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Cameroun

Pr. Touna Mama: "Des coudées franches pour une politique de développement plus audacieuse"

 Les explications du Pr. Touna Mama, économiste, sur l'initiative PPTE.

Comment réagissez-vous au franchissement par le Cameroun du point d’achèvement de l’initiative PPTE ?

C’est une réaction de soulagement parce que, comme chacun le sait, le Cameroun a couru derrière le point d’achèvement au risque de s’essouffler. Maintenant qu’il est atteint, on peut pousser un grand ouf en se disant qu’une étape vient d’être bien franchie, même si le chemin reste long à parcourir.

D’aucuns estiment que le point a été accordé au Cameroun " avec faute ". Partagez-vous cette analyse ?

Je suis mal placé pour corroborer une telle affirmation. Ce point d’achèvement nous a échappé une première fois. Après avoir raté en quelque sorte son examen à la session normale, si le Cameroun devait le rater une nouvelle fois en " session de rattrapage ", cela aurait donné à penser que notre pays ne devait jamais l’atteindre. Alors que cela ne relève quand même pas d’un miracle.

Concrètement, pour le commun des mortels que signifie ce fameux point d’achèvement ?

Ce qu’il faut comprendre, c’est que des pays en développement comme le Cameroun se sont endettés et ont atteint des niveaux d’endettement insupportables. Ils se trouvaient dans l’impossibilité de rembourser. Après avoir préconisé des solutions qui n’ont pas tenu, la communauté financière internationale notamment la Banque mondiale et le Fonds monétaire international ont compris la nécessité de réduire une partie substantielle de la dette de certains pays jugés pauvres et très endettés. Pour éviter de compromettre leur développement.

A partir de ce constat, en 1996, la Banque mondiale et le FMI ont mis sur pied ce qu’on appelle initiative PPTE. Celle-ci consiste à aller au-delà des solutions qui étaient préconisées jusque là, notamment le rééchelonnement de la dette qui n’était qu’une véritable fuite en avant. On a défini des critères d’éligibilité à l’initiative qui tiennent au dépassement de certains ratios, par exemple le ratio l’encours de la dette sur le produit national brut, ou encore le ratio service de la dette sur les recettes d’exportation… On a élu 43 pays (dont 32 pays africains) pouvant prétendre au bénéfice de cette initiative. Mais pour y parvenir, ces organisations ne voulaient pas offrir de prime à des mauvais élèves. Elles ont donc instauré des conditionnalités, des politiques de réformes que ces pays devaient engager : libéraliser l’économie, réduire le déficit des finances publiques, privatiser les entreprises publiques, ouvrir l’économie de plus en plus à l’extérieur.

Le Cameroun a donc satisfait à l’ensemble de ces conditionnalités. Et maintenant, qu’est-ce qui va se passer ? Quel volume de dette va être allégé ou annulé ?

Il va se passer que notre pays va avoir une remise de dette d’au moins 1400 milliards de FCFA sur un stock total de quelque 5000 milliards de FCFA. Il s’agit là de la dette multilatérale (Banque mondiale, FMI, BAD). Mais le franchissement du point d’achèvement ouvre également la voie à une réduction de la dette bilatérale, le cas notamment de la France qui devrait signer bientôt un contrat de désendettement pour le développement (C2D). Des ressources que la France affecterait au développement du Cameroun.

Remise de dette ou annulation ?

Vous avez suivi récemment l’initiative du Premier ministre britannique, Tony Blair selon laquelle il fallait augmenter l’aide aux pays en développement, en particulier aux pays africains. Une augmentation de l’aide qui devait passer par l’annulation de la dette. En examinant la première liste de pays qui ont bénéficié de l’initiative Blair (validée par le groupe du " G7 "), on s’aperçoit que ce sont des pays qui ont atteint le point d’achèvement. On peut donc conclure que dans un premier temps, on va assister à une remise partielle de la dette du Cameroun selon la convention de l’initiative PPTE. Mais je ne doute pas un instant que la nouvelle donne va amener le Cameroun à bénéficier

 


Article publié le Tuesday, May 9, 2006