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Mali : décès de l’immense musicien Toumani Diabaté


L’immense musicien malien Toumani Diabaté, surnommé « roi de la kora », un instrument de musique africain, est décédé vendredi à Bamako à l’âge de 58 ans à la suite d’une courte maladie, a annoncé sa famille

« Mon cher papa s’en est allé à jamais », a indiqué son fils et artiste Sidiki Diabaté sur Facebook. Il est décédé dans une clinique privée de la capitale Bamako, a déclaré à l’AFP un autre membre de sa famille, sans plus de détails.

Toumani Diabaté, né en 1965 à Bamako, est issu d’une famille de griots, des gardiens des traditions et détenteurs d’histoire orale. Il était réputé pour son art de la kora, un instrument à corde africain.

« L’immense Toumani Diabaté a tiré sa révérence. Ce soir, la kora est orpheline de son Maître », a réagi le journaliste malien Seydou Sissouma sur X.

Le chanteur sénégalais Youssou Ndour a salué « un virtuose de la kora, un arrangeur musical hors pair », sur X.

La diva malienne Oumou Sangaré affirme que « le monde de la musique perd aujourd’hui l’un de ses plus grands ambassadeurs », sur Facebook.

Pour elle, plus qu’un virtuose de la kora, Toumani Diabaté était « un pont entre nos traditions ancestrales et la modernité, un artiste qui a su porter la voix du Mali aux quatre coins du monde ».

Le chanteur malien Salif Keita a déploré sur les réseaux sociaux « la perte (du) trésor national » du Mali, un pays actuellement confronté au jihadisme et plongé depuis 2012 dans une grave crise aux multiples dimensions.

Toumani Diabaté a commencé à jouer « dès l’âge de cinq ans » dans l’entourage de sa famille de griots avant de rejoindre l’Ensemble instrumental du Mali, témoigne, sur Facebook, l’ambassadrice du Mali au Canada, Fatima Braoulé Meité.

Il a joué en compagnie de grandes stars maliennes dont Ballaké Sissoko, un autre grand joueur de la kora et Ali Farka Touré, autre grand nom de la musique de ce pays ouest-africain, a-t-elle ajouté.

Avec AFP

Un extrait de France Culture sur l’immense musicien

Nous l’avions rencontré à de nombreuses reprises, pour France Culture, et pour un livre sur les artistes bamakois, réalisé avec la photographe Christine Fleurent, et dont voici un extrait ci-dessous.

« Celle-là ! Oui, c’est bien lui, la main recourbée sur le manche de son instrument, le buste légèrement incliné et le regard tourné vers l’intérieur du son qu’il produit. Sur l’écran de l’ordinateur de Christine Fleurent défilent des photos de Toumani Diabaté, volées le temps d’une répétition dans ce local du quartier Ouolofobougou Bolibana, à côté du cinéma Babemba. […]Voilà Toumani lorsqu’il joue. Je le sais, je l’ai vu plusieurs fois en concert, le silence est absolu dans la salle, qui n’existe plus réellement ; il n’y a que le son, miel, cristal, gouttelettes de pluie… L’artiste est un dieu de la kora. Il joue comme trois musiciens à la fois de cette harpe-luth aux vingt et une cordes, caractéristique de l’Afrique de l’Ouest, et plus particulièrement de l’empire mandingue. On doit à Toumani Diabaté le premier album solo d’un joueur de kora : « Kaira.»

« En 2006, à Paris, le Louvre invitait le prix Nobel de littérature Toni Morrison à « habiter » le musée à sa façon. Elle avait choisi le thème « Étranger chez soi » et, pour la partie musicale, avait convié, parmi d’autres, Toumani Diabaté. Dans ce lieu historique, Toumani apportait sa culture mandingue, vieille de sept cents ans. (..) Fils de Sidiké Diabaté, déjà un roi de la kora au Mali, et de la chanteuse Néné Koita, Toumani est griot comme on l’est de père en fils chez les siens. « griot maître-musicien, précise-t-il, et maillon d’une chaîne qui remonte au XIIIe … Si l’Afrique de l’Ouest était une personne vivante, le griot-djeli serait son sang.» L’image est forte, mais Toumani ne s’y arrête pas, mêlant son sang à celui des autres. Il s’est allié au groupe de flamenco Ketama, au bluesman Taj Mahal, aux musiciens cubains du Buena Vista Social Club. En témoigne le nom qu’il a choisi pour sa formation, Symmetric Orchestra. Il signifie «complémenta- rité», car le rôle du griot, et plus précisément du griot-djeli, est d’établir la communication entre les gens, et pas uniquement sur un plan historique.

«Le Boulevard de l’Indépendance», titre d’un de ses albums, est celui d’une artère qui mène Bamako à toutes les anciennes régions du grand empire mandingue, dont Toumani reforme l’âme musicale en lui ouvrant les portes de la modernité. L’artiste a su abolir les distances et déplacer les montagnes pour créer des rencontres et amener les autres chez lui, à Bamako. Le producteur anglais Damon Albarn, ou encore la chanteuse islandaise Björk, «tombée amoureuse de la kora…», me dit-il. Comme moi de celle de Toumani. J’aurais écrit la plupart de ces lignes en sa compagnie, et celle de son maître, Ali Farka Touré, à l’écoute en boucle de leur album commun, « In the Heart of the Moon », qui se redécouvre à l’infini en grand classique universel. Depuis la mort d’Ali Farka, Toumani préserve activement sa mémoire, à la tête d’une fondation et du festival qui se tient chaque année dans le village natal du plus grand guitariste malien, Niafunké. Leur rencontre a marqué les retrouvailles entre le Mali du Nord, celui d’Ali Farka, et le Mali du Sud, celui de Toumani : deux « étrangers chez eux », dialoguant.

Un soir, au Casino de Paris, pour la sortie du deuxième album réunissant Toumani et Ali Farka Touré, qui parvint à l’enregistrer malgré sa maladie avancée, M, Matthieu Chedid, arriva sur scène en guest-star. De ce duo unissant la guitare d’un jeune musicien français à la kora d’un griot malien d’aujourd’hui sortirent des accords divins, à la hauteur des notes venues du cœur de la lune, from the heart of the moon. » (Extrait de Novembre à Bamako )ed. Bec en l’air-Cauris Editions.


Article publié le samedi 20 juillet 2024
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