On connaissait le suicide collectif, mystérieux et saisonnier des baleines. On connaissait aussi le suicide collectif des sectes millénaristes (Temple solaire, Temple du peuple de Jim Jones etc...). Voici venue l’ère du suicide en cascade, nouveau protocole de contestation désespérée des employés de la firme française France Telecom...
Plus de 20 suicides en l’espace d’un an. Motif : stress avancé et désespérance extrême. La faute, dit-on, à une nouvelle culture de gestion de cette entreprise où les «managers», obsédés par les objectifs de résultats, se sont mués en tortionnaires patentés. Au nom d’un prétendu «nouveau concept managérial», les employés sont devenus les pièces désincarnées d’un sinistre Monopoly, ou les jetons d’un casino voué aux règles de la finance et de la rentabilité frénétique.Symptôme d’une époque malade du profit et de la course au résultat, ce phénomène qui se produit en France, intervient dans un climat d’échec des politiques face à une demande sociale particulièrement aigüe. Morosité, angoisse et résignation sont devenues le lot de la majorité des citoyens français, souvent épuisés et impuissants face à une conjoncture devenue illisible et brouillée. Dans cette ambiance, les suicides à France Telecom suscitent, tout au plus, un soupir collectif. Comme si ces réactions extrêmes à une forme de désespérance propre aux temps actuels, s’inscrivaient « naturellement » dans la logique d’un système qui déploie et impose inexorablement son autorité.Un système où le travail effectué par l’homme n’est plus une valeur cardinale de la société, mais simplement le fragment indéfiniment remplaçable d’une partition qui le dépasse et dans laquelle l’action et le sentiment humain – l’être de chair et de sang - ne sont plus que superfétatoires. Combien faudra-t-il de suicides encore à France Télécom avant que la foule, enfin sortie de cette torpeur systémique, ne se précipite dans les rues pour hurler, encore et encore qu’un autre monde est possible ? Mais les maîtres du monde, ceux qui, juchés sur les miradors des entreprises, placent et déplacent, montent et démontent les hommes et les femmes au nom du résultat, ont déjà pris le contrôle des rues, et inoculé dans les têtes leur terrible sentence : voie sans issue.Francis Laloupo Directeur de la rédaction Magazine panafricain «Continental»
Article publié le Monday, October 5, 2009