senegal

Accueil
senegal

80 ans de l’assemblée générale de l’ONU : « un monde en transition systémique » : Babacar Diouf alerte sur les fractures de l’ordre international - Sud Quotidien

Traduction
Augmenter la taille de la police Diminuer la taille de la police print send to Comments
Lectures : 41

 : Invité de l’émission Objection, diffusée le dimanche 21 septembre sur Sud FM, à l’occasion des 80 ans de l’Assemblée générale de l’ONU (célébrés sous le thème « Mieux ensemble : 80 ans et plus pour la paix, le développement et les droits humains »), le colonel à la retraite Babacar Diouf, ancien de l’Armée de l’air sénégalaise, a livré une analyse à la fois lucide, historique et empreinte d’inquiétude sur le contexte international actuel.

Selon lui, « le véritable enjeu de cette Assemblée générale n’est pas dans les discours, à reconstruire un ordre mondial équitable, pacifique, et véritablement multilatéral ». Il estime que le monde traverse ce qu’il appelle une « transition systémique », comparable aux ruptures profondes observées après les grandes guerres hégémoniques du passé. « Sur les 16 cas de transitions répertoriées, 12 ont mené à des guerres majeures », rappelle-t-il, soulignant que « l’architecture actuelle de la gouvernance mondiale, issue de la Seconde Guerre mondiale, semble s’essouffler ».

Diouf fait référence à une pensée antérieure, notamment à celle de l’ancien Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, qui proférait : « Il ne peut y avoir de développement sans sécurité, ni de sécurité sans droits humains ». Or, selon Diouf, ces trois piliers vacillent, pris en tenaille entre les crises multiples et les rivalités entre grandes puissances.

Sur l’émergence des BRICS, Diouf voit un basculement progressif de l’ordre mondial : « Ce n’est plus seulement une question de surface (ONU, FMI, OMC), mais de structure profonde. » Il ajoute : « Celui qui garantissait l’ordre est devenu révisionniste », évoquant les États-Unis. Il décrit la constitution de routes alternatives, la création de banques indépendantes et le développement de corridors stratégiques comme autant de signes de redéfinition des règles du jeu. « On contrôle les flux, donc on contrôle le monde », dit-il, en mettant en lumière la militarisation des routes commerciales.

Face aux tensions entre Washington, Moscou et Pékin, l’ancien militaire revient sur l’élargissement de l’OTAN, qualifié d’« erreur stratégique », une erreur selon lui ayant provoqué ou du moins justifié une réaction russe. Il invoque Thucydide : « La guerre du Péloponnèse est devenue inévitable car Sparte avait peur d’Athènes » — parallèle direct qu’il trace avec la période post-1991, où l’unipolarité issue de la chute de l’URSS s’efface, laissant place à une configuration véritablement multipolaire.

Concernant les conflits en cours, en particulier au Moyen-Orient, Diouf alerte sur une dangereuse escalade idéologique voire eschatologique. Le conflit israélo-palestinien dépasse selon lui le seul cadre de la géopolitique : « Quand des sionistes veulent construire le Troisième Temple, et que des évangélistes y voient l’annonce du retour du Messie, cela devient explosif. »

En conclusion, il se demande si l’ONU, instituée pour prévenir le retour du chaos mondial, est encore apte à jouer son rôle premier. « Le multilatéralisme actuel est-il celui des puissants ? », interroge-t-il. Pour Diouf, le véritable enjeu de cette Assemblée générale n’est pas dans les déclarations solennelles, mais dans la capacité concrète à reconstruire un ordre mondial qui soit équitable, pacifique, et véritablement multilatéral.

Il termine avec gravité : « Nous sommes dans un monde qui n’est plus, un autre qui n’est pas encore, et dans l’entre-deux surgissent les monstres. »

OUSMANE GOUDIABY


Article publié le lundi 22 septembre 2025
41 lectures

Infos par pays