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      Paul 
G. ACLINOU 
 
1 - Bonjour Monsieur Aclinou. Vos écrits gravitent autour du Golfe du Bénin. 
A vous lire, on revit le Dahomey et ses Empires, les Empires Yoruba, les 
Royaumes Haoussa de la Reine Daoura... avec toute leur grandeur et leur 
puissance mystique...  
Bonjour Monsieur Diop ; je vous remercie de me donner la parole sur votre site. 
 
Graviter autour du Dahomey ? sans aucun doute, puisque le Bénin est le point de 
départ ; et c’est là aussi où tout finira, pour moi… Et puis, vous vous rappelez 
certainement cette leçon de notre enfance : " Quand tu 
ne sais plus où tu vas, n’oublie pas d’où tu viens. " 
Mais, ce n’est pas seulement cela, c’est aussi un alibi, un alibi, une référence 
qui sert de pivot dans ma tentative de comprendre l’Homme, l’Homme universel.
 
 
Graviter dites vous ! Oui, graviter autour de ce couloir – la trouée du Dahomey 
- par lequel l’homme n’a jamais cessé de circuler depuis des temps immémoriaux !
 
 
Allez voir TADO, cet ensemble de quelques cases, insignifiantes aujourd’hui, qui 
est situé dans l’actuel Togo sur le plateau d’Atakpamé, vous serez ébahi 
d’apprendre que de là, ce sont élancés avec fougue, des groupes d’hommes, par 
vagues successives, déterminés et solidaires , depuis 1000 ans vers le monde. 
Parfois, comme dans le cas des Yorubas, il y eut des va – et - vient de et vers 
Tado pour en repartir une fois encore... La plupart sont allés d’étape en étape, 
de querelle en querelle et de guerres en guerres, parsemant le trajet de villes 
et de royaumes : Allada, Abomey, Abéokouta, Oyo, Ife, Kétou, Porto Novo, 
Agbanankin, Grand – Popo, Kovê, pour ne citer que quelques noms. 
 
Vous avez évoqué d’autres royaumes, autant dire que l’Afrique est riche 
d’Histoire ; Nous pouvons ajouter à ces noms que vous citez, les empires du 
Ghana, ou encore celui du Bénin (je parle du Bénin historique) dont les 
sculptures rayonnent de sérénité et sont l’objet d'étonnement et d’admiration 
des connaisseurs du monde entier.  
C’est aussi le Manden, plus connu sous le nom de l’Empire du Mali. A Soundiata 
Keita son fondateur, nous devons l’une, sinon la première, déclaration vraiment 
Universelle des Droits de l’Homme puisque datée de 1236 ; la charte du Manden 
(qui peut être consultée sur cet autre de mes sites :
http://www.cimaisevirtuelle.com/afriquecrit/afeour.htm) .  
 
" Toute vie est une vie " qui en est la 
première parole me paraît plus universelle car, tout, absolument tout le reste 
peut en découler, ce qui ne me semble pas être le cas de notre "
Tous les Hommes naissent libres… " 
 
Voilà - accessoirement - un point sur lequel une réflexion générale peut porter, 
réflexion à partir de laquelle on pourrait, pourquoi pas, proposer une 
modification de l'actuelle déclaration dans le cadre de la communauté des 
Nations ; votre site peut bien sûr jouer un très important rôle dans cette 
réflexion. 
 
Pour revenir sur le Golfe du Bénin – je dirais plutôt, chez les peuples qui 
venaient de Tado - on peut se demander quels étaient leurs bagages ; la réponse 
est : quelques concepts, quelques mots… car, en fait, le Vodou, c’est cela ! 
Nous y reviendrons. 
 
2 - Par déformation, le Vodou, dans l'opinion populaire, est une pratique 
animiste originaire des Antilles et des Caraïbes. Comment interviendrez-vous 
pour redéfinir et resituer le Vodou dans le monde contemporain ?  
 
Vous avez raison ! Le monde – en dehors du Dahomey – a découvert le Vodou à 
travers les descendants des Noirs transplantés d’Afrique qui vivaient et vivent 
encore dans les Caraïbes, en Amérique du Sud, notamment à Haïti, au Brésil, au 
Mexique, mais aussi en Amérique du Nord… 
  
Il est donc légitime que l’on en situe, dans un premier temps, l'origine dans 
ces lieux ; mais, cette erreur n’a été possible que parce que du Vodou on n' a 
retenu que les aspects extérieurs ; on en a retenu les manifestations les plus 
spectaculaires et celles qui intriguent ou inquiètent, et qui sont propagées 
notamment par un tourisme de spectacle ; ou encore les propriétés que lui 
prêtent des âmes en peine à la recherche de remèdes miracles ou de je ne sais 
quelles expériences ésotériques...  
 
Aujourd’hui encore, il y a une méconnaissance totale, y compris dans le golfe du 
Bénin, de sa signification profonde et donc, ignorance de l’essentiel. C’est 
dire que la redéfinition et la restitution dont vous parlez concernent les 
origines géographiques certes, mais aussi le sens fondamental.  
 
Sur le premier point, l’origine géographique, l’erreur n’a duré qu’un temps, car 
très vite, on a fait la relation entre ceux qui se réclamaient du Vodou et le 
fait que c'était les victimes de la traite des esclaves ; par contre, plus 
intéressant est, selon moi, le fait de trouver pourquoi 
c’est cette croyance qui a perduré pour arriver jusqu'à nous, absorbant 
toutes celles qui étaient arrivées en même temps aux Amériques ; la question 
essentielle est de savoir pourquoi ce sont les éléments culturels de ceux dont 
les racines plongeaient à Tado qui ont persisté et conduisent à cette tradition 
américaine du Vodou.  
 
En effet, La traite des Noirs portait sur toute l’Afrique Noire ; les 
déportation avaient lieu d’un peu partout ; chaque ethnie, chaque composante de 
cette tragédie arrivait avec ses croyances et son échelle de valeurs, il ne 
pouvait pas en être autrement. 
 
La réponse, à mon avis, est la nature, en partie tout au moins, du contenu 
spirituel et didactique du Vodou. Si seul le Vodou est resté en masquant, voire 
en absorbant les cultures des autres groupes ethniques, c’est qu’il était et 
qu’il est toujours porteur de valeurs à portée universelle ; valeurs sur 
lesquelles l’homme a pu s’appuyer pour survivre dans la tragédie ; autrement, on 
ne voit pas comment expliquer la survivance de ces croyances dans un 
environnement qui était particulièrement hostile tant physiquement que 
psychologiquement , je ne citerai que le " Code Noir" qui fut un point fort de 
cette agressivité.  
 
Ce qui est frappant également, c'est la pureté des concepts qui, malgré tout, 
soutiennent le Vodou hors du golfe du Bénin quand on compare les fondements de 
part et d'autre de l'Atlantique ; on observe certes, une très grande influence 
des rencontres avec les autres idées, quelle soient africaines ou bien qu'elles 
relèvent de la puissance dominante dans sa composante religieuse, notamment, le 
christianisme ; mais rien ne s'était perdu et rien n'était venu s'ajouter au 
concept de Eshu ou Lêgba et de Fa ou Ifa , les deux principales divinités dont 
les hiérarchies respectives et les fonctions pédagogiques sont rigoureusement 
respectées, même si elles ne sont ni approfondies ni appliquées, exactement 
comme ce fut le cas sur le continent d'origine. 
 
Il serait trop long de développer ici ce qui fait cette force, remarquons 
simplement que Vodou signifie " ce qu'on ne connaît 
pas, ce qu'on ne connaît pas encore ! " ; c'est tout ! Vous voyez, 
nous sommes loin de ce que l'on pense généralement qu'est le Vodou ; nous sommes 
loin de l'image qu'on en donne y compris au Bénin.  
En clair, cette culture présuppose que connaître reste possible , connaître le 
monde est une nécessité ; à tel point qu'un dieu est dévolu tout entier à cette 
affirmation ; c'est le rôle du dieu Hêbiêsso ( Shango ), le dieu de la foudre, 
qui est d'affirmer cette absolue nécessité.  
 
Si on ne pénètre pas la signification profonde du terme, on peut massacrer 
autant de poulets, de coqs ou de je ne sais – quoi encore, on reste dans 
l'idolâtrie. Ceci est à rapprocher de l'enseignement des pères et des mères 
informés qui répètent à leurs enfants : " ce à quoi il 
faut prêter attention quand tu es chez le guérisseur, ce n’est ni aux poulets 
sacrifiés ni aux incantations déclamées, mais aux herbes et plantes qu'il met en 
œuvre. " On ne saurait – être plus clair ! Mais, ce n’est qu’une partie 
de l’enseignement.  
 
Cette culture enseigne également que la vie comporte des points – pivots qui 
surpassent nos individualités ; par exemple, que l’eau ne doit pas être vendue ; 
que le pire crime que l’on puisse commettre c’est d’empoisonner l'eau ; car, 
"que boirait le pauvre ?" demande – t – on. Le respect de la vie est poussé à un 
point tel qu’avant de tuer la bête domestique pour l’alimentation – nécessité 
vitale - il faut lui donner à boire y compris symboliquement en trempant son bec 
( pour la volaille ) dans l’eau pour signifier que l'acte est une nécessité de 
survie. Aujourd’hui, je dirais que les sociétés protectrices des animaux qui 
existent à travers le monde nous rejoignent en quelque sorte dans ce que nous 
croyons qu'est la vie…Ce qui nous renvoie à Soundiata Keita : "Toute 
vie est une vie" ! 
Vous voyez donc qu’il ne s’agit pas fondamentalement d’ésotérisme, en tout cas 
pas seulement de cela…  
 
Connaître ! me diriez – vous, mais avec quels outils doit – on pénétrer le sens 
profond de cet enseignement, et je vous répondrais : avec les concepts que 
propose le Vodou dans son état fondamental qui, de ce fait est une PEDAGOGIE ; 
et comme dans toute pédagogie, le questionnement est le 
moteur essentiel. C'est donc à partir du questionnement que nous pouvons 
accéder à l'essence véritable du Vodou, ce qui doit nous amener à distinguer les
dieux – concepts ( ceux que j'analyse sur le site "
la pensée et son objet " ) qui justement sont 
questionnement en eux - même, des autres divinités.  
 
Comme vous pouvez le voir, le sens que je peux donner à votre expression : 
redéfinir et restituer, c'est amener l'Homme – pas seulement l'homme Noir – à 
retrouver dans le récit fondateur de chacun des dieux – pédagogie, les points de 
contradiction qui justement sont là pour nous conduire 
au questionnement. C'est le but que je recherche. 
 
3 - Comment percevez-vous la quête de l'identité mystique et spirituelle de 
l'homme Noir actuel, plus spécifiquement celle des descendants de Glélé ou 
G'Béhanzin ? 
 
Je ne suis pas certain qu'il y ait en ce moment une quête d'identité mystique ou 
spirituelle qui soit spécifique à l'homme Noir en général et aux héritiers de 
Glélé ou de Gbêhanzin en particulier ; il me semble que nous sommes plutôt dans 
le cadre de la demande générale de spiritualité qui émerge de notre planète 
depuis quelques années, voire quelques décennies, et qui semble concerner toutes 
les sociétés à travers tous les continents et toutes les classes sociales ; vous 
vous rappelez les propos de cet intellectuel, penseur et homme politique 
Français qui disait que le XXIeme siècle sera religieux ou ne sera pas. Nous y 
sommes en quelque sorte, et l'homme Noir n'échappe pas à la tendance générale me 
semble t - il.  
 
Je dirai au contraire que nous, Africains, nous les Noirs, nous possédons une 
solidité psychologique non négligeable qui fait que nous ne nous posons pas trop 
de problèmes existentiels ; les coups de buttoirs au quotidiens suffisent à 
occuper tout notre temps !  
 
Je me demande si l'homme Noir ne cherche pas plutôt et plus simplement sa place 
dans un concert des nations où on lui renvoie constamment le poids des temps 
passés, le poids d'une souffrance, d'une misère dont sans doute il est en partie 
responsable.  
S'il n'y avait pas en lui la solidité psychologique dont je parlais tout à 
l'heure, les conséquences seraient dramatiques ; je n'en veux pour preuve que la 
quasi absence de suicide dans nos sociétés contrairement à ce qu'on peut 
constater ailleurs.  
Dans le même ordre d'idée, il n'est pas fait appel non plus aux structures dites 
de soutien psychologique à chaque épreuve que le destin met sur la route de 
l'individu ; il est vrai que nos organisations sociales assurent par leur nature 
communautaire une prise en charge sans faille qui laisse toute sa place à 
l’émotivité, elle peut ainsi s’extérioriser librement ; une prise en charge qui 
n'est nullement intempestive en cela que nul n'est vraiment isolé et abandonné à 
lui - même. Espérons que cette solidarité puisse durer encore longtemps. 
 
Encore une fois, le quotidien extrêmement dur qui est le nôtre ne nous laisse 
pas le temps moral pour nous épancher sur notre état d'âme en tant qu’individu, 
sauf bien sûr dans les cas où un désordre pathologique s'est installé. 
 
Si nous nous mettons au niveau des héritiers des différents royaumes qui se 
partageaient le sud du Dahomey avant la colonisation, le problème, ou mieux la 
vision, n'est guère différente, je pense, de celle de l'homme Noir en général ; 
ces héritiers ne peuvent constituer, à mon avis, un ensemble suffisamment typé 
pour que leurs préoccupations diffèrent notablement de celle de l'homme Noir 
partout ailleurs, ou encore s'écartent des modèles problématiques qu'on peut 
recenser en Afrique. N'est – ce pas plutôt une revendication de reconnaissance 
qui prévaut dans son esprit ? Une reconnaissance au sein de la famille humaine ; 
et si tel est le cas comme je le pense, cette recherche dépasse largement le 
cadre historique pour s'inscrire au niveau même des concepts qui ont façonné 
l'évolution de l'esprit de l'homme depuis les temps ancestraux, notamment dans 
l'élaboration des archétypes.  
 
Je vais préciser ma pensée en faisant remarquer que l'homme a instauré depuis 
des temps immémoriaux les catégories du Bien et du Mal dans lesquelles il range 
des faits, des actes ou bien des évènements ou encore plus simplement des 
ressentis, et cela se fait dans toutes les cultures depuis toujours.  
Par analogie, toutes les cultures distribuent ces catégories en se référant soit 
: 1°/ à la constitution de l'homme physique, 2°/ soit à la constitution de la 
société, 3°/ soit encore à la constitution des groupe de sociétés… etc.  
 
Par exemple dans la catégorie n° 1, on peut citer la 
gauche et la droite de l'individu ; dans la 
mesure où chaque Etre humain possède une gauche et une droite, si vous mettez la 
catégorie du Bien à droite et celle du mal à
gauche (ou l'inverse) vous n'offenserez personne 
parce que ce sont des propriétés qui sont portées par tous 
; tout au plus créerez – vous des points d'option, c'est le cas par exemple en 
politique où les uns se réclament de la Droite et les autre de la Gauche sans 
pour autant déboucher sur un affrontement qui met en cause la nature humaine de 
l'autre. Vous ne pouvez pas utiliser l’une ou l’autre option (Droite ou Gauche) 
comme un levier pour vous différencier de l’autre à 
votre avantage en terme de qualité, d’intelligence, de droit ….  
 
Si maintenant vous attribuez une catégorie considérée comme relevant du Bien (ou 
à l’inverse relevant du Mal) à une partie seulement 
de la société, vous créez une discrimination dont les conséquences peuvent être 
dramatiques, car vous mettez en cause la nature même de 
l'individu qui sera ainsi assimilé soit à la catégorie du Bien soit à 
celle du Mal, (c'est là, l'une des causes du racisme) ; vous faites donc une
répartition qualitative de la société sur des 
critères unilatéraux ; des critères imposés qui ne 
vont pas de soi, et qui interfèrent sur l'action, car 
l'homme agit en fonction de son subconscient pour l'essentiel, alors que le 
raisonnement se conduit à partir du conscient et relève de choix.  
 
La situation qui est faite aux femmes DANS TOUTES LES 
SOCIETES HUMAINES est de cet ordre quel que soit le continent. Si on veut 
établir une société harmonieuse, il faut faire remonter au niveau du conscient 
cette anomalie pour ensuite commencer le travail de réflexion qui s'impose.  
 
Voici un exemple ; Vous savez, il y a quelques années encore tous les cyclones 
qui dévastent régulièrement notre planète portaient systématiquement des noms 
féminins ; il y a eu une réaction légitime et vigoureuse des femmes, 
aujourd'hui, les cyclones portent alternativement 
des noms féminins et masculins ; une année, ils sont désignés de noms féminins 
et l'année suivante, de noms masculins. Ainsi, on ne suggère plus que les femmes 
sont calamiteuses comme les cyclones ! C’est un début. 
 
Le problème est sorti du domaine subconscient ou bien subit une équilibration à 
ce niveau. Je ne pense pas que cela suffise à régler le sort que nos sociétés 
réservent aux femmes, mais, nous avons inversé l'action d'un archétype, et cela 
me paraît important parce que porteur d'avenir dans les relations entre hommes 
et femmes ; reste bien sûr le travail de réflexion.  
 
De même, il y a en France par exemple des départements qui estiment que leur 
dénomination (Basses Alpes, Basse Normandie…) porte atteinte à leur image ; en 
effet le terme "Bas" relève dans le subconscient 
collectif de la catégorie du "Mal", alors que "Haut" 
relèverait de celle du "Bien". Ces départements ont 
demandé et obtenu, après des années d'insistance, de changer de nom en faisant 
disparaître le terme "Bas" – et donc la notion négative qui s'y attache - de 
leur nouvelle dénomination. (J'ignore toutefois si l'expression " France d'en 
bas" qui a cours dans les discours politiques en France à l'heure actuelle entre 
dans ce schéma !)  
 
On peut appliquer le même processus aux couleurs ; en effet, on attache dans le 
subconscient collectif de l'humanité généralement une valeur
négative à la couleur noire, 
or, une partie non négligeable de l’espèce est de cette couleur de peau, il en 
résulte qu'au niveau du subconscient l'association est établie et va jouer un 
rôle négatif, c’est là l’une des bases subconscientes du racisme envers les 
Noirs. En effet, en quoi un jour qui voit s'abattre de grands malheurs, quelle 
qu'en soit la nature, sur une société, un système, un individu ou un groupe 
d'individus, une organisation ou un pays…etc. peut-il être un jour "noir" ? 
 
 
Dites qu'un tel jour est dramatique, tragique, douloureux …etc. et vous 
transmettrez la douleur, la souffrance qu'un tel jour aurait apportées sans pour 
autant générer dans l'esprit de l'interlocuteur l'association d'idée négative à 
l'encontre d'une partie du genre humain. Autrement, l'association négative est 
un coup de couteau que vous portez à cette partie de l"humanité. C'est là un 
comportement tellement banal que nous n'y prêtons plus attention au quotidien 
mais qui s'insinue dans le subconscient avec les conséquences qu'on peut 
imaginer.  
 
Il ne fait pas de doute dans mon esprit que l'éradication 
de ce type de langage doit faire partie des actions de lutte contre le racisme. 
Là aussi, j'imagine volontiers votre site s'associer à cet effort et même en 
prendre l'initiative. 
 
4 - On oublie facilement les fondements du Bénin actuel. Des villes comme Kovê, 
Porto-Novo, Ouidah... perpétuent encore des rites et croyances animistes 
ancestrales. Mais leur signification profonde échappe au jeune d'aujourd'hui. 
Pensez vous utile de raviver et maintenir la mémoire ? 
 
Les rites qui sont liés aux croyances ancestrales sont vivaces pratiquement dans 
toutes les localités grandes ou petites, et bien entendu dans celles que vous 
citez, tout comme nous les trouvons dans d'autres pays, en Afrique bien sûr mais 
aussi en Amérique. Mais à vrai dire, peut – on parler de renouveau ? Je 
l'ignore, mais il me semble que ceci a toujours existé ; l'avance du 
christianisme ou de l'islam n'a en rien porté ombrage véritablement à l'assise 
de ces pratiques, permanence dans les têtes qui explique, nous l'avons vu, que 
le Vodou soit demeuré vivace pendant et après la traite des Noirs. Il convient 
cependant de distinguer le rituel des fondements, car ce qui est regrettable, 
c'est que le rituel perdure sans pour autant conduire à un approfondissement des 
fondements, j'y reviens ! En effet le rituel n'est important que s'il accompagne 
l'évolution induite par la pédagogie qui selon moi est la seule raison d'être, 
non seulement du Vodou mais de bien d'autres concepts religieux. A la jeunesse 
d'aujourd'hui, je demanderais de tendre vers une conceptualisation du rite, en 
particulier dans sa composante sacrificielle ; il ne s'agit pas de sauvegarder 
des poules et autres coqs… mais de retrouver l'enseignement qui est inséré dans 
le Vodou.  
 
Ma réponse à votre question est donc oui, il est utile selon moi de lancer notre 
jeunesse, celle qui réfléchit, sur la recherche, l'étude et l'analyse des 
fondements non pas d'un point de vue mystique ou ésotérique, mais purement 
logique et rationnel, sinon, je le répète, on peut sacrifier tous les poulets ou 
moutons de l'univers et ce sera en pure perte.  
 
Je vous donne un exemple si vous le voulez bien. Parmi les figures de Fa – Fa 
est considéré comme le dieu de la divination, mais j'ai montré qu"il n'en était 
rien, que sa fonction n'est en aucun cas de prédire l'avenir – Parmi les figures 
de Fa donc, il y en a une – Sa Mêdji – qui dit que le titulaire de cette figure 
"rapprochera la terre de la mer, mais restera seul s'il ne fait pas de 
sacrifice ".  
 
Explication : Il faut comprendre que terre et mer représentent deux points de 
vue, mais deux points de vue différents ; les rapprocher signifie donc établir 
une conciliation entre eux. En d'autres termes, le titulaire de Sa Mêdji serait 
doué pour concilier des adversaires – les fameuses palabres africaines ! – mais 
le dieu ajoute que si ce conciliateur - né ne fait pas de sacrifice, il restera 
solitaire, isolé – redoutable perspective en Afrique comme vous le savez. Mais 
alors, dites – moi, quel sacrifice conseillerez – vous à une telle personne ? 
Vous voyez, une telle personne peut sacrifier autant de bêtes qu'elle voudra, si 
elle ne comprend pas le vrai sens de l'enseignement ce sera en pur perte, vous 
en convenez je pense. 
Cela nous ramène à deux choses essentielles, d'une part la nécessité d'un 
travail de réflexion, et d'autre une conceptualisation aussi bien du contenu que 
du rite.  
 
Prenons par exemple la notion de sacrifice, la plus remarquable 
conceptualisation que j'en connaisse est celle du christianisme dans laquelle 
tous les sacrifices que pratiquait le judaïsme, sa racine, sont ramenés à un 
seul qui est symbolisé de surcroît ! Même dans ce cas, ce n'est encore qu'une 
étape selon moi ; mais c'est là, une autre histoire… 
 
Ensuite, et toujours pour répondre à votre question, nous devons encourager la 
jeunesse à analyser, critiquer, reformuler, et pourquoi pas, actualiser notre 
héritage culturel ; en un mot le défendre après en avoir acquis la maîtrise des 
fondements et fait une mise à jour rationnelle si nécessaire ; car, si nous 
sommes les premiers à les fouler au pied, il n'y a aucune raison pour que le 
reste du monde n'en fasse pas autant ; Il faut accepter aussi que cette jeunesse 
puisse en écarter les aspects folkloriques qui font les délices de bien de 
touristes amusés ou qui seraient à la recherche de je ne sais quelles ouvertures 
sur des mondes inconnus.  
 
La signification profonde que vous évoquez est celle qui devient évidente quand 
on écarte le rituel, je dirais même quand on oublie le dieu en tant qu'objet de 
croyance pour ne chercher qu'à mettre en lumière l'enseignement dont il est 
porteur, le service qu’il est censé assurer auprès de l’homme ; c'est – à - 
dire, écarter les dieux pour retrouver les mots que l'Homme adresse à l'Homme.
 
 
5 - Monsieur Aclinou, vous posez des problèmes contemporains fondamentaux : quel 
est le prix à payer pour libérer les mal nourris du tiers monde de leur mal. 
Vous dévoilez la piste, en la combattant, des voies déguisées de 
l'expérimentation trans-génique... 
 
Ce que je veux, c'est attirer l'attention sur le fait que la malnutrition ne 
doit pas servir d'alibi à nous - mêmes ou bien à d'autres. On connaît 
parfaitement les causes de la malnutrition là où elle existe, car, ce n'est pas 
le cas partout en Afrique. Avant donc de proposer des solutions nouvelles, voire 
extrêmes, pourquoi ne pas réfléchir, pourquoi ne pas prendre le temps de 
rechercher les vraies causes ; pourquoi ne pas considérer que nos problèmes 
résultent d'abord de notre action...  
 
Je voudrais préciser que ce qui est dénoncé ce n’est en 
aucun cas les manipulations génétiques, pas du tout ! Et pour cause, je suis par 
ma formation en mesure de porter un regard qui n’est en rien émotionnel ou 
politique sur la question. 
 
Nous ne sommes pas seuls certes, mais l'aide du reste du monde ne peut en aucun 
cas être considérée comme une panacée ; d’autant que cette action est rarement 
neutre, elle peut être dangereuse parfois sans pour autant sauvegarder nos 
économies ; dans tous les cas elle est désastreuse 
psychologiquement sauf, quand nous faisons face aux soubresauts de la 
nature, et là heureusement, c’est l’homme qui se porte à la rescousse de l’autre 
et c’est heureux. MAIS, ET C'EST LA, UNE CONVICTION PERSONNELLE : L'HOMME EST 
UN MARCHAND, ET LE SEUL ARTICLE DE SON FOND DE COMMERCE EST
L'HOMME ; L'OUBLIER SERAIT UNE GRAVE ERREUR.
 
Voici un exemple : Il y a quelques années, au plus fort de la crise de la vache 
folle, la Communauté Européenne à interdit l'exportation de la viande bovine 
d'origine anglaise vers les autres Etats de l'union ; une chaîne de télévision 
française rapporta qu'un ministre Anglais demandait à la CEE de les autoriser à 
vendre la viande d'origine anglaise ( suspectée donc) en dehors de la communauté 
; où pensez – vous qu'une telle viande serait écoulée ? Sûrement pas en 
Louisiane ou dans le Nevada ni à Tokyo…  
 
Ce n'est qu'un exemple, et dans ce cas précis, je veux bien à la limite qu'un 
ministre fasse une telle demande, considérant peut – être que son rôle est de 
chasser les mouches autour des étals des marchands, et oubliant par là-même que
cette terre est une et qu'il faut nous entendre tous 
autant que nous sommes pour y vivre en paix ; va donc, pour le 
ministre !  
 
Mais que le peuple anglais dans son ensemble ne soit pas descendu dans la rue 
pour hurler son indignation, voilà qui est autrement plus décevant et montre la 
nécessité de la vigilance qui est en fait l'objet de l'écrit auquel vous faites 
allusion.  
 
Dans bien des cas, quand on y regarde de près, le jeu n'en vaut pas la 
chandelle, et tout responsable politique qui n'en tiendrait pas compte voue 
simplement ses concitoyens à l'esclavage, je dirais à un esclavage plus prononcé 
; car en fait, c'est de cela qu'il s'agit et le problème est d'importance.  
 
Un célèbre homme politique Africain, écrivain et poète de surcroît, aujourd’hui 
disparu hélas, avait déclaré qu’ " Au banquet de l’universel, la rythmique 
sera Nègre…" , je suis d’accord à une condition : que ce soit le Nègre qui
choisisse librement de jouer le troubadour...  
 
Dans l'immédiat, le problème de la malnutrition ne me paraît pas devoir trouver 
une solution si nous ne le situons pas dans le cadre général de la conduite des 
sociétés, c'est – à - dire de l'action politique ; mais, c'est là un autre 
débat.  
 
En résumé, le problème n’est pas la modification génétique, ceci me parait 
inévitable et cette recherche peut effectivement déboucher sur une solution à 
bien de problèmes, mais que cela ne serve pas d’alibi !  
 
Et voici le plus surprenant : le premier dieu du Vodou – Lêgba ou Eshu - désigné 
comme dieu en chef par Le Tout – Puissant à la demande des dieux eux – même 
selon la légende, Lêgba donc est toujours représenté le sexe à l’air dans toutes 
ses effigies publiques, ceci est en conformité avec les données d’une légende 
sur le dieu où il est intervenu pour faire CORRIGER l’anatomie féminine, en 
particulier l’emplacement du sexe féminin, dont il trouvait la première 
localisation par Le Tout – Puissant totalement inadaptée et bafouait la dignité 
de la femme ! Quand on saisit tout le sens de cette légende (qui sera analysée 
dans " Les commentaires" à venir), on ne peut pas s’opposer aux manipulations 
qui nous préoccupent.  
 
6 - De manière plus globale, vos 'alertes' sont toutes fidèles aux 
contradictions basiques que vos écrits sur le mysticisme font surgir : la part 
et valeur réelles du vivant (l'Homme par exemple) dans un processus de pensée 
rituel, infernal, quasi inéluctable. N'est ce pas ? 
 
Le processus de pensée qui est rituel en cela que chacun semble considérer que 
bien de choses vont de soi et doivent constituer un repère de ce fait me paraît 
discutable, non pas pour le plaisir du questionnement, mais parce que je crois 
qu’on ne peut aller vers les autres avec un pré – requis spirituel, intellectuel 
ou culturel, car alors l’affrontement est inévitable !  
 
Vous conviendrez que cela ne peut – être un but en soi. Je crois me situer en 
dehors du mysticisme, non pas pour le nier ou le rejeter, mais parce que je 
considère que cela ne peut être qu’une expérience personnelle que je ne possède 
pas ; et puis, je suis mal à l’aise face à la pensée que tel ou tel aspect du 
vécu humain puisse échapper au champ de la réflexion ; c’est en cela que j’aime 
la définition du Vodou : "ce qu’on ne connaît pas encore… " Les alertes 
sortent donc de tout cadre mystique et se veulent essentiellement une invitation 
à la réflexion. 
 
Nous avons évoqué la malnutrition, nous pouvons considérer par exemple le 
problème de la dette du Tiers Monde ; nous n’allons pas reprendre ici l’analyse 
que j’en propose, mais une réflexion est indispensable à mon avis car, c’est de 
notre sauvegarde psychologique qu’il s’agit, c’est 
aussi un combat, le psychologique est aussi une 
arme, et si celle – ci nous fait défaut, parce que nous n’avons pas suffisamment 
d’exigence envers nous même, alors, je crains que les problèmes de l’homme Noir 
ne soient pas près de trouver une solution… 
 
Le problème n’est pas de survivre, car des six ou sept milliards d’Êtres que 
nous sommes sur la planète, il s’en trouvera toujours quelques uns pour nous 
offrir une miette par - ci, une miette par- là, mais est – ce vraiment cela que 
nous voulons léguer à nos descendants ? Encore une fois, si nous considérerons 
qu’un engagement pris peut ne pas être tenu coûte que coûte, même si nous sommes 
fondés à demander des aménagements, il y va de notre 
crédibilité. La chose est d’importance car, elle commande
notre respectabilité, et surtout nous laissons une 
image déplorable, gravement préjudiciable, non pas matériellement forcément, 
mais sûrement psychologiquement pour ceux qui viendront après nous ; j’y vois 
donc aussi une responsabilité vis-à-vis d'eux d'autant que c'est nous détruire 
et les détruire PSYCHOLOGIQUEMENT.  
 
Je comprends que le monde politique qui se trouve face à des problèmes immédiats 
à résoudre puisse se tourner vers la recherche de raccourcis sans une véritable 
réflexion préalable, mais la trop grande facilité est une erreur selon moi. Sur 
ce point précis, nous avons une autre particularité en Afrique, qui est que 
l’homme politique africain est aussi l’intellectuel le plus souvent ; l’analyse, 
la réflexion sont alors conduites dans l’action sans ce miroir, oh combien 
efficace, que constituerait une classe d’intellectuels NON ENGAGES DANS L’ACTION 
POLITIQUE, et dont les analyses et réflexions, parce que non contingentées par 
le résultat politique, seraient l’un des gardes – fous du politique ; c'est à 
mon avis le prélude à une véritable démocratie, celle dans laquelle le peuple 
est la seule référence. J’ai cependant bon espoir que les choses changent 
rapidement sur ce point, grâce notamment à des sites comme le vôtre qui 
s’ouvrent aux débats et invitent à la réflexion en dehors de l'action politique 
immédiate.  
 
7 - Hommes et Terre - Hommes et Dieux est particulièrement expressif de votre 
pensée : le Vivant est exploré et s'explore en relation à deux fondements : le 
sol et l'éther. Est ce ainsi qu'il faut comprendre ? 
 
Voici la genèse de la forme d’expression : Il y a au Bénin, un village dont le 
nom est Kouti ; ce nom est particulier et n'a pas toujours été celui que portait 
la localité semble – t – il ; il signifie : La Mort a vaincu , ou mieux,
la Mort est rétablie dans sa fonction" ; ce nom s'oppose à cet autre 
patronyme : Kou-Ti-Mi, que l'on peut traduire par : "la mort ne peut pas 
m'atteindre", que portait une femme du village. Vous vous doutez qu'il y eut 
un débat, une controverse à une époque reculée, entre les anciens du village 
pour aboutir à ce changement d'identité après une action contre la femme sans 
âge qui "refusait" de mourir. 
 
J'ai voulu raconter cette histoire, (peut – être une légende, mais le village de 
Kouti existe réellement, on peut s'y rendre) ; très vite je me suis aperçu que 
je ne pouvais le faire vraiment sans imaginer ce que fut le débat ; je ne 
pouvais pas le faire sans proposer ce que pouvait être la controverse entre les 
habitants ; ainsi est né le projet Hommes et Terre – Hommes et Dieux, ou 
L'Horloger de Kouti* ; car en effet, le seul support de la pensée pour ouvrir 
une controverse est la culture dont le cultuel n'est qu'un élément. Vous avez 
tout à fait raison de parler d'exploration, c'en est une en effet, car sans la 
connaissance au plus profond des fondements culturels d'un peuple, nous ne 
pouvons pas, selon moi, établir un dialogue véritable avec lui et donc bâtir un 
univers d'harmonie en commun ; il ne resterait alors que la confrontation… 
 
Explorer la culture qui est la mienne et la faire partager à d'autres, mais 
aussi et surtout rechercher les points de convergence, qu'ils soient de nature 
culturelle et, plus rarement, de nature cultuelle.  
On dit les Africains polythéistes par exemple, or, quand vous pénétrez les 
fondements du Vodou, vous vous apercevez qu'il n'en est rien, en tout cas pour 
les peuples qui ont Tado pour racine. C'est un peu comme si on disait les 
chrétiens polythéistes à cause des nombreux Saints qui sont vénérés dans le 
christianisme ! Ainsi, dire DIEU ne signifie pas grand-chose, tout dépend de ce 
que vous y mettez, et là tout reste possible, alors que dire MAHU (ou Mawu), 
comme dans le Vodou, signifie exactement " ce que nul 
ne peut atteindre", c'est un CONCEPT qui est clair, qui est précis, 
et dont le peu de théogonie que recèle le Vodou précisera le rôle ; Je dis le 
peu de théogonie, et en cela l'Afrique n'est pas un cas isolé. En effet, on 
trouve en fait peu de théogonie dans les sociétés humaines autant que je sache, 
par contre les genèses sont courantes ; le judaïsme nous offre à la fois une 
genèse "La Genèse" et une théogonie élaborée (Ezéchiel surtout, et peut être 
Isaïe). La Grèce antique ne propose même pas vraiment une genèse, par contre 
elle nous offre une pédagogie extraordinaire dont l'homme est le pivot allant 
jusqu'à séparer un domaine du divin (couvert par la foi) et un domaine du 
profane (réservé à l'homme) qui sera le point de départ de ce que nous appelons 
aujourd'hui Sciences.  
 
Ce que je veux montrer, c'est que le Vodou recèle lui aussi une véritable 
pédagogie, il a manqué les maîtres d'école attentifs, décidés et tenaces pour en 
assurer l'application au niveau de l'individu ; c'est en cela que l'excès de 
rituel me semble dommageable en masquant l'essentiel. 
 
Paul Aclinou, Reims, mars 2004. (Répondant aux questions de S. Diop - Planète 
Afrique) 
 
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