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Sages comme des sauvages, subversifs et métissés – RFI Musique
Ce soir du 5 juin, lors de la release party de leur troisième album Maison Maquis, la péniche pantinoise Metaxu tangue dangereusement sous leurs assauts carnavalesques, leur son joyeusement furibard, leur punk métis… Et le public, en délire et en sueur, de hurler leurs refrains caustiques, de danser sans filtre, de rire à gorge déployée sur leurs interludes hilarants, de lever le poing sur leurs punchlines politiques... C’est un fait. Taillé pour la scène, le duo franco-américano-gréco-corso-bruxellois Sages comme des sauvages – dont le nom en forme d’oxymore célèbre une sorte de philosophie de « l’ensauvagement » qui explose les cadres étroits de l’ethnocentrisme –, augmenté de deux autres larrons musiciens, fait du bien : une grande bouffée d’hélium, autant qu’une catharsis. 

Glamours et pailletés, Ava et Ismaël, couple à la ville, galvanisent l’auditoire, par leurs chansons qui viennent chatouiller nos courants contraires (L’inverse), nos monstres intérieurs (Cthulu), nos étourderies et nos maladresses (On te l’avait dit), nos chutes métaphysiques à bicyclettes (Vélo)... Ils consolent et accompagnent nos combats avec leurs engagements l’air de rien sur le pouvoir d’achat (Le loyer), sur l’écologie et l’obsolescence programmée (Répare ou pas), etc. Et nous font voyager avec leur musique vagabonde, kaléidoscopique, qui gambade sans complexe des influences réunionnaises aux mondes orientaux, en passant par les territoires grecs ou occitans. 

Résistance et fêtes nocturnes

C’est pourtant bien au chaud dans leur nouvelle maison de Culles-les-Roches, en Bourgogne, mégapole de 201 habitants, qu’ils ont en partie composé Maison maquis durant le confinement. « De cette base arrière, nous regardons et analysons le monde. Une maison ‘maquis’, pour son côté ‘lieu de résistance’, et les échos de ‘fête nocturne’, qui parcourent l’album comme dans les bars restaurants africains », confessent-ils. 

Si le disque a été principalement construit chez eux, il a aussi été bâti à l’autre bout de la planète, à Harare, capitale du Zimbabwe, lors d’une résidence d’une semaine à l’Alliance française. Ils y ont croisé leur art, avec celui de deux immenses stars du pays, la chanteuse Stimy Stimela (« à l’aura et à la voix proche d’une Ella Fitzgerald », se réjouissent-ils) et Blessing Chimanga (percussion et chant), tous deux présents sur L’inverse. 

Au sein de ce qu’ils appellent leur « grouple », leur petit cirque électrique, leur caravane à géométrie variable, Ava et Ismaël convient autour de leur feu de camp, dans leur auberge espagnole, une kyrielle d’invités de leur galaxie : le bien nommé « prince du raï 2.0 » Sofiane Saidi sur le titre grec Pos Eghine ; les Occitans du futur San Salvador sur Saint-Martin l’olive ; ou le groupe rock festif-électro-rap MPL sur Vélo… Et comme une tradition, présente sur chacun de leurs albums, ils reprennent un titre d’Alain Peters, « leur meilleur ami mort », leur « professeur de créole », en version jungle psychédélique (Moin te crois pi) à base de bouzouki. Pour harmoniser le tout, ils ont fait appel à Dakou (Tshegue), « génie du rythme et de la production qui a fait groover toute l’affaire (…) Il a revêtu nos chansons d’habits de lumière, leur a trouvé des plateformes shoes… » métaphorisent-ils. 

Langue créolisée 

Et surtout, ils mixent à leur propre moulinette, depuis leurs débuts, des sons d’autres horizons, sans jamais rien s’interdire. Une démarche naturelle, loin de toute tentative d’exotisme artificiel : « En vérité, nous récoltons des sons au plus proche de nous, au sein de nos familles d’origines disparates, au hasard de nos rencontres, de nos amitiés plurielles, éclairent-ils. Nos influences se situent ici, à portée de main, comme à Paris où se croisent toutes les musiques du monde… »

Une liberté qu’ils défendent jusque dans leur langue. Car Sages comme des sauvages, snipers de jeux de mots, forgent bel et bien une chanson française à base de beaux textes ciselés. Une chanson ouverte aux quatre vents, nomade et créolisée, où les mots triturés s’entrechoquent et caracolent. « Issue d’une famille de profs, j’étais auparavant obsédée par l’orthographe et la grammaire. Et puis, je me suis rendu compte que cette complexité revendiquée de la langue servait surtout les élites », avoue Ava.

 

« Elle a un rapport très fort avec l’écriture, confirme Ismaël. Je prends, pour ma part, davantage soin de la langue de manière orale. » « En réalité, nous composons tous deux à la bouche et recherchons un français qui ne soit pas commercial, plutôt inspiré des images véhiculées par la langue créole », éclairent-ils de concert, avant de poursuivre : « à la table d'écriture, le français, par sa sonorité, est l’une des langues les moins mélodiques au monde. Alors, il faut la distordre, s’amuser avec, tout en en prenant grand soin ».

Et à coup sûr, au cœur de leurs chansons, la langue sautille et roule et danse, vive, foisonnante et colorée, pour venir ré-enchanter le monde dans son écrin de musique luxuriante… Comme dans un tableau du Douanier Rousseau ? Les deux valident la référence culturelle : « Comme ce peintre populaire, nos chansons révèlent une fausse naïveté (et une vraie poétique, une vraie politique, ndlr), qui, nous l’espérons, débride la poésie et les imaginaires… »

Sages comme des sauvages Maison maquis (Capitane Records) 2024 Site officiel de Sages comme des sauvages / Facebook / Instagram / YouTube  


Article publié le mardi 25 juin 2024
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