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La Guinée face aux chocs externes, croissance, inflation, dette : L’expert du FMI Nérée Noumon parle (interview) – Africa Guinee

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.gadsense_slot_2{ display: inline-block; width: 200px; height: 200px;} (adsbygoogle = window.adsbygoogle || []).push({}); CONAKRY-Face à un environnement mondial incertain et des défis économiques persistants, M. Nérée Noumon, Représentant Résident du FMI (Fonds Monétaire International) en Guinée, livre une analyse sans détours des perspectives régionales et des enjeux spécifiques à la Guinée. Il détaille les conclusions du dernier rapport du FMI sur les perspectives économiques en Afrique subsaharienne, et met en lumière les opportunités comme la ZLECAf (zone libre échange continentale africaine). L’expert du Fonds Monétaire pointe également des pistes concrètes recommandées par le Rapport pour renforcer la résilience économique et promouvoir une croissance inclusive en Guinée. Interview exclusive (première partie).

AFRICAGUINEE.COM : Le Fonds Monétaire International (FMI) a publié un rapport sur les perspectives économiques régionales en Afrique subsaharienne. Quelles sont, selon vous, les principales conclusions du rapport qui méritent une attention particulière pour l’ensemble de l’Afrique subsaharienne ?



M. NÉRÉE NOUMOUN: Merci, c’est un plaisir de vous rencontrer. Ce que je peux dire, c’est qu’après une reprise très encourageante en 2024, avec une croissance régionale de 4%, l’élan a freiné. Ceci est dû à des chocs extérieurs tels que le ralentissement de la demande mondiale, la baisse des prix des matières premières, et le durcissement des conditions financières. Du coup, on a procédé à une révision à la baisse de la croissance qui devrait ainsi retomber à 3,8 % en 2025.

Donc, les conclusions du rapport sont que nous vivons dans un monde différent. C’est une unanimité pour tous les preneurs de décision sur la planète. L’incertitude est élevée, les chocs sont là pour rester et sont devenus une réalité. A cela s’ajoute la baisse séculaire de l’Aide Public au Développement (APD) et le coût du financement qui reste élevé.

Ceci arrive dans un contexte où la région reste confrontée à une forte vulnérabilité. Malgré le repli de l’inflation à 4,5 % au niveau régional mais la dette publique reste élevée, et les coûts de financement sont toujours très lourds pour de nombreux pays. Ce qui limite en quelque sorte les marges de manœuvre budgétaire. Dans ce contexte, les autorités doivent jongler entre ajustement macroéconomique traditionnel, mais également l’investissement dans le Développement, et s’assurer que les besoins sociaux élémentaires soient accomplis.



Le FMI recommande d’adapter les politiques à la réalité de chaque pays. Ceci demande des réformes plus rapides pour les plus vulnérables, et plus progressives là où la stabilité est meilleure. Mais dans tous les cas, la priorité est de reconstruire les marges budgétaires et extérieures et de renforcer la résilience aux chocs.

Le rapport insiste sur la nécessité de mobiliser davantage des ressources intérieures et d’améliorer la gestion des finances publiques. Dans ce contexte difficile, la solidarité internationale est aussi très importante. Le FMI s’engage à continuer à supporter les pays membres, mais également en apportant des appuis plus ciblés pour améliorer la résilience des pays de la région. En résumé, ce rapport appelle les décideurs à conjuguer rigueur, adaptation, et coopération pour maintenir le cap du développement dans un monde incertain.

Le rapport identifie-t-il de nouveaux défis ou des opportunités inattendues pour la région par rapport aux analyses précédentes du FMI ?

Oui le rapport d’avril 2025 du FMI identifie à la fois de nouveaux défis significatifs et quelques opportunités inattendues pour l’Afrique subsaharienne. Mais commençons d’abord par les défis. La région fait face à une brusque détérioration de l’environnement mondial et une hausse de l’incertitude. Ce n’est plus un secret pour personne, les tensions commerciales, notamment les droits de douane américains, couplées avec le resserrement durable des conditions financières mondiales, compliquent l’accès au financement pour de nombreux pays.

En parallèle, il y a le recul possible de l’aide publique au développement, notamment de la part des États-Unis et d’autres bailleurs européens. Ça constitue une menace directe pour les pays les plus vulnérables. Ces chocs s’ajoutent dans certains pays à des tensions sécuritaires régionales – comme les conflits au Soudan ou en RDC – qui aggravent les pressions sociales et budgétaires.



Mais le rapport identifie aussi des évolutions positives. L’inflation recule nettement dans plusieurs pays grâce aux actions bien éclairées des décideurs, notamment la Banque Centrale qui ont maintenu une politique monétaire restrictive. Beaucoup de pays, malgré un contexte difficile, des réformes orientées vers la gouvernance, la mobilisation des ressources domestiques et l’investissement privé ont été mises place, ouvrant la voie à une croissance plus inclusive et durable. A titre d’exemple, malgré certaines difficultés, certains pays notamment la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Ghana, ont réussi à avoir accès au marché avec succès.

Une opportunité structurante que le rapport souligne, c’est le projet de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Elle représente vraiment un levier stratégique pour renforcer l’intégration économique régionale, stimuler le commerce intra-africain et diversifier les sources de croissance. En réduisant les barrières tarifaires et non tarifaires, la ZLECAf peut améliorer la compétitivité des économies africaines, attirer plus d’investissements privés et favoriser la montée en gamme des exportations, en particulier pour les pays enclavés ou peu diversifiés. C’est une opportunité à saisir. Le rapport appelle à promouvoir la résilience économique à travers des politiques cohérentes, crédibles, et un appui international ciblé.

Comment le FMI évalue-t-il l’impact des chocs externes récents (par exemple, conflits géopolitiques, fluctuations des prix des matières premières, dérèglement climatique) sur les perspectives de croissance de l’Afrique subsaharienne ?

Cette question est vraiment très importante. Le FMI constate que la reprise économique en Afrique subsaharienne a été brutalement interrompue par une série de chocs externes récents. Ces chocs incluent la montée des tensions géopolitiques, les fluctuations des prix des matières premières et l’intensification des effets du changement climatique.

D’abord, sur le plan géopolitique, on a la montée du protectionnisme — notamment les nouvelles barrières tarifaires américaines — qui a ralenti la demande mondiale, affaibli les exportations africaines, et contribué à la baisse des prix des produits de base, pesant ainsi sur la croissance des pays exportateurs. Face à cette volatilité, la croissance régionale a été révisée à la baisse.



Le durcissement des conditions financières mondiales est un autre canal clé. Les taux d’emprunt ont augmenté, rendant plus difficile l’accès aux financements, notamment pour les pays dont la dette est élevée. Donc, le FMI estime que cette pression financière pourrait réduire l’activité économique régionale de près de 2 points de pourcentage d’ici 2026 dans un scénario pessimiste.

Enfin, quand on regarde le changement climatique qui est une réalité, il représente un risque croissant pour la productivité agricole, les infrastructures et la sécurité alimentaire. Des phénomènes extrêmes comme les sécheresses ou les inondations viennent aggraver la pauvreté et l’insécurité alimentaire, qui touchent déjà plus de 140 millions de personnes dans la région. Face à ces défis, le FMI appelle à renforcer la résilience par des politiques économiques prudentes, cohérentes et crédibles, tout en accélérant les réformes pour diversifier les économies et renforcer la mobilisation des ressources domestiques.

Quelles sont les recommandations de politiques générales que le rapport formule pour les pays de la région afin de renforcer leur résilience économique et de promouvoir une croissance inclusive ?

Pour renforcer leur résilience économique et promouvoir une croissance inclusive, le rapport du FMI formule plusieurs recommandations clés à l’intention des pays de l’Afrique subsaharienne. D’abord, le rapport insiste sur la nécessité de maintenir la stabilité macroéconomique, à travers des politiques budgétaires et monétaires prudentes, cohérentes et crédibles. Cela passe notamment par le renforcement des marges de manœuvre budgétaires, la mobilisation accrue des recettes domestiques, l’amélioration de l’efficience et de l’efficacité des dépenses, et une gestion plus rigoureuse des finances publiques pour contenir le coût de la dette.

Ensuite, pour soutenir une croissance inclusive, les pays sont appelés à accélérer les réformes structurelles : renforcer la gouvernance, améliorer le climat des affaires, et favoriser l’intégration commerciale régionale à travers la ZleCaf.

Le rapport met aussi l’accent sur la nécessité d’investir dans le capital humain — santé, éducation, protection sociale — et dans les infrastructures pour stimuler le secteur privé, moteur essentiel du développement à long terme. Enfin, face à la pauvreté persistante et aux vulnérabilités multiples, les pays doivent promouvoir des stratégies de croissance diversifiée, créatrices d’emplois, tout en renforçant les filets de sécurité pour les populations les plus fragiles.



Dans ce cadre, le soutien des partenaires internationaux reste crucial, en particulier pour les pays pauvres ou en situation de fragilité, afin de garantir un accès stable aux financements extérieurs et aux marchés. Des pays comme le Soudan, la Centrafrique, nécessitent vraiment le soutien des partenaires internationaux. En résumé, c’est par une combinaison d’ajustements macroéconomiques prudents, de réformes structurelles ambitieuses, et une meilleure inclusion sociale que la région pourra bâtir une croissance plus forte et plus résiliente.

Quelles sont les projections spécifiques du FMI pour l’économie guinéenne dans ce rapport ?

Merci pour cette question. Effectivement, le rapport couvre toute l’Afrique subsaharienne. On a des prévisions pour chacun des pays de la région. En ce qui concerne la Guinée, la croissance en 2024 est prévue pour atteindre 6.1%. Ce qui est une très bonne performance étant donné qu’en 2024, les autorités ont eu à faire face au choc de l’explosion du dépôt principal d’hydrocarbures de Kaloum. En 2025 et 2026, la croissance va s’accélérer, tirée essentiellement par la phase de construction du Project Simandou, mais également la phase d’exploitation et d’exportation. En 2025-2006, on aura une croissance de 7.1% et de 10.6%. Mais il est à noter que c’est une croissance qui n’est pas encore diversifiée. Dans ce cadre, les autorités sont en train de travailler, notamment avec le programme Simandou 2040, qui va pouvoir diversifier cette croissance, à travers des secteurs comme l’agriculture, les services, l’éducation de manière intégrée.



En ce qui concerne l’inflation, le rapport projette une baisse importante de 8.1% en 2024 à 3.5% en 2025. Mais il est important de noter que les facteurs qui ont affecté cette baisse sont un changement de méthodologie. On passe d’une méthodologie qui couvre Conakry à une méthodologie qui couvre toute la Guinée. Il y a aussi des actions importantes qui ont été faites au niveau de la Banque centrale. Donc, une baisse de l’inflation à 3.5% est prévue. On pense que ce serait possible, étant donné les données de haute fréquence qu’on voit, que l’inflation aille en dessous de 3%. Les projections faites dans le rapport concernent le 1er trimestre et publié en avril. La situation a beaucoup évolué, il est fort probable que cette inflation soit un peu plus basse (en dessous de 3%).

En avril, nos projections de réserves (en) devises étaient à 1.2 mois d’importation pour 2025. Mais la situation s’est améliorée de manière substantielle. La Banque centrale a pris des actions importantes pour renforcer ses réserves. Au jour d’aujourd’hui, on se retrouve autour de 1.8 mois d’importation. Donc, la situation s’est améliorée pour la couverture des réserves.

Le ratio de la dette a augmenté en 2024 de manière substantielle pour faire face à l’impact de l’explosion du terminal de Kaloum (…). Ceci est essentiellement lié à l’emprunt domestique. Mais en 2025, étant donné que ces effets vont disparaître, on pense que le niveau de la dette va baisser. Il se pourrait également que de manière mécanique, aux vues des dernières opérations de rebasage du PIB, le ratio de la dette qui était à 47% en 2024, puisse baisser de manière substantielle en dessous de 30%.

Le rapport met-il en évidence des secteurs spécifiques de l’économie guinéenne qui pourraient être des moteurs de croissance ou, au contraire, des freins ?

Une question pertinente. Effectivement, le rapport identifie clairement des secteurs qui peuvent être des moteurs ou des freins à la croissance en Guinée. C’est une forme d’extrapolation, étant donné les caractéristiques de la Guinée, et étant donné que le rapport identifie les grandes tendances sans vraiment trop se concentrer sur un pays spécifique.

Du côté des moteurs de la croissance, il y a évidemment l’investissement public, les exportations de produits de base comme la bauxite et l’or, ainsi que les efforts de diversification, y compris à travers la transformation locale (qui) pourrait créer la valeur ajoutée, et soutenir la croissance. La Guinée exporte plus de matières premières, mais la question c’est comment avoir plus de valeur ajoutée. Donc, diversification, transformation locale, ce sont des chantiers très chers aux autorités guinéennes et qui pourront booster la croissance.  L’agriculture modernisée et l’agrobusiness, le développement du secteur des services, notamment les télécommunications et la finance numérique, offrent aussi un potentiel important.



Au niveau des freins possibles à la croissance, ils proviennent du secteur de l’énergie qui absorbent beaucoup de ressources de l’État. En 2024, la subvention à EDG absorbait à peu près 60% des revenus miniers. Mais il faut avouer que la tendance est à la baisse. Il y a des améliorations, mais il est important de pouvoir trouver des solutions à cette situation. Donc, le secteur de l’énergie absorbe beaucoup de ressources de l’Etat, ce qui est un frein à l’industrialisation. Une réflexion est en cours pour trouver des solutions. C’est l’une des priorités de l’Etat. La dynamique est là.

A part l’énergie, l’autre chose, c’est le capital humain qui a encore besoin de beaucoup d’investissement. Les autorités en sont conscientes et prennent des mesures adéquates. Par ailleurs, la vulnérabilité aux chocs extérieurs, le manque de diversification, les contraintes budgétaires, et les défis de gouvernance peuvent se révéler être des freins puissants à la croissance.

Quelles mesures concrètes le FMI recommande-t-il au gouvernement guinéen de prendre pour améliorer la situation économique du pays, notamment en ce qui concerne la gestion budgétaire, la politique monétaire et les réformes structurelles ?

Le rapport du FMI s’est appesanti sur trois types d’actions publiques. Que ce soit au niveau du Budget, du Ministère des Finances, avec la politique budgétaire, ou alors au niveau de la banque centrale, la politique monétaire et des réformes structurelles. Donc, le FMI recommande plusieurs mesures concrètes au gouvernement guinéen pour améliorer la situation économique.

Sur le plan budgétaire, le FMI insiste sur la réduction du déficit par un meilleur contrôle des dépenses et une mobilisation accrue des recettes. En particulier, on pense qu’un déficit encré à un niveau inférieur à 3% dans le moyen terme, permettrait de contenir les vulnérabilités liées aux finances publiques. Mais en plus, ça serait cohérent avec les critères de convergence sous régionaux.



Le FMI recommande de contenir les exonérations, de reformer EDG afin de baisser les subventions à l’énergie. En ce qui concerne, les exonérations et les dépenses fiscales en général, il y a beaucoup d’actions qui sont en train d’être menées par le Gouvernement. C’est le lieu de le féliciter, féliciter le ministère du Budget en particulier, par rapport à différentes mesures prises ou en cours.

Le FMI insiste aussi à prioriser les dépenses sociales essentielles pour améliorer le score de la Guinée en matière d’indicateurs sociaux. Lorsqu’on le compare aux pays de la sous-région ayant le même standing, il y a un chantier à ce niveau. En matière de politique monétaire, le rapport appelle les banques centrales telles que la BCRG (qui ont un niveau d’inflation faible) à rester flexible et s’appuyer sur une analyse de données constante. En particulier, le Fonds Monétaire International recommande l’accumulation des réserves de change. La banque centrale est en train de faire du très bon travail par rapport à cela. Le FMI recommande aussi de renforcer les outils de gestion de la liquidité et d’avoir une bonne coordination avec la politique budgétaire, de renforcer la communication autour des décisions monétaires.

Enfin, sur le plan structurel, le Fonds monétaire encourage une amélioration de la gouvernance, en particulier dans le secteur minier et la gestion des finances publiques. Nous appelons aussi à renforcer le climat des affaires, à moderniser les administrations fiscales et douanières, et à favoriser un cadre propice à l’investissement privé. Ces réformes sont essentielles pour assurer une croissance inclusive et durable.

A suivre !

Interview réalisée pour Boubacar 1 DIALLO

Pour Africaguinee.com


Créé le 21 juillet 2025 01:13



Article publié le lundi 21 juillet 2025
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