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Mali

Porte ouverte du Centre national d'appareillage orthopédique du Mali (CNAOM) : De grandes ambitions en vue malgré des moyens faibles

  Le Centre national d'appareillage orthopédique du Mali (CNAOM) créé en décembre 2002, est un établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST) chargé de fournir des prestations spécialisées en matière d'appareillage orthopédique et de rééducation ainsi que toutes les opérations concourant à la réalisation de cette mission. En moyenne, le CNAOM effectue 8 000 consultations par an, 20 000 séances de rééducation et fabrique plus de 900 appareils orthopédiques. La directrice générale du Centre, Mme Bocoum Mariétou Kamissoko nourrit beaucoup d'ambitions pour son service malgré la faiblesse des ressources. Convaincue que l'Etat fait déjà beaucoup d'efforts, elle compte sur des partenaires éventuels et des personnes de bonne volonté pour soutenir ce service stratégique dans la politique de développement social.

Implanté au Quartier Mali à côté du Centre de santé de référence de la commune V, le CNAOM est certes un service peu connu du commun des Maliens, mais effectue de merveilleuses choses qu'on ne peut savoir qu'en visitant les lieux. Une opportunité dont une équipe de journalistes a pu bénéficier, le samedi 28 mai. C'était avec la première responsable des lieux, Mme Bocoum Mariétou Kamissoko, accompagnée de certains de ses collaborateurs. C'est une brave dame, joviale et disponible que nous avons rencontrée. Elle s'est surtout montrée très sensible à la cause  des patients accueillis au Centre dont certains sont des cas très pathétiques face auxquels personne ne peut rester indifférent.


D'entrée de jeu, elle a souligné que la mission de ce service qui relève du ministère du Développement social, de la solidarité et des personnes âgées, est de fournir des prestations spécialisées en matière d'appareillage orthopédique et de rééducation  ainsi que toutes les opérations concourant à la réalisation de cette mission. A ce titre, le CNAOM est chargé de la promotion de la recherche, des études et de la documentation dans le domaine de l'appareillage orthopédique et de la rééducation ; de la participation à la formation et à l'information scientifique et sociale ; la promotion des prestations spécialisées  en matière d'appareillage orthopédique et de rééducation;  la conception et la production d'appareils et d'aides techniques pour personnes handicapées. Avec un effectif de 83 agents pour ses services de Bamako et de six régions, le CNAOM effectue en moyenne 8 000 consultations par an, 20 000 séances de rééducation et fabrique plus de 900 appareils orthopédiques.


592 enfants malades de pied-bot pris en charge


En plus de ses activités traditionnelles de réadaptation focntionnelle, le Centre conduit depuis 2006, en partenariat avec une ONG autrichienne (Austrian Doctors for Disabled) un projet de prise en charge des enfants pied-bot selon la méthode Ponseti. Le Mali est le premier pays de l'Afrique francophone à expérimenter cette méthode. Le pied-bot est une malformation congénitale de l'appareil locomoteur. Il constitue, selon Mme Bocoum, la cause la plus fréquente de pathologie de l'appareil locomoteur à la naissance après les séquelles d'injection et les séquelles de poliomyélite. De 2006 à nos jours, le Centre a pris en charge entièrement  et gratuitement 592 enfants malades de pied-bot. Face à la multiplication des cas de pied-bot, le CNAOM vient d'élaborer et de soumettre à la Commission de l'UEMOA un projet sous-régional de prise en charge des enfants malades de pied-bot dans l'espace UEMOA.


Ce projet qui s'ajoute à d'autres, fait partie des nombreuses initiatives engendrées depuis l'arrivée en février 2008 de Mme Bocoum à la tête de cette structure. Ces premières mesures ont d'abord porté sur la réorganisation de l'espace du Centre et la construction d'un bureau d'accueil et d'orientation des usagers.


Mais la visite des lieux nous a permis de constater que le Centre a connu beaucoup de mutations ces dernières années. Ainsi le bloc administratif et l'atelier ont été rénovés avec l'appui de Handicap international tout comme le parc auto. Le bloc orthopédique ainsi que le bloc de kinésithérapie ont connu des améliorations considérables avec des salles bien équipées, même si certaines installations du bloc orthopédique sont vieilles et nécessitent un renouvellement.


Un bloc opératoire ultramoderne


Le plus grand point de satisfaction au niveau du CNAOM est le nouveau bloc opératoire construit et équipé par le BSI. Ce bloc attend d'être mis en marche à cause de l'insuffisance de l'électricité disponible. D'après Mme Bocoum, il faut une ligne  moyenne tension pour supporter ces équipements très modernes.


A côté de ce bloc, le Centre construit deux bureaux pour les chirurgiens et un centre de long séjour pour les patients étrangers et nationaux éloignés du Centre. En effet, depuis un certain temps, face à l'obligation morale de loger des malades qui se réfugiaient dans la cour, faute de moyen de faire des va-et-vient, le Centre a transformé deux bureaux en logement. Ce qui a permis d'accueillir de nombreux malades dont un Nigérien et un Guinéen. Lors de notre passage, certains malades étaient encore sur place dont une femme peulh. Parmi elles, l'enfant souffre de pied-bot. Ce centre de long séjour aura une capacité de 12 lits et l'entreprise promet de terminer avec les travaux d'ici à deux mois. 


Concilier le social et  la rentabilité


Le CNAOM est aujourd'hui dans un besoin de personnel tant au niveau du nombre que de la formation continue. Au niveau des ressources, certes,  l'Etat subventionne, mais les besoins sont énormes, car le groupe cible du centre est en grande partie constitué de personnes démunies qui ont du mal à assurer les frais de traitement et de transport. Le Centre est dans un sérieux dilemme de concilier le social et la rentabilité des équipements et prestations. Par exemple, la rééducation est gratuite pour les enfants et  de 1000 FCFA par séance pour les autres, avec demi tarif pour les personnes âgées. Mais rares sont les patients qui peuvent s'acquitter de cette somme et le Centre ne peut pas ne pas les prendre en charge. Idem pour les appareils d'aide technique de marche qui sont coûteuses à cause du prix élevé des matières premières dont la grande partie est importée.   


Cette insuffisance de ressources n'empêche pas la Direction générale du centre d'avoir des ambitions pour le futur. En effet, Mme Bocoum et son équipe projettent de faire du Centre une référence en Afrique de l'ouest. Pour cela, elle envisage de renforcer les antennes régionales en les dotant du plateau technique adéquat, d'ouvrir des centres de proximité dans les communes du District. Outre la mise en service du bloc opératoire et du centre de long séjour, la directrice générale du CNAOM  envisage de procéder à un pavage de la cour du Centre pour faciliter le mouvement des malades. Aussi, elle envisage de construire une salle de gymnastique, un laboratoire imagerie, un espace pour enfants et une balnéothérapie.


Pour réaliser ces projets, Mme Bocoum  compte sur le soutien des partenaires techniques et financiers et sur les bonnes volontés. En effet, elle est convaincue que le handicap est pour tout le monde, personne n'étant à l'abri de ce drame. C'est pourquoi, elle pense que chaque Malien doit soutenir ce Centre qui est aujourd’hui envié par les autres pays de la sous-région. "Mon ambition est la promotion du Centre. Je ne me soucie pas de ce que les gens disent sur ma personne. Nous avons une équipe qui a de l'expertise nécessaire, qui est engagée pour la cause des patients. Il suffit de la renforcer, de renouveler les énergies pour insuffler une nouvelle dynamique " a-t-elle ajouté.  


Youssouf CAMARA

 


Article publié le Tuesday, May 31, 2011