois qui restreignent et contrôlent démesurément l’activité syndicale. Les entreprises qui voient dans les syndicats des adversaires déploient beaucoup de ressources pour diaboliser et réprimer la capacité des travailleurs et travailleuses à s’organiser de manière collective, y compris en licenciant des employé·e·s en raison de leur participation ou appui à un syndicat. Ces stratégies devraient être interdites, mais de nombreuses entreprises continuent pourtant de mettre en œuvre leurs pratiques antisyndicales en toute impunité.  

Le droit d’adhérer à un syndicat doit-il concerner tous les travailleurs ettravailleuses ?Oui, toute personne a le droit de devenir membre d’un syndicat. Ce droit est spécifiquement accordé à chacun·e par l’article 23, alinéa 4 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et l’article 8 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Le droit d’adhérer à un syndicat ou d’en créer un est une forme d’organisation autonome et fait partie du droit à la liberté d’association, à la liberté syndicale et à la négociation collective, qui est inscrit dans de nombreux cadres juridiques internationaux, régionaux et nationaux. La syndicalisation est également liée à nos droits à l’expression, à la liberté de parole et à la manifestation.

La Constitution de l’Organisation internationale du travail fixe également des règles qui interdisent la discrimination syndicale. Cela signifie qu’un travailleur ou une travailleuse ne doit pas être traité·e différemment simplement parce qu’il ou elle est membre d’un syndicat.

Comment les syndicats protègent-ils les travailleurs et travailleuses ?  IÀ certains égards, les syndicats fonctionnent de la même manière que les groupes de défense des droits humains. Les membres se réunissent pour débattre des questions qui les concernent, puis conviennent d’une position collective qu’ils et elles défendront ensemble. Grâce à ce travail d’équipe, leurs appels sont plus puissants et plus difficiles à ignorer que si les travailleurs et travailleuses essayaient d’obtenir ces changements par eux-mêmes. On appelle ce processus la négociation collective.

Toutefois, contrairement à d’autres types de groupes de pression, les syndicats bénéficient généralement d’une reconnaissance juridique spéciale qui leur donne le pouvoir de négocier des accords juridiquement contraignants avec les employeurs.

De nombreux syndicats proposent également des services tels que la formation ou l’assistance et la représentation juridiques. Cela permet à leurs membres d’être plus efficaces dans la revendication pour la protection de leurs droits au travail.

Qu’est-ce que la négociation collective ?  On parle de négociation collective lorsqu’un groupe d’employé·e·s négocient avec leur employeur en vue d’obtenir de meilleurs salaires, de meilleures conditions de travail et une meilleure reconnaissance de leurs droits fondamentaux. En travaillant ensemble et grâce à la solidarité collective, les employé·e·s peuvent obtenir de meilleurs résultats. Lorsque les gens travaillent ensemble, ils décuplent leur pouvoir et peuvent donc mieux défendre leurs droits humains.

Comment les syndicats contribuent-ils à protéger le droit de ne pas subir de discrimination ?Les syndicats ne travaillent pas seulement sur les questions de conditions de travail et de salaires, mais aussi sur le droit de ne pas subir de discrimination de manière plus générale, ainsi que le droit à la liberté syndicale et la liberté d’expression.

Les syndicats jouent un rôle essentiel dans la prévention de la discrimination sur le lieu de travail. Ils peuvent représenter les travailleurs et travailleuses les plus exposé·e·s aux atteintes aux droits humains et leur donner la possibilité de négocier avec les employeurs sur les règlements intérieurs, en veillant à ce que ceux-ci soient efficaces et inclusifs. Ils recourent également à l’action collective pour s’assurer que les employeurs respectent leur engagement à l’égard de leurs propres règlements.

Malheureusement, la discrimination au travail reste monnaie courante, surtout lorsque le droit de se syndiquer est réprimé. C’est ce que montre l’exemple des industries du textile et de la mode, qui font largement appel à des travailleurs et travailleuses mal payé·e·s, généralement des femmes, qui peuvent être victimes de discriminations croisées fondées sur le genre, la race, la religion et la caste.

Quels exemples a-t-on de mobilisation syndicale réussie ?Il existe d’innombrables exemples de mobilisation syndicale réussie depuis la création du premier syndicat. Certaines ont abouti sur la création des week-ends et sur les lois relatives à l’égalité de rémunération.

En Inde, par exemple, le Tamil Nadu Textile and Common Labour Union (TTCU), un collectif organisé par des travailleuses, et notamment des femmes dalits, a remporté une victoire historique en 2022 en concluant un accord avec le fabricant de textile Eastman Exports pour mettre fin à la violence et au harcèlement fondés sur le genre dans les usines. Des accords juridiquement contraignants ont également été signés avec plusieurs marques multinationales dont les produits ont été fabriqués dans des usines Eastman. Ces accords rendent les marques conjointement responsables de l’application de meilleures normes et pratiques visant à protéger les travailleuses et travailleurs des usines contre la violence et le harcèlement.

Un accord similaire a été conclu au Lesotho en 2019, lorsque les syndicats et les organisations de défense des droits des femmes ont conclu un accord contraignant avec les fabricants de vêtements et les marques de mode pour lancer un programme pilote complet dont le but est d’empêcher les violences fondées sur le genre dans les usines de vêtements.

Au Bangladesh, les syndicats ont plaidé avec succès en faveur de l’Accord international pour la santé et la sécurité dans l’industrie de l’habillement et du textile (Accord international), qui a introduit de meilleures normes pour protéger les travailleurs et travailleuses contre les accidents tels que les incendies sur le lieu de travail. Cet accord a été conclu à la suite de la catastrophe dévastatrice de l’usine Rana Plaza, qui a tué plus de 1 100 ouvrières et ouvriers de l’habillement, dont de nombreuses jeunes femmes, à Dacca. Cette catastrophe évitable a mis en avant la sécurité au travail et la négligence des entreprises ; et si l’on peut certes saluer les accords applicables et juridiquement contraignants comme l’accord international qui ont été mis en place, la lutte pour la justice et la reddition de comptes n’est pour autant pas encore gagnée. 

Comment les syndicats utilisent-ils la négociation collective pour défendre les droits fondamentaux des travailleurs et travailleuses ? On ne saurait exagérer la force de frappe qu’ont les syndicats et la négociation collective. L’union fait la force. Lorsque les plaintes et les préoccupations individuelles sont ignorées, les syndicats peuvent mettre en lumière les atteintes aux droits et veiller à ce que les responsables soient tenus de rendre des comptes.

Lorsque les États et les employeurs respectent le droit de se syndiquer, ils rendent possible la création d’un lieu de travail où chacun·e tire profit de négociations honnêtes et empreintes de confiance entre les chef·fe·s d’entreprise et leurs employé·e·s. Pour s’acquitter de leurs responsabilités en matière de droits humains, les entreprises devraient travailler avec les membres et les représentant·e·s des syndicats en tant qu’allié·e·s pour trouver des solutions aux problèmes.



Rejoignez Amnesty International dans la lutte pour la justice. Les ouvrières et ouvriers de l’industrie de l’habillement en Asie du Sud sont réduits au silence pour avoir défendu leurs droits. Ensemble, nous pouvons exiger le respect de leur droit à se syndiquer et de leur combat pour un traitement juste.

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Article publié le Tuesday, January 28, 2025