Pour l’auteur des lignes qui suivent le Burkina Faso n’est pas le monde arabe. Sou Sammy Serge, puisque c’est de lui qu’il s’agit, soutient qu’au Burkina Faso, il n’y a pas d’opposants en prison, la liberté de presse est totale, le pluralisme politique aussi. Les échéances électorales sont régulières et crédibles selon les observateurs internationaux eux-mêmes crédibles. Les espaces de liberté sont totales. Il convient qu’il existe des problèmes au Burkina Faso comme partout ailleurs mais ceux-ci peuvent se résoudre sagement. En mettant le pays en péril, affirme-t-il, « nous mettons l’avenir de nos enfants en péril, leur vie, leur quiétude. Si vous avez déjà vu des théâtres de guerre, vous accepterez « tendre l’autre joue » afin de trouver des solutions plus sages, plutôt que de vouloir le chaos au Burkina Faso ». C’est pourquoi, il appelle tous les Burkinabè à une citoyenneté responsable.
Le Burkina Faso n’est ni la Libye, ni la Tunisie, ni l’Egypte, ni le Yémen, ni la Syrie et ce qui se passe dans ces pays est un juste retour des choses dans le contexte de ces Etats.
En effet, en Tunisie, le pouvoir était concentré entre les mains du président BEN ALI qui, entouré de conseillers ou de cercles familiaux influents, domine un ensemble d’institutions politiques et administratives qui sont autant de courroies de transmission de ses décisions. Ainsi, le gouvernement ne gouverne pas et la Chambre des députés est une chambre d’enregistrement des décisions de la présidence en vertu de non séparation effective des pouvoirs exécutif et législatif. Il n’y avait pas d’ouverture, l’opposition bâillonnée, la presse muselée, les prisons remplies d’opposants politiques et de militants des droits de l’Homme ;
En Egypte, le Président MOUBARAK instaure une démocratie en état d’urgence depuis 1981 avec des libertés fondamentales très restreintes, comme celle de circuler ou la liberté de la presse. C’est contre cette démocratie en état d’urgence que le peuple s’est soulevé.
En Libye, le système de KADHAFFI est théoriquement basé sur son Livre vert, qui combine des théories socialistes et islamiques et rejette la démocratie parlementaire ainsi que les partis politiques. De facto, Kadhafi exerce un pouvoir presque sans limites sur le gouvernement. L’article 2 de la constitution de 1977 (dite Déclaration sur l’avènement du Pouvoir du Peuple) stipule que « Le Saint Coran est la Constitution de la Jamahiriya arabe libyenne populaire socialiste » et l’article 3, « La démocratie populaire directe est la base du système politique de la Jamahiriya arabe libyenne populaire socialiste, dans laquelle le pouvoir est entre les mains du peuple seul ».
Au Yémen, le président Saleh est confronté à la même volonté de recherche d’espaces démocratiques. En 2004, il ordonna une campagne militaire contre les Houthis dans le cadre de l’insurrection au Saada. Cette campagne dura jusqu’à début 2010 et provoqua la mort d’environ de 5 000 à 7 000 Yéménites. Malgré les efforts d’Ali Abdullah Saleh dans la démocratisation, le Yémen reste un foyer d’instabilité, ou ni l’Etat de droit ni la démocratie ne sont accomplis.
En Syrie, l’État a mis en place un système politique assimilable à celui du parti unique. L’Etat d’urgence y est instauré depuis 1963 et couvre une dictature sanglante et féroce, sans liberté ni droits humains. Les opposants sont en prison ou en exil.
Pour ne citer que ceux là !
Dans ces pays, l’état d’urgence était la règle, et l’Etat de droit, l’exception. Il n’y avait pas de liberté de presse, il n’y avait pas de liberté de manifestations, les droits humains n’étaient pas respectés, les prisons étaient remplies d’opposants et les Etat se maintenant par la simple puissance de la police et de l’armée. Il n’y avait pas non plus de véritables pluralismes, ni d’élections.
Ce qui se passe au Burkina Faso
Au Burkina Faso, notre crise est objectivement liée à la crise économique et financière mondiale, dont les effets se trouvent accrus par un contexte très particulièrement défavorable. En effet, pays enclavé sans trop de ressources, pays aride à la pluviométrie est faible, les nombreux défis relevés ont été affaiblis au sud, avec les effets conjugués de la crise ivoirienne, notre principale ouverture vers le commerce international, notre principal pourvoyeur d’énergie électrique et de bien de services.
Au nord, les impacts du terrorisme de AL QAIDA au Maghreb islamique sont entrain de réduire les perspectives de l’économie touristique.
Les changements climatiques agressent nos forêts, nos rares points d’eau et nappes phréatiques, amoindrissant nos perspectives de production agro-sylvo pastorale.
Au plan politique, l’ouverture recherchée en ce moment dans les pays arabes est effectif depuis 1990 avec la Constitution de juin de la même année.
Au Burkina Faso, il n’y a pas d’opposants en prison, la liberté de presse est totale, le pluralisme politique aussi. Les échéances électorales sont régulières et crédibles selon les observateurs internationaux eux mêmes crédibles. Les espaces de liberté sont larges.
Les insuffisances dans notre système tiennent surtout à la capacité des populations à maitriser les mécanismes politiques et à les arbitrer en tant que véritable détenteur du pouvoir politique. Avec un contexte de plus de 80% de taux d’analphabétisme, les processus électoraux perdent en qualité de gouvernance, mais pas en légitimité. I faut donc opérer les réformes pour combler ces insuffisances.
Gagner les élections, signifie donc aller auprès des populations, dans les milieux surtout ruraux afin d’expliquer au mieux les attentes et les perspectives politiques. Si quelques partis arrivent à le faire, le grand, nombre des partis d’intellectuels aux stratégies basées sur le débat, ne se donnent ni la volonté, ni les moyens de ces actions de durée.
Les indicateurs des politiques d’ici ne peuvent être ceux de France ou d’ailleurs. Si vous voulez gagner les élections, vous devez aller en milieu rural ; mais si vous voulez gouverner, vous devez gagner la bataille de la ville et du centre. Beaucoup de partis politiques se contentent de la lutte urbaine pour la gouvernance.
Une dernière catégorie politique, refusant par principe les processus démocratique libéraux, les trouvant bourgeois, prônent la lutte des classes avec pour mot d’ordre de détruire le système. C’est cette dernière catégorie qui a décidé, non de poser les problèmes, mais de détruire le régime. C’est le Parti Communiste Révolutionnaire Voltaïque (PCRV), qui est sorti enfin du bois, avec des pancartes à son sigle, après 33 années d’existence clandestine.
Les appels à l’insurrection
Puisque le PCRV est en soit contre la démocratie libérale, puisqu’il refuse de participer aux processus électoraux, sa stratégie de lutte est de se mobiliser à travers des organisations de la société civile, utilisant les difficultés objectives de gouvernance pour appeler à l’insurrection et au Chaos.
Depuis quelques jours ils diffusent des tracs, appelant à l’insurrection des militaires. On apprend qu’il ya une COUR (Collectif des officiers Unis pour la République), mais aussi un Conseil Patriotique pour la restauration de la démocratie populaire (CPRDP) qui ont lancé un appel pour la destitution de Blaise COMPAORE.
Il n’y a pas de raisons que les citoyens acceptent cela.
Ne vous laissez pas abuser
Ceux qui appellent à l’insurrection, utilisent les espaces de libertés acquis par le fait de l’instauration de l’Etat de droit et de la démocratie, afin d’aboutir aux résultats suivants :
La destitution d’un Président qui vient d’être élu selon les règles dites par notre parlement légitime.
Au delà de la destitution du Président, c’est la suppression de l’Etat de droit et de la démocratie en eux-mêmes, qu’ils considèrent comme bourgeois.
Ces gens là prônent la lutte des classes et la suppression de la propriété privée.
Ils sont athées, fermeront les églises et temples, les mosquées et autres lieux de cultes.
Ils préfèrent la déchirure, la guerre civile, le chaos, quelque soit les impacts en termes de tueries, de réfugiés, de destruction, etc. Cette nouvelle façon de manifester en brulant des biens publics et privés procèdent de leurs méthodes. Si cela continue, demain ils vont bruler églises, mosquées et temples.
Notre appel à la sagesse
A tous les Hommes et femmes de ce pays, à tous les parents d’élèves, aux autorités religieuses et coutumières, aux opérateurs économiques, il est temps d’agir avant qu’il ne soit tard et que l’on atteigne un point de non retour :
Parlez aux citoyens autour de vous ;
Parlez à vos enfants ;
Parlez à vos employés ;
Exercez vos leaderships sociaux afin de comprendre la gravité de certains faits et le nécessaire retour à la sagesse et au dialogue.
Des problèmes il en existe au Burkina comme partout ailleurs ; mais ces problèmes peuvent se résoudre sagement. En mettant le pays en péril, nous mettons l’avenir de nos enfants en péril, leur vie, leur quiétude. Si vous avez déjà vu des théâtres de guerre, vous accepterez « tendre l’autre joue » afin de trouver des solutions plus sages, plutôt que de vouloir le chaos au Burkina Faso.
Ouagadougou ce jour de Pâques 2011
Sou Sammy Serge (sousserge@gmail.com)
Article publié le Monday, April 25, 2011