Les crises font partie intégrante de l’évolution normale des organisations et des sociétés. L’essentiel c’est d’en tirer tous les enseignements au sortir pour mieux appréhender l’avenir. En cela la crise sans précédent que vit notre pays depuis quelques semaines nous enseigne comme l’a reconnu le nouveau Premier Ministre Luc Adolphe TIAO qu’il y a un ressort qui est cassé au sein de la société Burkinabè. Et comme thérapie, l’Etat propose une batterie de mesures unanimement saluées mais qui interpellent quand à leur efficacité dans la durabilité. En effet, si les partenaires sociaux ont accepté de donner un délai de grâce au nouveau gouvernement, cela ne semble pas être le cas au niveau des acteurs du secteur économique qui exigent ni plus ni moins la réduction des droits de Douane et l’allègement des procédures commerciales comme préalables à une baisse des prix des produits de grande consommation : riz, lait, huile, sucre, etc.
Si leur position est somme toute compréhensible dans ce contexte où l’on pense pouvoir tout obtenir facilement de l’Etat, il pose la question également des devoirs de ces commerçants vis à vis de l’Etat et de la nation surtout qu’ils jouent aussi quelque part, un rôle de service public. C’est bien de patriotisme et de solidarité dont le Burkina a besoin en ces moments. Or ces vertus semblent les moins partagés tout comme la propension à respecter les lois et règlements qui fondent notre vivre ensemble.
Et ce ne sont pas les commerçants qui diront le contraire. Eux qui ont dans leurs rangs des champions en tout genre : fraude douanière, sous-facturation, fausse déclarations, faux prix, etc. Oui il y a des brebis galeuses partout mais…, à pyromane, pyromane et demie ! Et à moment où la nation à plus que jamais besoin de la contribution de ses fils pour sortir de la crise, il convient que chacun revisite ses comportements à risques qui ont du reste mis notre pays dans cette situation. Il est important de s’interroger sur ce que chacun peut apporter comme plus à la sortie de la crise que de demander, exiger tout de l’Etat.
La situation est bien grave et bien de choses peuvent être dites dans le domaine de la mobilisation des ressources financières nécessaire à la sortie de crise. Parce qu’en définitive, il faudra bien que quelqu’un supporte la facture à un moment donné. Cela passe alors une reprise en main de notre secteur douanier notamment. Notre système ne favorise pas ou plus une mobilisation optimale des ressources. Le premier handicap est sans doute l’incivisme fiscal des usagers mais le plus préoccupant, c’est la porosité du système qui prend de l’eau de l’intérieur. Il y a enfin la qualité des hommes et des femmes chargés de la gestion du système qui finalement se retrouvent tirailler entre la volonté de servir l’Etat ou se servir eux-mêmes. Le cocktail est forcement explosif. Mais dans une société comme la nôtre, ou la morale est à l’agonie, que celui qui ne se reproche rien leur jette la première pierre.
Beyon Luc Adolphe TIAO a du pain sur la planche. Des Douaniers rackettent, contournent les valorisations de COTECNA et font perdre d’importante sommes d’argent à l’Etat. Les secteurs du commerce général, de l’import-export mais aussi des services sont les plus touchés. Les produits comme les motos, le lait, l’huile, le sucre, le sel, le riz, le carburant, bref, les produits de grande consommation sont naturellement les plus concernés. Le système secrète pratiquement des monopoles et contribue à une certaine culture de l’incivisme. Ces commerçants déclarent des valeurs incroyablement basses en Douane. Pire, ils vendent leurs produits 10 ou 20 fois plus chers sinon au même prix que ceux qui sont passés régulièrement à la Douane contribuant à renchérir le coût de la vie.
Pour exemple il y a quelques semaines, à Bittou, un grand groupe (GWK), a procédé le 17 février 2011 au dédouanement de 195 unités complètes de motocycles 110 cc (les célèbres Crypton) à la modique somme de 3 466 246 F CFA soit la moto à 17 775 F CFA (quittance n°R6121 du 15 mars 2011). Bien entendu, il n’y a pas eu de valorisation de la marchandise par les services de COTECNA. Autrement, (il existe des moyens de contourner cette valorisation même quand elle est faite) c’était la valeur de référence (130 000 F CFA) qui aurait été appliqué pour ce type de marchandise. Sur chaque moto, l’Etat a perdu 112 225 F CFA soit pour cette opération 21 883 875 F CFA. Excusez du peu. Seulement, lorsqu’on vous rapporte que le même groupe importe quelques 30 000 motos par an, on a un avis différent.
Le hic, ces motos ne sont pas les moins chers sur le marché. Bien au contraire ! Or, le commerçant déclare avoir acheté la moto à environ 50 000 F CFA sur le marché international. Un bon Vélo coûte bien plus. Des motos à ce prix sont-elles de bonne qualité ? Le doute est permis. Le plus révoltant, c’est que le prix de vente est fonction du prix d’achat mais ce commerçant n’en a que cure ! Où sont les services techniques chargés de faire appliquer la vérité des prix. Quelque chose doit être faite dans le sens d’une plus grande protection du consommateur qui est ainsi spolié. Autrement, on court tout droit vers le gouffre !
Ces pratiques doivent cesser car elles sont antisociales, antiéconomiques et anticoncurrentielles. Pire, elles pourraient contribuer à une certaine aggravation la crise si rien n’est fait d’ici là. La colère gronderait dans les milieux économiques où finalement tout ses sait. Alors, avis à qui de droit !
Jacques OUALBEOGO
Article publié le Thursday, May 5, 2011