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Les Préfinancements Pétroliers Français au Congo Brazzaville
Jean MERCKAERT, 30 janvier 2007

Depuis les années 1980, les banques Françaises et la compagnie pétrolière Elf utilisent massivement, avec l’assentiment de l’État Français, le préfinancement pétrolier en République du Congo. Le mécanisme n’a rien d’illégal en soi.
Un préfinancement pétrolier consiste à accorder ou à garantir un prêt à un État producteur de pétrole en s’assurant des droits sur la production de barils à venir. Mais au Congo Brazzaville, ce système de prêts gagés a surtout

1. institutionnalisé le pillage des ressources pétrolières du pays par Elf,
2. favorisé l’enrichissement des clans au pouvoir à Brazzaville (Dénis SASSOU NGUESSO et Pascal LISSOUBA) et de leurs complices
3. financé les armes qui allaient servir au massacre de dizaines de milliers de personnes en 1997-99.

Plus qu’un prêt en particulier, c’est l’utilisation de ce mécanisme, qui ne s’est pas démentie depuis 20 ans, qui est ici en cause. Aussitôt parvenu au pouvoir, par la force, en 1979, Denis SASSOU NGUESSO dilapide les ressources pétrolières du Congo Brazzaville (éléphants blancs, constitution d’une fonction publique pléthorique sur une base ethnique). En 1985, le pays, qui voit ses recettes chuter avec le prix du pétrole, ne parvient plus à honorer sa dette1.

C’est le début des préfinancements pétroliers :
- Le Président Dénis SASSOU NGUESSO se tourne vers Elf pour obtenir une avance de trésorerie. Il n’exige pour l’État que 17 pour cent des recettes pétrolières et en plus, il ignorait la quantité de pétrole produite . Une véritable aubaine pour Elf : le groupe est assuré d’être remboursé (…). Et surtout, il garde la main sur le pays. Le FMI, Paris, les banques prêtent également sans compter au Congo. A la fin de 1987, (…) le Congo est (…), par rapport au PIB, le pays le plus endetté du monde. (…) Début 1990, les recettes pétrolières ont déjà été hypothéquées jusqu’en 1994 !

- Pour faire face à ses obligations, l’État Congolais s’enfonce dans l’endettement gagé : En juin 1992, (…) j’ai moi-même signé avec Jack SIGOLET, le directeur financier d’Elf, un prêt gagé sur la production de pétrole de 50 millions de dollars , admet ainsi le ministre des Finances de l’époque, Jean-Luc MALEKAT

- Face à la concurrence de la compagnie Américaine Oxy, qui avance 150 millions de dollars en 1993, Elf accorde à son tour un préfinancement de 180 millions de dollars gagé sur la production du gisement prometteur de Nkossa, puis Elf a convaincu les banques Françaises de prêter de nouveau 150 millions de dollars . Pascal LISSOUBA se lance alors dans une course effrénée à l’endettement, gageant à tout va le pétrole Congolais. La dette contractée passe de 1,4 milliard de francs en 1992 à 3,8 milliards au début de 1996 .

- En 1997, Jack SIGOLET et le Monsieur Afrique d’Elf, André TARALLO, proposent des armes à Pascal LISSOUBA à hauteur de 61 millions de dollars, via le trafiquant belge Jacques MONSIEUR. L’argent n’est pas versé et Elf doit avancer les fonds. Au total, l’équipe LISSOUBA aurait levé un milliard de francs de juin à septembre 1997 pour des achats d’armes . Sorti vainqueur du conflit en octobre 1997, Dénis SASSOU NGUESSO lui-même s’indigne nous pouvons prouver que c’est avec l’argent du pétrole (…) que l’on a acheté les hélicoptères de combat et les bombes (…) L’ancien pouvoir a gagé comme blé en herbe 300 milliards de francs CFA sur les recettes pétrolières attendues

- En 1998, le Crédit Agricole monte au Congo-Brazzaville un préfinancement pétrolier au profit du putschiste Denis SASSOUNGUESSO : il lui verse 60 millions de dollars en contrepartie de 1,2 million de tonnes de pétrole (soit 7 dollars le baril). Entre février 1999 et janvier 2004, les préfinancements accordés par Paribas puis par BNP Paribas à la SNPC (Société Nationale des Pétroles Congolais) s’élèveraient à 650 millions de dollars.

- En 2004, la BNP a accordé plusieurs préfinancements à la SNPC ou à des intermédiaires, comme Trafigura11, qui vendent le pétrole entre 6 et 9 dollars en dessous du prix du marché, à des sociétés contrôlées par des proches de Dénis SASSOU NGUESSO. Les profits sur chaque transaction sont colossaux. La BNP semble même être le destinataire de certaines cargaisons de pétrole.
Combien représente aujourd’hui l’encours de ces dettes ?
Selon le FMI, la dette totale du Congo représentait 2,4 milliards de dollars en 1985, au moment des premiers défauts de paiement. Dénis SASSOU NGUESSO a légué une dette dépassant 5 milliards de dollars en 1992, montant qui s’est stabilisé sous Pascal LISSOUBA avant d’exploser à nouveau depuis la reprise du pouvoir par Dénis SASSOU NGUESSO, en 1997.
Fin 2005, la dette Congolaise, essentiellement due à des créanciers publics, atteignait 9,2 milliards de dollars : cinq fois le budget du pays.
Toutefois, il est très difficile de savoir quelle est la part des préfinancements pétroliers. Le FMI lui-même peine à obtenir une présentation claire du budget du Congo. Les militants qui tentent d’en savoir plus sur les revenus pétroliers, comme Christian MOUNZEO et Brice MACKOSSO de Publiez ce que vous payez , font l’objet d’un harcèlement continu du régime SASSOU NGUESSO. Il est d’autant plus difficile d’avoir un inventaire complet des prêts gagés contractés par le Congo que cette dette extrabudgétaire ne fait pas l’objet d’une même comptabilité et que les échéanciers peuvent être très courts (une cargaison de brut suffisant à compenser l’avance de trésorerie). De surcroît, la spéculation autour des créances Congolaises, sur le marché secondaire, rend difficile d’identifier le propriétaire des titres. Plusieurs fonds vautours, dont Kensington et FG Hémisphère, se sont ainsi manifestés, depuis quelques années, pour obtenir le remboursement intégral de créances rachetées à vil prix auprès de banques soucieuses d’apurer leur portefeuille.
Pourquoi peut-on présumer que ces dettes sont illégitimes ?
Nous nous en tiendrons ici aux trois critères développés par Alexander Nahum SACK pour définir une dette odieuse : la dette n’a pas bénéficié à la population, qui n’a pas consenti à cette dette et le prêteur était à même de connaître cet état de fait.
Absence de bénéfices
C’est pour répondre à d’urgents besoins de liquidités que le Congo Brazzaville a recouru aux préfinancements pétroliers.
Il n’était pas en position de force face aux compagnies pétrolières, qui ont imposé des contrats léonins. La valeur du pétrole est systématiquement sous-estimée (six à neuf dollars par baril sous le prix du marché, lors des préfinancements accordés par la BNP Paribas à la SNPC en 2003-2004), les taux d’intérêt pratiqués sont exorbitants, atteignant parfois 40 pour cent en rythme annualisé sur des prêts à court terme, les quantités produites ne sont pas nécessairement connues du gouvernement, ni la qualité du pétrole extrait.
Sans parler des cargaisons fantômes d’hydrocarbure qui échappent aux comptabilités officielles et sont partagées entre hommes de l’ombre . Au total, la Banque mondiale a fait remarquer dans les années 1990-91 que le rendement de l’exploitation pétrolière au Congo Brazzaville était l’un des plus bas du monde .
Au printemps 1995, étranglés par la dette et dès lors contraints de jouer selon les règles imposées par Elf , comme l’affirme le ministre des Finances de l’époque, Jean-Luc MALEKAT, Pascal LISSOUBA et son équipe bradent à Elf les parts de l’État Congolais dans Elf-Congo (25 pour cent) pour 250 millions de francs, quatre à seize fois en dessous de leur valeur réelle ! Bref, les préfinancements pétroliers institutionnalisent la spoliation durable du pétrole Congolais au profit d’Elf (devenue Total) et aux dépens du peuple Congolais.

Le pillage des ressources du pétrole (via les prêts gagés) n’est pas seulement le fait, à la source, des compagnies pétrolières étrangères. Il s’opère également dans l’usage des revenus du pétrole par les dirigeants Congolais.
En 1993, les 150 millions de dollars de prêts o

Article publié le mardi 10 février 2009
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