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Interview de Marta Cywinska

Polonaise francophone, traductrice, essayiste, romancière, poétesse, rien de ce qui touche à la littérature ne vous semble étranger. Parmi toutes ces activités, quel est le titre dont vous êtes la plus fière ?

Marta Cywinska : Tous le titres que vous venez d'énumérer sont plutôt des métaphores de ce que je vis entre le rêve et la réalité. Polonaise francophone? Je le dois surtout a ma grand-maman Jadwiga de Mucha-Muszynska Kacewicz qui, m'a élevée dans l'amour de la langue française, elle me chantait en français quand j'étais petite fille. Et puis, m'est survenu ce sentiment douloureux et surprenant en même temps, une réflexion après la publication de mon 5e recueil de poèmes en polonais: je ne suis par une seule personne en un seul corps, mais je souffre ou plutôt je me sens honore d'exister en double : deux Marta Cywinska qui vivent poétiquement d'une façon simultanée, l'une physiquement présente en Pologne, mais qui construit son univers métaphorique sur les terres lointaines et l'autre, matérialise en présences poétiques en France, au Canada, en Suisse et en Belgique.

En tant que traductrice, je cherche inconsciemment les coprésences surréalistes, même après des années qui se sont écoules de la date officielle de l'enterrement du mouvement surréaliste. En tant qu'essayiste, je suis à la recherche perpétuelle des liens lierres entre l'anthropologie culturelle et la littérature du XXe siècle. En tant que romancière, je me situe au fond du paradoxe des affinités entre le Moyen Age et la post-modernité en voie conséquente de l'autodestruction.

Partagée entre plusieurs cultures, vous avez su en assimiler l’esprit et créer une expression personnelle qui ne doit rien à personne. Comment expliquez-vous cet état de grâce ?

Marta Cywinska : "Partagée entre plusieurs cultures" ne doit pas tout de suite signifier "cosmopolite", je voudrais plutôt revenir a l'idée d'une existence multipliée... à la manière surréaliste. Chaque voyage, chaque tête-à-tête avec une civilisation étrangère me donne un sentiment profond de la plénitude et paradoxalement me fait parfois oublier les contraintes sociales ou les considérations matérielles, mais à la fois m'approche de l'idée de la "magie quotidienne", du merveilleux omniprésent, d'une autonomie définitive entre les successions des images réelles et les images "voulues" qui se transforment en moi après un tel ou tel enchantement devant les terres lointaines et, en poésie totale, qu'on pouvait définir comme muséum verbal des objets-témoins de... .

Polonaise de naissance, vos liens avec le continent africain n’étaient pas évidents de prime abord. Comment cette liaison a t’elle débuté ?

Plus je m'approche du noyau "émotionnel" de la littérature française, plus j'ai l'admiration pour la littérature africaine d'expression française. J'apprécie non seulement la poésie enchanteresse de Léopold Sedar Senghor, surtout le recueil "Chants d'ombre" et "Hosties noires", mais aussi je souffre d'une inquiétude a distance en lisant "La Carte d'identité" de Jean-Marie Adiaffi. J'apprécie aussi l'humour acide et l'art de construire des images métaphoriques de l'Afrique, que je découvre dans les romans de Calixthe Beyala. Pour moi, la littérature africaine est la musique du passé profond en action. Et je dois vous avouer que j'enseigne la littérature francophone y compris la littérature de l'Afrique Noire d'expression française aux étudiants de la philologie romane dans une des universités polonaises.

Considérez-vous qu’il existe encore aujourd’hui dans le monde une communauté intellectuelle ayant la langue française en partage ?

Une communauté intellectuelle s'exprimant en français est pressente dans beaucoup de pays, non seulement dans ceux qui par tradition ou par colonisation se trouvent sur son influence. Mais l'idée repose sur le pouvoir des bons esprits "associatifs", donc sur les personnalités qui savent approcher les poètes et les écrivains des pays très éloignes, comme le fait d'ailleurs Patrick Cintas, poète, prosateur, compositeur et sculpteur, un bon esprit de la commune intellectuelle des écrivains français, espagnols, argentines, créoles, roumains et tant d'autres encore, ayant la langue française en partage.

De nombreux pays sont dans l’obligation d’utiliser plusieurs langues pour communiquer. En tant que traductrice, pensez-vous que la langue utilisée a une influence déterminante sur la pensée ?

Bien sur, surtout la langue dans laquelle nous nous communiquons constamment soit par plaisir, soit par obligation nous rend transformé presque complètement et nous voila devant un dilemme : succomber au charme de cette fausse voix d'une sirène ou suivre son chant, l'apprendre et ensuite le "vaincre" en utilisant des méthodes que nous avons appris des sirènes. C'est à la fois une question importante qui porte sur les limites doubles de l'identité d'un écrivain bilingue ou bien sur l'application de l'idée précieuse de Calixte Beyala du roman "Asseze, l'Africaine" : Aujourd'hui, je me retrouve. Et ce que je retrouve pourrait s'appeler Dieu. Ce Dieu est parfait. Du moins, c'est son sens. Ce dieu n'est ni blanc, ni noir, ni Afrique, ni Occident. Il est oiseaux, arbres, même fourmis et prétend à la magnificence universelle. Il m'a dit : Aime."*

* Calixthe Beyala, Asseze l'Africaine, Editions J'ai lu, 1997, p.318-319

Marta Cywinska - PlaneteAfrique Février 2005

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