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Développement endogène : « Beaucoup d’initiatives de l’Etat échouent par l’absence d’adhésion populaire » (Michel Zoubga, formateur en mobilisation de ressources) - leFaso.net
Avec le pouvoir en cours, l’option d’un développement endogène est de plus en plus aiguisée à travers les discours et certains actes de gouvernance, consolidant ainsi ces organisations qui, depuis des années, se sont lancées dans la dynamique, auprès des acteurs locaux de développement. L’Association burkinabè de fundraising (ABF) fait, sans doute, partie de ces structures pionnières en la matière. Elle parcourt les localités pour outiller et sensibiliser les organisations de développement sur les stratégies de mobilisation des ressources locales pour le bien-être des populations. Lefaso.net a voulu en savoir davantage sur son combat avec le post-formateur certifié en mobilisation de soutiens, par ailleurs secrétaire à l’information de l’ABF, Michel Zoubga. Interview !

Lefaso.net : A quoi répond, pour l’ABF, la formation de coachs ?

Michel Zoubga : Il faut d’abord dire que l’ABF est une structure qui a évolué tranquillement, petit-à-petit et progressivement, jusqu’à grandir. Elle fait un travail d’accompagnement ; elle « fait faire », elle ne fait pas à votre place. La méthode de l’ABF a été conçue sur la base d’éléments que nous avons recensés et compilés durant plusieurs années. Cette somme d’expériences et d’acquis nous a d’abord permis de faire un guide-partenaire ABF, avec beaucoup d’informations sur la gestion des associations et des projets. Il s’agit de faire du développement local par les moyens endogènes, et c’est dans ce sens que l’ABF a inscrit le volet coaching et formation de coachs.

Elle accompagne donc les associations par le coaching sur le terrain. Elle le fait en présentiel en salle à travers les rudiments qu’elle donne aux membres des organisations et par le suivi des activités sur le terrain. Donc, l’ABF procède par la démarche « terrain-école-terrain » (allier la pratique à la théorie, et vice-versa). C’est dans ce cadre, et pour être efficaces, que nous avons formé, parmi les leaders même des associations membres, des coachs dans les localités. Au début, on faisait la formation avec Change the Game Academy, qui avait deux thématiques : la mobilisation des ressources locales et la mobilisation de soutien. Cela prend en compte l’approche psychologique et l’approche sociologique de la mobilisation des ressources.

Vous séjournez actuellement dans certaines régions pour une session de formation sur la Carte communautaire de performance (CCP), une formation qui se veut une suite des sessions antérieures. Pouvez-vous revenir sur le processus et la démarche globale ?

Nous avons commencé avec Change the Game Academy. Nous avons fait la mobilisation de ressources et la mobilisation de soutien. Nous avons ensuite formé des formateurs certifiés ; puisque nous ne pouvons pas être partout. Nous avons retenu deux personnes par association dans les régions, pour former sur la mobilisation des ressources locales et la mobilisation de soutien. Ensuite, Giving for Change est arrivé pour, cette fois-ci, miser sur le développement endogène. Nous parlons d’« endogène », mais ici, c’est pragmatique (pas un effet de mode comme cela se voit dans la plupart des discours). Giving for Change s’est donc installé, après que toutes les structures se sont bien connectées. Toutes les structures travaillent à atteindre un objectif, et le bailleur a, dans son objectif de les encourager et de les faire émerger, fait un projet de contrat de dix ans.

Ici, Michel Zoubga (à droite) et son collaborateur, Joanny Tougma de OCADES-Koupèla, lors d’une formation sur la CCP à Fada, région de l’ Est Giving for Change, exerçant dans les régions, a donc un grand impact. Et lorsqu’on parle de Giving for Change, c’est vraiment l’inclusion (ce qui doit être fait doit impacter la région et ses habitants). Donc, ceux qui ont fini déjà la formation de Change the Game Academy et qui sont dans Giving for Change doivent trouver une thématique (qu’est-ce que vous voulez faire) avec la mobilisation de soutien, la mobilisation de ressources. Cette démarche inclut tout le monde (mairie, gouvernorat, préfecture, population, groupes spécifiques…). Dès lors, il faut trouver un thème qui va avoir l’adhésion de tous. Le bailleur a dit : « Si vous arrivez à monter votre projet, faites votre activité ; une fois que vous avez atteint 50%, nous venons vous ajouter le double pour vous permettre de poursuivre votre activité ». Cela fait que les gens sont motivés à mobiliser des ressources locales et permet également d’avoir la carrure de personnes qui savent conduire un projet. Par cette méthode, ce qu’on a mobilisé au Burkina comme ressources endogènes, c’est énorme.

Lire aussi : Programme « Giving for change » de l’ABF : « On nous a appris qu’on peut se prendre en charge, sans demander de l’aide extérieure » (Mme Koudougou, leader d’association) On constate que dans votre approche, la communication et l’inclusivité sont des éléments primordiaux. Qu’est-ce qui fonde cette démarche ?

Ce sont des éléments-phares, essentiels ; parce que la Carte communautaire de performance (CCP) doit prendre en compte toutes les catégories sociales. Quand il n’y a pas ces éléments, quelques individus peuvent bloquer un projet destiné à toute une communauté. Voilà pourquoi, il faut associer toutes les catégories sociales. C’est très capital pour le succès des projets destinés aux communautés. Or, cela n’est possible que lorsqu’il y a inclusion, et l’inclusion ne peut être effective que par une bonne communication. La communication est donc indispensable, c’est le point de départ. Il faut communiquer pour se faire comprendre, pour expliquer et mettre tout le monde sur une longueur d’onde. Souvent, il y a blocages ou réticences, pas parce que les gens sont de mauvaise foi, mais simplement parce que les gens ne comprennent pas ou ne cernent pas l’enjeu de certains projets. Donc, il faut beaucoup et bien communiquer, cela permet de baliser le terrain et d’avoir l’adhésion de tout le monde. Beaucoup de projets, d’initiatives de l’Etat, ont échoué par l’absence de ce préalable.

Partant de vos explications et votre philosophie, on dira que les premières structures qui ont besoin de votre accompagnement, ce sont celles étatiques !

Effectivement ! Sauf qu’au niveau de l’Etat, il y aura toujours des gens qui vont estimer que cela ne fait pas leur intérêt. Ils ne voient pas l’intérêt général ; ils vont se dire que vous êtes venus gâter leurs affaires. Je prends un exemple : quand le président (Ibrahim Traoré) demande qu’on loue des véhicules pour convoyer des vivres pour des populations de Djibo et que ce sont des responsables de la chaîne même qui partent dire aux commerçants de majorer, ce n’est rien d’autre que placer ses propres intérêts au-dessus de tout le monde, et c’est bien triste. C’est pour vous expliquer un peu ce que nous sommes, nous Burkinabè.

Michel Zoubga, formateur en mobilisation de ressources On note que l’état d’esprit occupe une proportion importante dans votre démarche … !

L’état d’esprit est très important dans tout ce que l’être humain entreprend et pose comme actes. D’abord, il permet à l’homme d’être équilibré. Celui qui est perturbé ne peut jamais résoudre un problème ou entreprendre une initiative. Dans la vie, ce n’est pas aussi le fait de trop te plonger dans les taches qui sont la solution ; non, il faut aussi te créer des plages pour te détendre et retrouver tes idées. La constance concentration n’est pas une bonne chose. Il faut toujours savoir planifier, ça vous permet de tenir constamment et les gens vont croire que tu ne te fatigues pas, pourtant c’est la planification. Moi, je conçois tout dans la tête avant de passer à l’acte. Cela vous évite les gâchis, les pertes de temps, les débauches d’énergies, etc. Aussi, il faut savoir que chaque chose a son contexte (il faut toujours l’avoir en tête). Un homme doit toujours poser une action.

En dehors de vos membres, toute organisation peut-elle solliciter votre expertise en termes d’accompagnement ?

Oui, c’est bien possible . Nous tournons et formons partout. Nous sommes même sollicités hors du pays. A Sindou (dans la région des Cascades : ndlr), nous avons par exemple formé, pendant deux ans, les maires et les secrétaires généraux des huit communes de la province (une formation qui a été financée par Save The Children). A la fin, tous étaient très contents des résultats et des outils dont ils sont désormais dotés dans leurs missions. C’est comme ce que nous disons toujours dans nos formations : quand vous êtes quelque part et qu’un problème survient, n’essayez pas tout de suite d’appeler, essayez d’abord d’évaluer ce que vous avez comme moyens. Sinon, si vous commencez par appeler, vous aurez un flux d’informations qui vont vous enfoncer davantage et vous risquez de ne pas vous en sortir. C’est cela l’esprit de chercher des solutions endogènes.

Quel conseil donneriez-vous aux organisations pour réussir leurs missions, surtout dans le contexte national difficile actuel ?

Ki-Zerbo a dit : « Nan lara, an sara ». Si tu es couché parce qu’il y a insécurité, qui va venir te donner à manger ? Voilà pourquoi, il faut toujours s’asseoir et réfléchir ; quelle que soit la difficulté en face, il y a toujours une solution. Il suffit de remuer la tête. Lorsqu’un problème survient, on ne peut pas croiser les bras ou dire qu’on a peur. La peur, elle est normale, mais est-ce une solution ? Non, il faut affronter les choses, il y a toujours une bonne solution quelque part. Il faut toujours poser une action. C’est pourquoi la formation est primordiale. Il faut accepter de se former, cela paie toujours.

Interview réalisée par Oumar L. Ouédraogo Lefaso.net

Article publié le mardi 6 juin 2023
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