Actualités : Burundi

Une lettre à Nelson Mandela : d’où viendra ton successeur ?
Qui osera porter l’étoile africaine avec autant de fierté que Mandela ? Qui fera aumône de sa vie et de son idéal comme Madiba l’a fait ? Il est parti, nous sommes restés. Mais que ferons-nous de cette terre que chantait Léopold Sédar Senghor avec tant de ferveur ? L’Afrique a tout connu : des dictateurs, des tortionnaires, des sanguinaires… la liste est longue. Le seul et l’unique qui manque jusqu’à ce jour à l’Afrique noire, est sans conteste Nelson Madiba Mandela. Aura-t-il un jour un successeur digne de son nom ? En ce jour où le monde célèbre sa disparition, rappelons-nous.

Monsieur Mandela,

Vous devez vous retourner dans votre tombe quand vous voyez de là-haut la décrépitude, la déchéance de certains pays africains. Vous devez être couvert de honte en constatant la déshérence de certains dirigeants africains qui s’assoient sur les valeurs que vous avez défendues avec tant d’ardeur. Depuis votre départ vers l’au-delà, vous devez pleurer à chaudes larmes à cause de ce qui se passe au Soudan, en Somalie, en RDC, au Sahel, etc.

« L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais de fortes institutions », disait Barack Obama, l’ancien président américain, en visite officielle au Ghana en 2009. Le seul dirigeant africain auquel ne s’applique pas cette citation est sans doute vous, Nelson Mandela. Je ne foule pas aux pieds d’autres illustres personnalités qui ont dirigé des pays africains. Mais force est de reconnaître que, de son temps, Hailé Sélassié d’Éthiopie n’avait pas votre aura. Thomas Sankara était un visionnaire très adulé, même actuellement, mais ses frères d’armes ne lui ont pas laissé le temps de vivre assez longtemps pour nous prouver qu’il n’avait pas seulement le charisme, mais aussi la maturité politique d’exercer et, plus important encore, de quitter le pouvoir.

Obama a touché là où ça fait malPuisque je parle d’Obama, chers lecteurs, permettez-moi de rappeler d’autres propos de cette illustre personne. C’était à vos obsèques, sir Mandela. Le gratin des personnalités influentes du monde était présent. Les présidents africains aussi. Droit dans ses bottes, le premier des Yankees avait eu ces propos que chaque dirigeant devrait ruminer avant d’accepter la tâche de présider aux destinées de son peuple : « Ils sont nombreux ceux qui admirent Mandela et approuvent son action mais, chez eux, s’opposent à toute réforme qui pourrait faire reculer la pauvreté et les inégalités. On ne peut pas clamer sa solidarité avec la lutte de Mandela pour la liberté et, chez soi, réprimer toute opposition. C’est de l’autocomplaisance et du cynisme ». Ça se passe de commentaires.

Sir Mandela, permets-moi de te tutoyer, non pas pour te manquer de respect (Dieu m’en préserve), mais pour me sentir près de toi, pour employer un « tu » de tendresse. Quel était ton idéal ? Comment as-tu acquis cette aura qu’on te connaît au niveau international ? C’est simple. Après 27 ans de prison dans les geôles de l’Apartheid sud-africain, tu as osé pardonner, et tu as appris à tes compatriotes à le faire. Tu n’as pas plaidé pour une politique de dent pour dent, œil pour œil. Au contraire, tu as mis toute ton aura et ton charisme au service de ton pays. Tu as insufflé une vision de la vérité, de la justice et de la réconciliation qui a permis la naissance de la nation arc-en-ciel que l’on connaît aujourd’hui. Tu as fait ton travail et tu as quitté le pouvoir après un seul mandat. Quand on connaît ces séniles boulimiques du pouvoir comme Paul Biya du Cameroun ou Yoweri Museveni de l’Ouganda, qui veulent toujours se faire « élire » après 40 ans de règne sans partage, on ne peut qu’admirer ta grandeur d’âme et ta sagesse politique.

Mpimba un autre Robben Island, se rappelle de vous Tu disais : « Je défends l’idéal d’une société libre et démocratique, dans laquelle tous les individus vivraient ensemble en harmonie. C’est un idéal pour lequel j’espère vivre et que j’espère voir se réaliser. Mais c’est un idéal aussi pour lequel, s’il le faut, je suis prêt à mourir. » C’est sans doute pour partager cet idéal que tu as accepté la mission de conduire les pourparlers de 1999 pour la paix au Burundi, après le décès de Julius Nyerere. Ces derniers ont épuisé ta dernière énergie jusqu’à ce que tu en aies eu assez. Mais tu as tenu bon. Et parfois, toi, un géant africain, tu surprenais. Le 20/07/2018, le journal Iwacu rapportait : « À la surprise générale, lors de sa visite au Burundi, le 11 juin 2000, il s’est tout de suite dirigé vers la prison centrale de Mpimba. Il a fait fi du protocole pour s’enquérir des conditions carcérales. Les yeux larmoyants, il a dénoncé ce lieu de détention comme impropre à la vie humaine. » C’était tout toi : toujours sensible à la souffrance des autres. Sans doute que tu as failli pleurer en découvrant Mpimba, qui t’a rappelé le froid Robben Island. Ton charisme et ta rigueur ont sans doute pesé quand il a fallu « arracher » un accord de paix le 28 août 2000 aux leaders burundais, très nonchalants. Je ne suis pas naïf au point d’affirmer que l’héritage que tu as laissé aux Burundais, à savoir cet accord, est intact ou qu’il a été jalousement préservé dans la configuration du paysage politique actuel. Je veux juste dire que tu as fait ta part, et tu t’en es allé. Ce qu’on en a fait, je préfère ne pas vous en parler pour ne pas vous chagriner davantage.

Une seule question me taraude l’esprit : qui reprendra le flambeau ? Qui rallumera la flamme ? Qui représentera l’Afrique avec autant de fierté ?

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Article publié le lundi 21 juillet 2025
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