Tribune libre
C’est navrant de découvrir l’étendu de l’inculture de certains concitoyens au sujet des réalités de notre cher pays le Congo. On ne peut qu’être abasourdi par des propos somme toute irresponsables, susceptibles non seulement d’exacerber l’ethnicisme, de générer des frictions interethniques inutiles, mais aussi d’apporter de l’eau au moulin des chantres de l’ethnicisme politique qui, du reste demeure un fonds de commerce du politicien congolais. Comment peut-on véhiculer l’idée saugrenue selon laquelle les Vili constitueraient la seule population autochtone de la région du Kouilou ? Comment peut-on insinuer que le pétrole du Kouilou est la propriété des Vili et que ceux-ci devaient prioritairement en être les bénéficiaires ? Pourquoi au nom de ce pétrole les ressortissants du Kouilou sont-ils taxés de “souris de la maison” et le reste des congolais de “rats de jardin”? Les malheurs d’un peuple résultent de l’ignorance, c’est pourquoi il est judicieux de l’édifier sur ce qui est essentiel, sinon indispensable à sa connaissance.
D’emblée, il convient de signaler que la région du Kouilou est peuplé par des Kongo Nord-Occidentaux encore appelé peuple de Loango: Yombe, Lumbu, Vili. Et historiquement parlant, les Kugni sont également partie intégrante du royaume de Loango. Mais un découpage malencontreux de l’administrateur colonial les fait figurer dans la région du Niari. Les affinités linguistiques, culturelles et génétiques sont non seulement pertinentes entre ces différentes ethnies, mais aussi avec celles l’enclave angolaise du Cabinda (Kotchi, Lindji, Yombe, Woyo) et du Congo-Kinshasa (Yombe). En effet, la région du Kouilou est à l’image de ce que sont les autres régions du Congo-Brazzaville, c’est-à-dire pluriethnique. Il convient cependant d’inférer que la configuration ethnique de notre société se présente telle une mosaïque ou du moins un damier inextricable, ce qui du reste constitue une véritable richesse, au regard des particularismes culturels dont recèlent ces différentes ethnies. Il est donc important que toutes les composantes ethniques de cette région soient prises en considération d’autant qu’elles constituent les forces vives du Loango. Il serait cependant indécent et pernicieux que l’une de ces ethnies manifeste de la condescendance à l’endroit des autres. Pour ce faire, nous devons éviter d’agiter le chiffon rouge de l’ethnicisme et de l’ethnocentrisme avec tout ce que cela implique comme conséquence.
Ponton, la ville pétrolière
C’est une lapalissade d’affirmer que le Congo est un bien commun à tous les congolais et les matières premières que regorge son sous-sol ne peuvent être la propriété exclusive d’une ethnie du simple de l’implantation de celle-ci sur la région où se trouverait une ressource quelconque. La nature a voulu que le peuple de Loango habite une région riche en pétrole, mais il n’en demeure pas moins que ce pétrole du Kouilou soit une propriété de l’Etat congolais, donc propriété des congolais dans leur ensemble. C’est grotesque et maladroit de vouloir justifier le siphonage éhonté du pétrole et le détournement de la manne pétrolière par des supputations mensongères du genre : “…lorsque les rats des jardins vont manger le fromage dans le buffet à l'intérieur d'une maison c'est que les souris de la maison leur ont indiqué le chemin.” Au fond tout le monde sait que la guerre de 1997 avait pour enjeu majeur le pétrole et que c’est de manière illicite qu’une oligarchie corrompue s’est accaparée de cette manne. Le bon sens aurait voulu que l’argent généré par l’or noir puisse contribuer au développement socio-économique intégral du Congo, ce qui n’est hélas pas le cas. Le bon sens aurait voulu qu’il y ait un vaste programme de construction d’infrastructures sociales de base (écoles, dispensaires, hôpitaux, routes…), ce qui n’est hélas pas le cas. Le bon sens aurait voulu qu’il y ait une redistribution des richesses en vue de l’amélioration des conditions de vie des citoyens, ce qui n’est hélas pas le cas. Le bon sens aurait enfin voulu qu’il y ait une volonté politique de réduction drastique des inégalités et de la pauvreté, ce qui n’est hélas pas le cas. Il est de notoriété publique que le pétrole, loin d’être une bénédiction, est devenue une malédiction pour les congolais. Bien évidemment, il ne peut en être autrement au regard de la pollution (affectant l’écosystème et générant des maladies) et surtout des guerres dont le peuple innocent en fait les frais.
Il n’est un secret pour personne, les revenus du pétrole congolais ne se trouvent nullement au trésor public, ils sont plutôt planqués dans des paradis fiscaux et dans des pays occidentaux. Le pouvoir clanique en place a fait main basse sur la rente pétrolière au point d’en faire une gestion des plus opaques. Ce pouvoir clanique, s’illustrant par une boulimie kleptomaniaque, n’a jamais ménagé sa volonté moins encore ses efforts pour amasser des bas de laine dans des banques étrangères. Il est cependant tout à fait paradoxal de voir un petit pays immensément riche porter le label Pays pauvre très endetté (PPTE), alors qu’il contribue activement à l’enrichissement des pays tiers. Comment alors comprendre qu’un pays n’ayant, à l’évidence, aucun soucis de trésorerie puisse continuer à réaliser ses quelques rares projets avec le concours des capitaux étrangers ?
Le moins qu’on puisse dire c’est que cette situation est de nature à inscrire notre pays dans une dynamique perpétuelle de dette extérieure. Laquelle dette les futures générations seront redevables vis-à-vis de l’étranger. Voilà comment par voie de prédation effrénée une oligarchie appauvrit, allègrement et en toute bonne conscience, tout un peuple au profit des tiers. Cette situation est d’autant plus ubuesque qu’on peut affirmer sans ambages que la richesse du peuple congolais est passée dans des mains des étrangers. On ne saurait accréditer de funestes idées subversives du genre: “Les rats de jardin grignotent le fromage des souris de la maison” ou encore “Les Mbochi écrasent les Vili”, quand on sait pertinemment que le peuple congolais dans son ensemble est victime d’une épouvantable kleptocratie qui s’illustre par la criminalité économique. Pourquoi doit-on incriminer l’ethnie mbochi, laquelle est d’ailleurs l’otage d’un pouvoir clanique qui entrave le bon fonctionnement du pays et compromet l’avenir de tout un peuple? Il faudrait qu’on fasse attention, car ce discours est très dangereux; dans ce sens qu’il consiste à manipuler les consciences et inoculer le germe de la haine et de la division dans l’esprit des gens afin de les dresser les uns contre les autres. Et en agissant ainsi on se trompe lamentablement de combat. C’est pourquoi il est incongru et erroné d’affirmer que les Mbochi ont dépossédés les natifs du Kouilou de la rente pétrolière. En réalité, c’est une majorité écrasante de congolais qui est privée du droit à la jouissance des richesses du pays.
Ponton-Les-Eaux
En somme, le Congo-Brazzaville sombre dans une déliquescence sans précédent, ponctuée par une gabegie financière au sommet de l’Etat, une corruption endémique et galopante minant tout le corps social, un climat délétère d’ethnicisme et un grave ravalement des valeurs morales ataviques. Le moins qu’on puisse dire c’est que le pouvoir actuel, véritable calamité pour le peuple, a réussi l’exploit de transformer celui-ci en paria. Les congolais, réduits en hères de la République, vivent dans des conditions insoutenables. Il y a nombre de cas patents qui témoignent de la rétrogradation du Congo. La femme congolaise, ayant perdu de sa superbe et de sa dignité, tend la main sur le trottoir pour gagner sa pitance quotidienne. Sur le fleuve Kouilou, faute d’un bateau décent, la population de Kakamoeka, en est réduit à voyager sur des radeaux de fortune en bambou. Souvenons-nous aussi de ces images insolites ayant circulé récemment sur la toile et où l’on pouvait voir des écoliers de Mossaka traversant un cours d’eau à la nage, tenant vêtements et fournitures scolaires de l’autre main. Des situations d’autant plus anachroniques qu’elles relèveraient de la période antédiluvienne! A l’évidence, la misère est la même de Kakamoeka à Souanké, en passant par Mossaka.
De ce qui précède, on retiendra que le peuple congolais est la proie d’une oligarchie corrompue liée aux puissances financières et politiques extérieures. Aussi les souris de la maison et les rats de jardin sont tous logés à la même enseigne, car confrontés à une paupérisation et à une même indigence que leur impose un ramassis de félons au service de l’étranger. Le peuple ne peut indéfiniment s’accommoder des traitres à la patrie et d’un pouvoir qui viole les droits essentiels des citoyens et porte atteinte à la dignité humaine. Il est donc impératif pour les congolais de fédérer leurs forces et de constituer un front unitaire, afin de combattre et mettre hors d’état de nuire la pègre responsable de leurs malheurs. Et seule une volonté forcenée conjuguée à l’action décisive permettra de faire aboutir ce dessein salvateur.
René MAVOUNGOU PAMBOUMembre de Unis Pour le Congo (UPC
Article publié le Tuesday, July 5, 2011